Dans un article intitulé « Doha doit agiter le drapeau blanc », le célèbre journaliste saoudien Abd Al-Rahman Al-Rashed, ancien rédacteur en chef d’Al-Sharq Al-Awsat et ancien directeur d’Alarabiya TV, conseille au Qatar de ne pas compter sur ses alliés, l’Iran et la Turquie, ni sur les piètres tentatives de médiation de l’Occident pour sortir de la crise actuelle. Au lieu de cela, il recommande au Qatar d’admettre que sa politique représente un danger pour la région et de satisfaire aux demandes de ses voisins en mettant fin au soutien d’acteurs menaçant pour la sécurité de l’Egypte, de l’Arabie saoudite, des Emirats arabes unis et de Bahreïn.

Al-Rashed observe que le Qatar a promis de s’amender dans le passé, mais a trouvé des moyens détournés pour éviter de le faire. Ainsi, il a cessé d’accueillir des extrémistes à Doha et les a transférés dans d’autres pays comme la Turquie, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis pour leur permettre d’agir contre leurs pays depuis ces Etats. Par ailleurs, il a interdit à Al-Jazira de diffuser les enregistrements de terroristes, mais a créé plusieurs réseaux médiatiques remplissant cette fonction. Par conséquent, affirme-t-il, les voisins du Qatar ne veulent plus croire à ses mensonges. Il prévient le Qatar que s’il s’entête sur cette voie, ses voisins lui renverront la balle.

La version en anglais de cet article a été postée le 28 juin 2017 sur le site d’Al-Arabiya.[1]

Dans le contexte du récent boycott lancé par les pays en colère contre le Qatar, ce dernier se comporte comme un chat en cage qui cherche un moyen de s’enfuir. Au lieu d’aborder de manière réaliste la crise et de reconnaître qu’il représente un problème dangereux et grave pour tous dans la région, il fait des bonds tout en recourant à ses vieilles méthodes.

Nous disons au chat qatarien : N’essaie plus de sauter par toutes les fenêtres vu qu’il n’y a qu’une porte de sortie à la crise. Tu dois trouver un accord avec tes voisins. Le Guide suprême iranien ne te sauvera pas, ni les soldats de la Turquie, ni les cercles américains qui te proposent des demi-solutions. Les déclarations des Allemands et des autres pays auxquels tu as eu recours ne te sauveront pas non plus.

Si les demandes des quatre pays  qui boycottent le Qatar sont au nombre de 13, elles n’ont en réalité un seul but : que le régime qatarien cesse de nuire aux pays de la région. Ces derniers empêcheront le Qatar d’agir s’il s’obstine, car tout indique qu’ils ont décidé de ne plus garder le silence face aux menaces qu’il fait peser sur leur sécurité et à leur existence. Ils vont donc le réprimer, jusqu’à ce qu’il goûte à son tour à ses propres remèdes.

Pourquoi cette insistance ? L’Egypte appelle depuis plus de deux ans maintenant le régime qatarien à cesser de soutenir l’opposition [égyptienne], armée ou civile, car les affaires de l’Egypte ne regardent que le peuple égyptien. L’Arabie saoudite et les EAU exigent exactement la même chose du Qatar. Ils souhaitent qu’il cesse de financer l’opposition extrémiste à l’intérieur et à l’extérieur de leurs pays et qu’il arrête de soutenir des groupes d’opposition armés agissant contre eux, au Yémen et ailleurs. En attendant, Bahreïn a beaucoup souffert du financement par le Qatar de l’opposition armée et civile.

Les mensonges exposés au grand jour

Pourquoi ces pays tiennent-ils à ces 13 conditions ? Parce qu’ils ont tenté de parvenir à un accord avec le [Qatar] mais ont exposé ses mensonges au grand jour. Lors de l’accord de Riyad en 2013, le régime qatarien avait signé une charte promettant de ne pas s’engager dans une quelconque activité dirigée contre son voisin, l’Arabie saoudite.

