Suite aux événements de la Marche du retour à la frontière entre Gaza et Israël, au cours desquels des dizaines de Palestiniens ont été tués [1], le Koweït a présenté un projet de résolution devant le Conseil de sécurité des Nations unies condamnant « l’usage de la force excessif, disproportionné et indiscriminé » par Israël contre des civils palestiniens, et demandant que le peuple palestinien bénéficie d’une « protection internationale »[2]. En réaction, les Etats-Unis ont soumis un projet de résolution distinct contenant différents amendements au projet koweïtien, qualifiant le Hamas de groupe terroriste, condamnant les tirs de missiles sur Israël et le détournement de ressources par les factions palestiniennes au profit de l’infrastructure militaire pour les utiliser contre Israël.[3] Riyad Mansour, Observateur permanent de la Palestine aux Nations unies, a déclaré au concernant le projet américain, qui a été rejeté lors du vote : « Ces amendements sont hostiles à notre peuple. » [4]

Les Etats-Unis étaient les seuls à opposer leur veto à la proposition koweïtienne, avec 10 voix pour et quatre abstentions.[5] Après le vote, des officiels palestiniens ont réagi avec virulence. Ainsi, Hanan Ashrawi, membre du Comité exécutif de l’OLP, a déclaré : « Le comportement idiot des Etats-Unis reflète une politique défaillante sur le plan moral et d’arrogance du pouvoir, qui les mène à une confrontation avec toutes les valeurs internationales et constitue un nouveau coup dur porté à la crédibilité et à l’équité de la communauté internationale, telle qu’elle se manifeste aux Nations unies. » [6] Elle a ensuite appelé à « poursuivre les dirigeants des Etats-Unis et d’Israël devant les tribunaux internationaux ». Les Etats-Unis ont « changé les règles du jeu et sont clairement et pleinement biaisés en faveur des autorités de l’occupation », a-t-elle ajouté.[7] En outre, les Palestiniens ont lancé des initiatives diplomatiques visant à obtenir un soutien pour transférer le vote sur le projet de résolution du Koweït devant l’Assemblée générale, en vertu de la résolution 377A de 1950 de l’Assemblée générale des Nations unies « Union pour le maintien de la paix ». [8]

La presse palestinienne a réagi au veto américain contre le projet de résolution du Koweït en publiant des articles très critiques contre les Etats-Unis et leurs dirigeants, poursuivant la ligne virulente anti-américaine ouvertement adoptée ces derniers mois par la presse de l’Autorité palestinienne (AP) après la reconnaissance par Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël.[9]

Ces articles accusent les Etats-Unis d’être hostiles aux Palestiniens, de fouler aux pieds les valeurs de l’humanité et les principes des Nations unies et d’encourager le terrorisme en exploitant leur puissance pour promouvoir leurs propres intérêts et ceux d’Israël au détriment de ceux des autres. Le président Trump lui-même, selon un article, “brandit l’épée de la guerre et du terrorisme” devant le monde. Un autre article le qualifie de « nouvelle version d’Hitler ».

La tension entre l’administration Trump et les dirigeants palestiniens s’est également reflétée dans un échange virulent d’accusations entre Jason D. Greenblatt, assistant du président Donald Trump et représentant spécial chargé des négociations internationales, et Saeb Erekat, secrétaire-général du Comité exécutif de l’OLP, dans des éditoriaux publiés dans la version anglaise du quotidien israélien Haaretz le 10 juin.[10] Greenblatt a écrit que la rhétorique des dirigeants palestiniens, et en particulier celle d’Erekat, est « tout simplement inexacte », haineuse et « fausse », et ne contribue en rien à promouvoir la paix ou à améliorer les conditions de vie des Palestiniens. Le temps est venu, affirme-t-il, pour l’avènement de voix palestiniennes nouvelles et différentes. Il a également accusé Erekat et les dirigeants palestiniens de défendre le Hamas et de négliger son rôle dans l’organisation d’opérations violentes à la frontière entre Gaza et Israël.[11] Erekat a affirmé en réponse que « Greenblatt défend un agenda qui nie systématiquement les droits du peuple palestinien », que l’administration Trump est « devenue le principal défenseur d’Israël en écrasant les droits nationaux et humains des Palestiniens » et que « les officiels américains ont continué d’exprimer leur soutien au meurtre en cours des manifestants palestiniens à Gaza » et qu’ils ne parviendront pas à imposer « l’accord du siècle » ou toute autre solution politique aux Palestiniens.[12]

