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La journaliste égyptienne Rabab Azzam a raconté avoir été excisée à l’âge de 13 ans. Elle a relaté la douleur physique endurée, l’humiliation « au-delà des mots » et le changement intervenu en elle après ce traumatisme. Qualifiant cette procédure de « massacre collectif », Azzam a parlé de perte d’innocence, de désir de vengeance et de son comportement « de garçon », sa famille lui ayant « refusé le droit d’être une femme à part entière ». La modératrice de CBC TV a exprimé sa propre opinion sur le sujet, affirmant que « personne… n’a le droit de vous retirer une partie du corps » et que les parents qui soumettent leurs filles à l’excision sont de « vrais criminels ». L’émission a été diffusée le 10 octobre 2017. Extraits :

Rabab Azzam : Laissez-moi vous raconter mon histoire. En 2003, j’allais entrer en Troisième.

Modératrice : Quel âge aviez-vous ?

Rabab Azzam : 13 ans. Tout ce qui touche au chiffre 3 est un cauchemar pour moi. Comme tous les gens au Caire originaires des villages, mes sœurs et moi – toute ma famille – y retournions pour les vacances d’été. Il s’est avéré que la famille, sous la direction du chef de famille, a décidé de procéder à cette opération sur cinq filles – moi, ma sœur et trois cousines. Mon père y était opposé. C’était un homme instruit, un professeur qui avait enseigné à des générations d’enfants. Mais il ne pouvait passer outre la décision du chef de famille.

Modératrice : Qui était le chef de famille ?

Rabab Azzam : Mon grand-père. […] Nous étions en train de jouer ensemble quand soudainement, ils nous ont prises. Ma mère n’a pas pu prendre la décision. Mes deux parents étaient totalement hors du tableau. Ma tante est plutôt forte et elle nous a emmenées chez le docteur, moi et les quatre autres filles. Nous n’avons pas compris ce qui se passait. Ils ne nous l’ont pas dit. Ils n’ont même pas utilisé d’anesthésiques. Deux d’entre eux m’ont attrapée. Aucun anesthésique n’a été utilisé. Je vous raconte comment c’était. Je vois que vous êtes surprise.

Modératrice : Surprise ? Je veux dire… Pas d’anesthésiques ?

Rabab Azzam : Non. Et cela a été exécuté par un docteur. C’était un gynécologue réputé. Quand j’ai appris qu’il était décédé, je n’ai pas prié pour son âme. Je ne peux pas lui pardonner, pour être honnête. C’est lui qui m’a mise au monde, et il est la raison pour laquelle je suis morte.

Modératrice : Qu’avez-vous ressenti, Rabab ?

Rabab Azzam : J’ai été humiliée au-delà des mots. Ils m’ont toujours dit que personne ne devait voir aucune partie de mon corps, et dès que j’ai commencé à me développer au niveau de ma féminité, un homme a exposé mes parties intimes et effectué cette opération, aidé par des infirmiers. Pendant tout ce temps, mes oncles et ma tante allaient et venaient. L’endroit était plein à craquer. J’appelle cela un massacre collectif. Ce n’est rien de moins que les massacres dans d’autres pays auxquels on assiste tous les jours à la télévision.

Modératrice : Etiez-vous étourdie par la douleur ? La douleur devait être terrible.

Rabab Azzam : Je criais. Je m’évanouissais puis je me réveillais et j’essayais de leur résister de toutes mes forces. J’étais dans tous mes états. Quatre d’entre eux devaient me retenir. Finalement, quand le docteur a vu qu’il n’avait pas d’autre choix, il m’a injecté une piqûre à l’endroit où il pratiquait l’excision. C’est tout. Ce n’était même pas une anesthésie générale ou régionale. Juste une piqûre locale. Deux ou trois heures plus tard, je ma trouvais étendue là, éveillée. Je ne comprenais pas ce qui se passait. Les gens entraient et sortaient, mais je n’étais pas vraiment là. J’étais dans un autre monde. Toute mon innocence et le sentiment que je devais me protéger s’étaient transformés en un désir de vengeance, en sentiments très négatifs. Pendant deux ou trois ans, je n’ai pas parlé à ma famille. J’étais encore une petite fille. J’étais une fille très énergique qui aimait le monde. Mais vu qu’il m’avaient excisée parce qu’ils ne voulaient pas que je sois une fille et que je mène la vie d’une fille normale, comme Dieu l’a créée, très bien, alors j’allais devenir comme un garçon. C’est vous qui m’avez rendue ainsi, alors ne me dites pas…

Modératrice : Que voulez-vous dire par « comme un garçon » ?

Rabab Azzam : J’ai commencé à me bagarrer comme un garçon. J’ai commencé à parler comme un garçon. J’ai appris à me battre comme eux. Je frappais n’importe quel gosse qui s’approchait de moi. […]

Modératrice : Vous êtes-vous mesurée à votre famille ?

Rabab Azzam : Et comment. A tel point que si ma mère me demandait de faire des corvées de fille à la maison, je refusais et je lui disais : « Je ne suis plus une fille. Toi et le reste de la famille m’avez refusé le droit d’être une femme à part entière, alors ne me demande plus rien de ce que l’on demande à une femme. C’est injuste. Puisque vous m’avez volé le droit à… »  De nombreuses filles passent par là. Les Egyptiens se plaignent toujours que les femmes égyptiennes sont trop masculines. Non ! Vous nous avez rendues ainsi ! Ce sont les hommes qui soutiennent le plus l’excision.

Modératrice : Bien sûr.

Rabab Azzam : Nous avons fait quelques enquêtes de terrain auprès de femmes mariées. J’ai rencontré de nombreux hommes qui se plaignent que leurs femmes excisées sont frigides et ne remplissaient pas leurs devoirs d’épouse. Mais dès que leurs filles atteignent l’âge de 12 ou 13 ans, ils les emmènent par la main chez le médecin et lui disent : Allez-y ! […]

Modératrice : Avez-vous peur de vous marier, Rabab ? Redoutez-vous que… L’idée même que…

Rabab Azzam : Je crains qu’il soit dégoûté, qu’il me perçoive comme déformée. […]

Modératrice (face caméra) : Vous êtes un être humain. Vous êtes un être humain à part entière. Personne – ni votre père, ni votre mère, ni votre oncle ou votre mari – n’a le droit de vous retirer une partie du corps. Puisque notre Dieu vous a créées de cette façon, cela signifie qu’il veut que vous soyez ainsi. Personne ne peut vous dire… Le problème se trouve chez les mères… Je crois que ceux qui infligent cela à leurs filles sont de vrais criminels. […]

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