Par A. Savyon et Yigal Carmon*

Les Etats-Unis n’ont jamais eu et n’ont toujours pas la moindre idée de l’emplacement des 8,5 tonnes d’uranium enrichi qui auraient été expédiées hors d’Iran; En outre, la Russie a fourni à l’Iran 200 tonnes de Yellowcake.

Tandis que les Etats-Unis protestent contre la violation mineure par l’Iran, annoncée cette semaine, de la limite de 300 kg pour son stock d’uranium faiblement enrichi, fixée dans l’accord nucléaire, le PAGC [Plan d’action global commun] en 2015,[1], l’emplacement des 8,5 tonnes d’uranium enrichi que l’Iran aurait expédiées à son allié la Russie la même année demeure totalement inconnu. Elles pourraient être de retour en Iran.

Sept mois après la conclusion du PAGC, et deux mois après cette supposée livraison, l’ambassadeur Stephen Mull, principal coordinateur du Département d’Etat de l’administration Obama pour l’Iran, a déclaré que « l’endroit exact où la Russie l’entreposera n’a pas encore été décidé » ajoutant : « Je pense que, si cela n’est pas encore arrivé, c’est pour très bientôt. » [2]

Par ailleurs, il est certain qu’en décembre 2015, selon l’agence de presse russe Tass,[3] la Russie a fourni à l’Iran 200 tonnes de yellowcake.

Les Etats-Unis n’ont pas la moindre idée de l’endroit où se trouvent les 8,5 tonnes d’uranium enrichi

Lors d’une audition tenue le 11 février 2016 devant la commission des affaires étrangères du Congrès américain, l’ambassadeur Mull a reconnu que Washington avait perdu la trace de l’uranium enrichi qui, selon lui, se trouvait à présent « à bord d’un navire russe, sous garde russe, sous contrôle russe » – à savoir, qu’il ne se trouvait plus sous la supervision de l’AIEA.

De fait, en réponse à la question du représentant Chris Smith (R-NJ) lors de l’audition « Avons-nous les moindres comptes à rendre sur le site ? Pouvons-nous aller vérifier par nous-mêmes ? » L’ambassadeur Mull a répondu : « Nous ne le pouvons pas. » Le représentant Smith a déclaré : « Nous ne le pouvons pas. Qui le peut ? », ce à quoi l’ambassadeur Mull a répondu : « La Russie est responsable du maintien de l’accès et des contrôles. »

Le représentant Smith a ensuite demandé : « Où a-t-il été entreposé ? » et l’ambassadeur Mull a répondu : « Il n’a pas été pleinement… selon nos informations, il n’a pas encore été décidé où exactement la Russie l’entreposera. »

A la question du représentant Smith : « Mais où est-il passé ? Il doit bien être quelque part », l’ambassadeur Mull a répondu : « … Je pense que, s’il n’est pas encore arrivé, il arrivera bientôt. »

En réponse à l’observation du représentant Smith : « nous sommes dès lors confiants que les Russes diront qu’ils l’ont sous leur responsabilité et qu’ils le surveillent ? Je veux dire qu’étant si proches de l’Iran, ils nous ont doublés, en particulier au Moyen-Orient – les Syriens, et je ne sais pas pourquoi nous leur ferions confiance. Pouvez-vous nous dire où il va ? », l’ambassadeur Mull a répondu : « Il relève de la responsabilité du gouvernement russe d’en décider. Nous n’avons aucune inquiétude concernant la garde russe de ce matériel. Ce qui est important est de savoir s’il retournera en Iran. Et je peux garantir qu’il existe suffisamment de contrôles en place pour que nous soyons informés si la moindre poussière de ce matériel retourne en Iran. »

Le représentant Smith a ensuite demandé : « Mais une fois de plus, l’AIEA peut-elle se rendre sur ce bateau, vérifier qu’il s’y trouve et le suivre, jusqu’à son emplacement final ? » A cette question, l’ambassadeur Mull a répondu : « L’AIEA a des accords de surveillance différents avec chaque pays du monde. » (Comme indiqué, Mull a affirmé que l’uranium se trouvait à présent « sous garde russe, sous contrôle russe » – à savoir, en dehors de la supervision de l’AIEA).

A la déclaration du représentant Smith: « … il n’est dans aucun endroit, dans aucune ville que vous avez mentionnés… Il n’est nulle part en Russie, de sorte que nous ne pouvons même dire qu’il se trouve là-bas. Nous ne savons même pas où il est », l’ambassadeur Mull a répondu : « L’AIEA a vérifié le chargement de tout ce matériel… »

Lorsque le représentant Smith a souligné que « le chargement et la destination finale sont très importants », l’ambassadeur Mull a déclaré : « C’est la responsabilité du gouvernement russe de décider de sa destination. »

Le représentant Smith a conclu : « Il y a là une faille, à mon avis. »

Pour voir la déposition de l’ambassadeur Mull, cliquez ci-dessous :

* A. Savyon est la directrice du projet Iran Media Studies de MEMRI ; Yigal Carmon est le Président de MEMRI.