Quotidien de l’AP : « L’arrogant et narcissique » Trump brandit l’épée du terrorisme et promeut la loi de la jungle

En réaction au veto américain au projet de résolution devant le CSNU, la presse palestinienne a publié des articles très critiques des Etats-Unis et de leurs dirigeants. Ce discours était flagrant dans les colonnes du quotidien de l’AP Al-Hayat Al-Jadida. L’éditorialiste Muwaffak Matar a lancé une attaque personnelle contre le président Trump, affirmant : « Ce raciste [Trump], nouvelle version d’Hitler, ne veut pas nous voir libres, mais morts, déplacés, expulsés et emprisonnés. Cela lui fait plaisir de nous voir affamés, courir après un sac de farine américaine, et abandonner le principe de la liberté à des milliers de kilomètres derrière nous… Depuis que Trump est entré à la Maison Blanche, il affronte le monde en brandissant l’épée de la guerre et du terrorisme sous ses diverses formes. Il a commencé dans notre région, lorsqu’il a décidé de reconnaître la Jérusalem occupée comme la capitale de la puissance occupante, Israël. Cet acte en soi est la violation la plus flagrante du droit international. » [13]

Un autre éditorialiste d’Al-Hayat Al-Jadida, Yahyah Rabah, a écrit au sujet de la politique de l’administration Trump : « Les Etats-Unis de Trump s’imposent en agissant comme ils l’ont fait [devant l’ONU], comme une superpuissance qui n’a aucun sens de la responsabilité envers la paix et la sécurité internationale. Ils continuent de révéler [leurs véritables positions] et de provoquer des décisions agressives et déchaînées. Ils encouragent les agressions atteignant le niveau d’actes terroristes et n’ont aucun respect pour les autres, leurs intérêts, leur espace vital et leurs opinions. C’est du jamais vu, et les partenaires des Etats-Unis ne seront pas capables de le supporter longtemps. »

« Dans un tel esprit, comment Trump peut-il présenter son plan, ‘l’Accord du siècle’, alors que l’autre partie est la direction palestinienne légitime, sans laquelle aucun accord ne réussira ? Par conséquent, l’illusion de Trump selon laquelle il présentera un plan pour mettre fin au conflit [israélo-palestinien] n’est rien d’autre qu’un exemple de ses sombres illusions. Cela est dû au fait qu’un homme qui agit à la hâte, sans aucune considération [logique], est inapte à mettre fin au conflit. » [14]

L’éditorialiste Omar Hilmi Al-Ghoul écrit que le veto américain devant le CSNU a donner carte blanche à Israël pour nuire délibérément aux Palestiniens : « Ce qui est arrivé hier devant le CSNU révèle l’amplitude du déshonneur qui gagne les Etats-Unis et indique une chose très importante, le fait que l’administration du président américain Donald Trump, arrogant et narcissique, dirige le monde selon les normes de la loi de la jungle. Ces normes ont porté atteinte au statut des Nations unies, et notamment du Conseil de sécurité, ont privé de toute signification véritable les lois humanitaires, chartes, normes et règles internationales que l’humanité a élaborées au cours des 70 années écoulées… et les ont transformées en simple encre sur le papier. Ces normes ont [également] déchaîné les chiens enragés israéliens, qui déchirent sans retenue la chair vivante des Palestiniens… » [15]

Un journaliste palestinien : Les Etats-Unis sont hostiles aux Palestiniens et extorquent les pays pauvres pour promouvoir leurs intérêts et ceux d’Israël