Suite à leurs protestations selon lesquelles le Qatar n’avait pas respecté ses engagements, Doha a prétendu qu’il n’avait pris aucun engagement. Cette dénégation a suscité un choc. Les pays médiateurs ont alors proposé un mécanisme pour vérifier l’engagement du Qatar, mais après moins d’un an, ils ont compris que le Qatar avait laissé ses empreintes sur chaque crise qu’ils affrontaient.

Ils ont compris que Doha avait des projets bien pires contre eux et qu’en sus de tous ces préjudices, il leur mentait. Le Qatar prétendait être engagé à faire ce qu’on lui avait demandé de faire. Il l’a fait au pied de la lettre, en adoptant une approche trompeuse du respect de l’accord de Riyad. Il a cessé d’accueillir des figures d’opposition extrémistes à Doha, mais les a transférées dans d’autres pays comme la Turquie, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, [où elles ont pu continuer] d’œuvrer contre leurs pays.

Il les a installées à ses frais et les a financées. Certaines de ces figures ont reçu la nationalité qatarienne, appuyant l’argument de Doha selon lequel il ne finance pas d’extrémistes égyptiens ou saoudiens.

Il a également obligé la chaîne Al-Jazira à ne pas s’approcher de l’Arabie saoudite et a cessé d’inciter à la haine et de diffuser les enregistrements de terroristes par son biais. Toutefois, il a lancé plusieurs réseaux médiatiques pour assurer ce rôle. Ces réseaux incluaient des chaînes télévisées, qu’il finançait en Turquie et en Grande-Bretagne.

L’escalade de la crise

Le Qatar pense à présent qu’il peut continuer à tricher par une approche différente. Toutefois, la crise a connu une escalade. L’Egypte estime que les actions du Qatar nuisent à sa sécurité, notamment lorsqu’il finance des groupes terroristes armés en Libye.

Ces groupes attaquent l’Egypte au milieu des célébrations d’Al-Jazira et des franches incitations à la haine contre elle. De son côté, l’Arabie saoudite ne reste plus silencieuse face aux Houthis qui bombardent les villes saoudiennes, soutenus par les Iraniens et les Qataris.

L’Arabie saoudite ne peut plus garder le silence sur le financement par le Qatar de Saoudiens manipulés, qui combattent avec l’Etat islamique et le Front Al-Nusra en Syrie et en Irak. Nous sommes conscients que le véritable but et projet du Qatar est que ces Saoudiens retournent ultérieurement en Arabie saoudite pour y combattre. Cela ressemble à ce qu’a fait le Qatar, lorsqu’il a incité les Saoudiens à se rebeller contre leur pays et à rejoindre Al-Qaïda en Afghanistan, au cours des deux dernières décennies.

La bataille est claire. Le Qatar prend pour cibles certains régimes en les affaiblissant ou en les renversant. Il est impossible de ne pas réagir en recourant à des moyens similaires.  Par conséquent, il vaut mieux pour ce chat mal élevé de piètre réputation qu’il agite le drapeau blanc au lieu de se laisser entraîner par sa propagande et d’y croire.

Elle est menaçante et nous prévient que la confrontation rappellera la « tente de Safwan », [2] mais nous craignons pour Doha qu’elle se solde plutôt par une « Place Rabia » ! [3]

Lien vers le rapport en anglais

 Note :

[1] English.alarabiya.net, 28 juin 2017. Pour la version arabe de cet article, voir aawsat.com, 28 juin 2017.

[2] Allusion à la tente de l’aéroport de Safwan dans laquelle l’Irak a officiellement accepté les conditions de la coalition pour un cessez-le-feu permanent le 3 mars 1991, à l’issue de la première Guerre du Golfe.

[3] Allusion au raid des forces de sécurité égyptiennes, le 14 août 2017, contre les manifestants des Frères musulmans sur la Place Rabia Al-Adawiya du Caire, au cours duquel des centaines de manifestants ont été tués.

 

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