Par Steven Stalinsky *

Le 2 août 2017, la Fondation Al-Sahab (« Le nuage ») pour la publication de médias islamiques, branche médiatique d’Al-Qaïda, a diffusé un enregistrement audio peu remarqué, dans lequel le dirigeant d’Al-Qaïda, Ayman Al-Zawahiri, commémore les efforts de la branche médiatique de l’organisation et honore les « martyrs d’Al-Sahab ». Al-Zahawiri consacre une partie importante de son discours à faire l’éloge d’Al-Sahab, de ses collaborateurs et de leurs familles, pour leur service rendu au djihad et aux moudjahidines. Il déclare : « Je dois ici exprimer ma reconnaissance pour les services immenses et bénis qu’Al-Sahab continue de rendre. Les soldats de cette organisation de moudjahidines paient souvent un prix élevé pour leurs efforts entrepris en vue de véhiculer leur message aux musulmans, ce prix étant ni plus ni moins que celui de leur sang et de celui de leurs familles, de l’éloignement et de l’aliénation, de leur poursuite par les ennemis et des persécutions infligées à leurs familles. »

Après avoir souligné qu’Al-Sahab a été fondée par Khalid Cheikh Mohammed, cerveau des attentats du 11 Septembre, « icône imposante du djihad », Al-Zawahiri demande à Allah de bénir « les martyrs d’Al-Sahab » : Zuhair Al-Maghribi, ressortissant allemand et marocain qui vivait avec les auteurs du 11 Septembre Mohammed Atta et Ramzi bin Al-Shibh et entretenait des liens étroits avec les autres terroristes du 11/9 dans la cellule d’Hambourg ; Umar Al-Talib, citoyen saoudien figurant sur la liste saoudienne des terroristes les plus recherchés, narrateur des vidéos d’Al-Sahab et tué dans une attaque de drone en juillet 2013 ; Ahmad Farouq, de nationalité américaine, commandant adjoint d’Al-Qaïda dans le sous-continent indien (AQSI), tué avec son compatriote américain Adam Gadahn. Tous ces hommes, affirme Al-Zawahiri, « sont des modèles de patience et d’endurance, et ont sacrifié leurs vies pour exposer la tromperie des Croisades contemporaines ».

La mission d’Al-Sahab était de diffuser les opinions et politiques de l’organisation, de promouvoir le djihad mondial, d’encourager les jeunes musulmans à s’identifier au djihad d’Al-Qaïda et d’inspirer le terrorisme d’origine intérieure. Al-Sahab a été officiellement créée en 2001, sous la direction du gendre d’Ayman Al-Zawahiri, Abdoul Rahman Al-Maghrebi, et avec l’aide de l’ancien chef d’Al-Qaïda, Attiyah Allah Al-Libi, qui dirigeait la commission médiatique d’Al-Qaïda supervisant les médias de l’organisation ; Gadahn les a rejoints par la suite. Au début, Al-Sahab diffusait des vidéos via des supports de confiance et des chaînes télévisées arabes, comme Al-Jazeera, ou des stations télévisées locales pakistanaises. Elle est ensuite passée à une diffusion directe via des forums djihadistes et les réseaux sociaux. Aujourd’hui, elle est présente sur Telegram et, jusqu’à récemment encore, sur Twitter. Son compte Twitter a été suspendu en décembre 2016.

A son apogée, Al-Sahab Media diffusait toutes les déclarations exclusives des dirigeants d’Al-Qaïda, Ossama ben Laden et Ayman Al-Zawahiri, et pouvait attirer l’attention de la rue arabe et semer la peur dans les médias occidentaux. Ceux qui étaient impliqués dans la guerre contre le terrorisme dans la période qui a mené au 11/9 et qui l’a suivi se souviennent comment, lorsqu’une nouvelle vidéo d’Al-Sahab était diffusée, les gens la regardaient, tenus en haleine, attentifs à chaque mot et examinant chaque lieu et indice, écoutant attentivement chaque menace. Quelques années après la création d’Al-Sahab, Gadahn, qui figurait dans un bon nombre de ses vidéos et s’exprimait couramment en anglais et en arabe, était considéré comme jouant un rôle clé au sein de l’organisation. En effet, depuis sa mort en 2015, Al-Sahab n’a diffusé que quelques programmes mineurs, principalement des enregistrements audio d’Al-Zawahiri et du fils d’Ossama ben Laden Hamza – dont beaucoup pensaient qu’il était formé pour diriger l’organisation – ainsi que le magazine en ligne occasionnel et les communiqués du commandement général d’Al-Shabab ; tout cela étant dérisoire en comparaison des quantités massives de productions médiatiques habilement réalisées par l’EI.

Avant même que Gadahn soit tué, d’autres groupes djihadistes, dirigés par l’EI, ont supplanté les efforts médiatiques d’Al-Qaïda par leur utilisation impressionnante des plateformes de réseaux sociaux et de technologie cryptée. Dans une tentative de garder le rythme, Gadahn avait commencé à introduire Al-Qaïda dans les réseaux sociaux. Lors d’une interview pour le magazine en ligne en anglais d’Al-Qaïda, Inspire, en mars 2013, il avait déclaré aux lecteurs qu’Al-Qaïda et à ses sympathisants en ligne devaient « tout mettre en œuvre pour atteindre les musulmans… par le biais des nouveaux médias comme Facebook et Twitter… »

La mort de Gadahn a porté un sérieux coup aux efforts médiatiques d’Al-Qaïda, les ramenant presque au point mort. Personne n’a relevé le défi, et sa disparition a eu un effet dévastateur sur l’audience du groupe, ses relations publiques, etc. Le 25 juin 2015, deux mois après l’annonce de son décès, AQSI a publié un numéro spécial de son magazine en ligne en anglais Resurgence, comportant une longue interview avec Gadahn, dans laquelle il abordait les rouages internes d’Al-Sahab. En réponse à la question : « Certains prétendus experts et analystes des médias et des cercles des renseignements occidentaux affirment que vous êtes le fondateur et/ou le dirigeant de la Fondation Al-Sahab for Media Production. Cette affirmation est-elle fondée ? », Gadahn a répondu : « Le fait est que je ne suis pas le fondateur d’Al-Sahab, et que n’ai jamais été son dirigeant. Je n’ai commencé à travailler avec Al-Sahab qu’en 2002, lorsque nous étions à Karachi. »

Lire le rapport dans son intégralité en anglais

 * Steven Stalinsky est directeur exécutif de MEMRI et auteur du livre The Rise and Fall of Al-Qaeda’s U.S.-Born Leader Adam Gadahn, qui doit paraître cet automne.

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