Par C. Jacob*

Le Sommet économique de la Ligue arabe, qui devait se tenir à Beyrouth le 20 janvier 2019, devait aborder, entre autres sujets, le sujet de la crise économique au Liban et de a reconstruction de la Syrie. Le 16 janvier, le Forum du Secteur privé arabe réuni à Beyrouth, avec la participation du Premier ministre libanais Saad Al-Hariri, pour rédiger les recommandations en vue du Sommet,[1] et le 19 janvier, à la veille du sommet, une convention des ministres des Affaires étrangères arabes doit avoir lieu. Le conseiller médiatique du président libanais et porte-parole du sommet, Rafiq Shalala, a déclaré que les préparatifs du sommet étaient terminés.[2] Si la Tunisie, l’Egypte, la Mauritanie, le Koweït, le Qatar, Oman et l’Autorité palestinienne ont tous confirmé leur participation, la plupart d’entre eux ont annoncé qu’ils ne seraient pas représentés par leurs chefs d’Etat, mais par des représentants de rang inférieur.

La Syrie, suspendue de la Ligue arabe en novembre 2011, plusieurs mois après le début de la crise – due à la répression violente par le régime d’Assad du mouvement de protestation à son encontre – n’a pas été conviée au sommet. Toutefois, au cours des dernières semaines, au vu de la victoire du régime dans la guerre de Syrie et de l’évolution de l’attitude des pays arabes à son égard – qui s’est exprimée notamment par la réouverture des ambassades des EAU et de Bahreïn à Damas – un débat public a vu le jour sur la question de la Syrie et sur une éventuelle normalisation avec elle, voire une invitation au sommet. Les demandes d’inviter la Syrie ont été exprimées par ses partisans au Liban, et notamment les mouvements du Amal et du Hezbollah, tandis que la faction rivale, les Forces du 14 mars, s’y opposent, au motif qu’il n’y a aucune raison de normaliser ses relations avec le régime d’Assad tant qu’il n’aura pas changé d’attitude envers le Liban et son propre peuple.

Au cours de sa récente tournée au Maroc, en Irak, en Jordanie et en Egypte, le ministre libanais des Affaires étrangères, Gebran Bassil, a œuvré en coulisses pour promouvoir l’inclusion de la Syrie dans le sommet.[3] Après l’échec de ses efforts, le président libanais Michel Aoun a annoncé que « le sommet aura lieu comme prévu » et que « le Liban est prêt à accueillir les dirigeants arabes ».[4] A l’inverse, le président du parlement et dirigeant d’Amal, Nabih Berri, a appelé à reporter le sommet, au motif qu’il ne devait pas se tenir sans la Syrie, que le Liban n’a pas encore élu de nouveau gouvernement et que le gouvernement provisoire n’est pas habilité à décider de la question de l’inclusion de la Syrie. Il a ajouté qu’il n’assisterait pas au sommet si la Syrie n’était pas présente. Par la suite, il a également mentionné, comme raison supplémentaire de reporter le sommet, son opposition à la participation de la Libye. [5]

Il convient d’observer que, selon une information parue le 16 janvier dans le quotidien Al-Akhbar, les Etats-Unis ont transmis au ministre des Affaires étrangères Bassil, via un télégramme secret ainsi que par le biais de l’ambassade américaine à Beyrouth, qu’ ils s’opposaient à l’invitation de la Syrie au sommet par le Liban, qu’ils ont même menacé de sanctions s’il participait à sa reconstruction.[6] Si cela s’avérait, cela pourrait expliquer pourquoi le président Aoun et le ministre Bassil, tout en soutenant la participation de la Syrie au sommet, n’ont pas encore pris l’initiative de l’inviter.

Les Forces du 14 mars s’opposent à la normalisation des relations avec la Syrie et à sa participation au sommet

Le principal parti opposé à la présence syrienne au sommet est celui des « Forces du 14 mars », dirigé par le dirigeant de la faction Al-Mustaqbal, le Premier ministre libanais Saad Al-Hariri, qui a accusé la Syrie d’être responsable de l’assassinat de son père, Rafiq Al-Hariri. Ses alliés, le dirigeant druze Walid Jumblatt, dirigeant du Parti socialiste progressiste, et Samir Geagea, chef du parti des Forces libanaises, partagent sa position. Fondées en 2005 en réaction à la présence de la Syrie et à son influence au Liban, les Forces du 14 mars s’opposent à sa participation au sommet, au motif que le Liban ne doit pas changer sa position envers elle tant qu’elle continue de nier les droits de son propre peuple. Ce mouvement a également exprimé sa préoccupation que le régime d’Assad perturbe le sommet, et affirmé que dans tous les cas, la compétence pour inviter des participants au sommet appartient à la Ligue arabe, et non au pays d’accueil, le Liban.

Les Forces du 14 mars ont également exprimé leur opposition à la normalisation avec le régime syrien, en raison de son attitude meurtrière envers son propre peuple. L’hostilité du mouvement envers le régime syrien a été exacerbée par le fait qu’en décembre 2018, une institution affiliée au régime a publié une liste de personnalités et d’organisations accusées de financer le terrorisme, qui incluait  Saad Al-Hariri, Walid Jumblatt, Samir Geagea et d’autres membres des Forces du 14 mars.[7] Le mouvement a affirmé que cette liste « fait partie de la guerre du régime [syrien] contre ses opposants au Liban » et de ses mesures de rétorsion à leur encontre. [8]

Lire la suite du rapport en anglais

* C. Jacob est chercheur à MEMRI. 

Notes :

[1] Al-Nahar (Liban), 17 janvier 2019.

[2] Al-Hayat (Dubai), 7 janvier 2019.

[3] Al-Jumhouriyya (Liban), 9 janvier 2019.

[4] Elnashra.com, 7 janvier 2019.

[5] Lebanon24.com, 11 janvier 2019. La tension entre Amal et la Libye est due au refus des autorités libyennes d’enquêter sur la disparition de Moussa Al-Sadr, guide suprême des chiites au Liban et fondateur du mouvement Amal en 1978, lors d’une visite en Libye à l’invitation de son président d’alors, Mouammar Kadhafi. Après que le mouvement Amal a exprimé son opposition à la participation de la Libye au sommet économique, les appareils de sécurité de l’aéroport de Beyrouth ont refusé l’entrée de plusieurs hommes d’affaires libyens qui devaient assister au sommet, et des partisans chiites d’Amal ont déchiré le drapeau libyen devant le lieu de réunion du sommet, (lebanon24.com, 11 janvier 2019). En réaction, le Haut Conseil d’Etat libyen a demandé au ministère des Affaires étrangères de suspendre les relations diplomatiques avec le Liban, et demandé à la Ligue arabe d’interdire au Liban de participer à tous les événements de la Ligue arabe, jusqu’à ce que son gouvernement assume la responsabilité de l’atteinte au drapeau et promette que de tels incidents ne se reproduiraient plus. (elnashra.com, 14 janvier 2019). La Libye a également annoncé qu’elle n’assisterait pas au sommet économique (lebanon24.com, 14 janvier 2019).

[6] Al-Akhbar (Liban), 16 janvier 2019.

[7] Al-Akhbar (Liban),  29 décembre 2018.

[8] Lebanondebate.com, 2 janvier 2019 ; Al-Nahar (Liban), 4 janvier 2019.

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