Annexe : Déposition de l’ambassadeur Mull

On trouvera ci-dessous la déposition de l’ambassadeur Stephen Mull lors de l’audition du 11 février 2016.[4]

SUPERVISION DE L’ACCORD NUCLÉAIRE SUR L’IRAN : MISE EN OEUVRE ET CONSÉQUENCES

AUDITION DEVANT LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS DU CENT-QUATORZIÈME CONGRÈS, SECONDE SÉANCE, 11 FÉVRIER 2016

L’ambassadeur MULL. Le matériel que l’Iran a expédié, ces 25 000 livres de matériel nucléaire, de matériel nucléaire enrichi, que la Russie a pris sous son contrôle. Si nous avons de toute évidence de nombreuses divergences au fil des ans avec la Russie, l’une des caractéristiques de notre relation est une coopération assez étroite concernant la protection du matériel nucléaire. Nous n’avons pas de préoccupations que ce matériel —

M. SMITH DU NEW JERSEY. Avons-nous des comptes à rendre sur le site ? Pouvons-nous aller vérifier par nous-mêmes ?

L’ambassadeur MULL. Nous ne le pouvons pas.

M. SMITH DU NEW JERSEY. Nous ne le pouvons pas. Qui le peut ?

L’ambassadeur MULL. Eh bien, nous – je veux dire, la Russie a des tonnes de matériel nucléaire, et cela depuis de nombreuses années. La Russie est responsable du maintien de l’accès et des contrôles.

M. SMITH DU NEW JERSEY. Dans quelle ville se trouve-t-il ? Où se trouve le lieu de dépôt ?

L’ambassadeur MULL. Pardon ?

M. SMITH DU NEW JERSEY. Où a-t-il été entreposé ?

L’ambassadeur MULL. Il n’a pas été pleinement… selon nos informations, il n’a pas encore été décidé où exactement la Russie allait l’entreposer.

M. SMITH DU NEW JERSEY. Puisque que cela a été expédié, c’est arrivé quelque part. Ce n’est pas —

L’ambassadeur MULL. Il est encore en processus d’être livré intégralement.

M. SMITH DU NEW JERSEY. Donc il n’a pas encore été entièrement expédié ?

L’ambassadeur MULL. Tout a été expédié. Tout a quitté l’Iran à bord d’un bateau.

M. SMITH DU NEW JERSEY. Mais où est-ce allé ? Je veux dire que cela doit bien être quelque part.

L’ambassadeur MULL. C’est sur un navire russe, sous garde russe, sous contrôle russe.

M. SMITH DU NEW JERSEY. C’est en fait à bord du bateau actuellement ?

L’ambassadeur MULL. Je pense que s’il n’est pas encore arrivé, il arrivera très bientôt. Et il restera sous le contrôle des installations russes.

M. SMITH DU NEW JERSEY. Mais une fois de plus, nous faisons donc confiance aux Russes pour dire qu’ils l’ont sous leur responsabilité, qu’ils le surveillent ? Je veux dire qu’ils sont si proches de l’Iran, ils nous ont doublés, en particulier au Moyen-Orient – les Syriens, je ne sais pas pourquoi nous leur ferions confiance. Pouvez-vous nous dire où il va ? Je veux dire que c’est important. Et ensuite je vais —

L’ambassadeur MULL. Il relève de la responsabilité du gouvernement russe de décider de la destination. Nous n’avons aucune inquiétude concernant la garde russe de ce matériel. Ce qui est important, c’est de savoir s’il retournera en Iran. Et je peux garantir qu’il existe suffisamment de contrôles en place pour que nous soyons informés si la moindre poussière de ce matériel retourne en Iran.

M. SMITH DU NEW JERSEY. Mais une fois de plus, l’AIEA peut-elle se rendre sur ce bateau, vérifier qu’il s’y trouve et le suivre, jusqu’à son emplacement final ?

L’ambassadeur MULL. L’AIEA a des accords de surveillance différents avec chaque pays du monde.

M. SMITH DU NEW JERSEY. Je n’aurais pas confiance que – je veux dire il n’est même dans aucun endroit, il n’est dans aucune ville que vous avez mentionnée. Il n’est nulle part, dans aucun lieu en Russie où nous pourrions dire qu’il se trouve. Nous ne savons même pas où il est.

L’ambassadeur MULL. L’AIEA a vérifié le chargement de tout ce matériel sur le—

M. SMITH DU NEW JERSEY. Mais le chargement et l’endroit où il aboutit est très important.

L’ambassadeur MULL. C’est la responsabilité du gouvernement russe de décider de la destination.

M. SMITH DU NEW JERSEY. Il ya là une faille, à mon avis.

Lien vers le rapport en anglais

Notes :

[1] Fars (Iran), 1er juillet 2019.

[2]Docs.house.gov/meetings/FA/FA00/20160211/104456/HHRG-114-FA00-Transcript-20160211.pdf, pp. 30-31, 11 février 2016.

[3] Tass.com/world/847733, 29 décembre 2015 ; Tass.com/politics/929618, 8 février 2017 ; Commentarymagazine.com/foreign-policy/middle-east/iran/iran-yellowcake-nuclear-deal-ernest-moniz, 21 mars 2017.

[4]Docs.house.gov/meetings/FA/FA00/20160211/104456/HHRG-114-FA00-Transcript-20160211.pdf, pp. 30-31, 11 février 2016.

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