Dans un éditorial intitulé « L’Alliance américano-israélienne contre le monde », Talal Awkal, éditorialiste du quotidien palestinien Al-Ayyam, se focalise sur les déclarations de Riyad Mansour, Observateur permanent de la Palestine auprès des Nations unies, qui a déclaré après le vote au CSNU que les Etats-Unis sont hostiles au peuple palestinien et  incapables de faire preuve d’impartialité et d’objectivité à son endroit. Il écrit : « La déclaration de Riyad Mansour… suscite de nombreuses réflexions politiques et [nous] incite à procéder à un réexamen du front de nos ennemis et de celui de nos alliés et amis. Mansour a refusé de prendre en considération le projet de résolution américain devant le Conseil de sécurité, qui ne faisait que condamner les missiles tirés [contre Israël] depuis Gaza. Il a déclaré que ‘les Etats-Unis sont un pays hostile envers le peuple palestinien’. [Par ces propos], Mansour détermine, à juste titre, une vision nouvelle et différente du rôle des Etats-Unis dans le conflit palestino-arabe-sioniste. Cela fait suite à une période de manœuvres  politiques qui ont contraint les Palestiniens à espérer que les Etats-Unis seraient capables, même quelque peu, [d’agir] équitablement et objectivement, pour contribuer à parvenir à un processus de paix qui garantisse aux Palestiniens le minimum de leurs droits reconnus par l’ONU…

Les Etats-Unis à l’ère de Donald Trump choisissent de faire la paix avec eux-mêmes, en tant qu’Etat colonialiste hostile aux efforts des peuples, tant ceux qui aspirent à la liberté et à l’indépendance que ceux qui cherchent le progrès et le développement de leurs sociétés. Les Etats-Unis soulignent ouvertement et directement qu’Israël est leur extension colonialiste naturelle, et la base avancée de leur sécurité pour atteindre leurs propres intérêts. Il se peut que les Arabes soient un peu lents à comprendre cette réalité, à savoir que les Etats-Unis refusent tout partenariat avec quiconque, qu’ils n’ont d’autre allié qu’Israël et qu’ils se préoccupent avant tout de protéger leurs intérêts aux dépens des autres…

Il est clair que l’administration Trump utilise sa puissance économique et militaire pour extorquer les pays pauvres, et qu’elle se mobilise pour les forcer à transférer leurs ambassades à Jérusalem et les empêcher de voter en faveur de toute résolution [de l’ONU] nuisant à Israël. De même, elle ne pense pas que chacun a le droit de se protéger, à l’exception de l’Etat d’occupation, même si cela conduit à l’effondrement du système judiciaire international et à la perte par l’ONU de l’essence de sa fonction… [16]

Lien vers le rapport en anglais

Notes :
[1] Voir MEMRI en français, La campagne de la Grande Marche du retour : une initiative parrainée par le Hamas visant à franchir la barrière frontalière et à infiltrer le territoire israélien, 22 mai 2018.
[2] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 27 mai 2018 ; Un.org/press/en, 1er juin 2018.
[3] Un.org/press/en, 1er juin 2018.
[4] Wafa.ps, 1er juin 2018.
[5] Un.org/press/en, 1er juin 2018.
[6] Wafa.ps, 2 juin 2018.
[7] Alwatanvoice.com, 3 juin 2018.
[8] Wafa.ps, 6 juin 2018. La résolution 377A de l’Assemblée générale des Nations unies, adoptée le 3 novembre 1950, autorise l’AGNU, dans le cas où, « le Conseil de sécurité, faute d’unanimité des membres permanents, n’exerce pas sa responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales », à « examiner immédiatement la question en vue de faire des recommandations appropriées aux Membres pour des mesures collectives. Un.org/grch/view_doc.asp?symbol=A/RES/377(Va/sea).
[9] Voir Dépêche spéciale de MEMRI n° 7474, Harsh Anti-U.S. Rhetoric By The Palestinian Authority And Its Daily Newspaper: Throughout History, U.S. Policy Has Been Based On Aggression, Mass Extermination; U.S. Embassy In Jerusalem Is ‘Den Of Settlers’, 16 mai 2018.
[10] Haaretz.com, 10 juin 2018. Les deux articles ont été traduits en arabe et publiés par le journal basé à Jérusalem, Al-Quds, le quotidien au plus fort tirage de l’AP.
[11] Haaretz.com, 10 juin 2018.
[12] Haaretz.com, 10 juin 2018.
[13] Al-Hayat Al-Jadida (Autorité palestinienne), 3 juin 2018.
[14] Al-Hayat Al-Jadida (Autorité palestinienne), 4 juin 2018.
[15] Al-Hayat Al-Jadida (Autorité palestinienne), 3 juin, 2018.
[16] Al-Ayyam (Autorité palestinienne), 4 juin 2018.

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