Depuis sa création, l’Autorité palestinienne (AP) verse des allocations aux prisonniers sécuritaires palestiniens dans les prisons israéliennes, ainsi qu’aux blessés et aux familles des « martyrs », y compris de ceux ayant commis des attentats contre des civils. Récemment, l’AP a fait l’objet de pressions en vue de suspendre ces paiements. Selon certaines informations, durant la visite à la Maison Blanche du président de l’AP Mahmoud Abbas, le 3 mai 2017, l’administration Trump a demandé à l’AP de supprimer ces paiements. De même, le Secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson a récemment confirmé que la question de la cessation des paiements avait été abordée par le président américain Trump et par Abbas [lors de leur rencontre]. Le 13 juin 2017, Tillerson a déclaré à la commission des relations étrangères du Sénat qu’au cours de sa visite à Bethléem le 23 mai 2017, l’AP lui avait promis qu’elle et l’OLP avaient « modifié leur politique… et que leur intention était de cesser les paiements aux membres des familles de ceux qui avaient commis des meurtres ou des actes de violence… Nous avons été parfaitement clairs avec eux et leur avons dit que cela n’était tout simplement pas acceptable. » [1]
Israël appelle depuis quelque temps l’AP à cesser de verser des allocations aux prisonniers et aux familles des « martyrs », affirmant que cela encourage la poursuite du terrorisme. Dernièrement, la Knesset a débattu d’un projet de loi visant à déduire des revenus fiscaux qu’Israël collecte et transmet à l’AP chaque mois le montant total des allocations versées aux prisonniers et aux familles des « martyrs ».
Les appels à suspendre le versement des allocations aux prisonniers ont été rejetés par les officiels de l’AP et de l’OLP, qui ont déclaré qu’elles ne seraient pas supendues et que le soutien aux prisonniers, aux blessés et aux familles des « martyrs » était « un devoir national évident qui ne peut être remis en question ». Le dirigeant de la commission palestinienne des affaires des prisonniers et ex-prisonniers, Issa Qaraqe, a déclaré que les allocations de l’AP aux prisonniers, aux blessés et aux familles des « martyrs » étaient une « ligne rouge et un principe fondamental sur lesquels nous ne ferons aucun compromis ». Qaraqe a également critiqué les représentants de l’administration américaine, affirmant que leurs communications au sujet des allocations constituent une « agression américano-israélienne contre le peuple palestinien et l’AP ». En outre, des sources palestiniennes haut-placées ont affirmé au quotidien Al-Quds que les déclarations de Tillerson étaient inexactes.
A ce jour, l’AP n’a pris aucune décision officielle quant à la cessation des allocations. Néanmoins, les versements à 277 anciens prisonniers, pour la plupart membres du Hamas, ont récemment été suspendus ; le but est toutefois pour l’AP de faire pression sur le Hamas, dans le cadre des sérieuses tensions intra-palestiniennes.
Le soutien de l’AP aux prisonniers dans le passé et aujourd’hui est conforme aux lois et décisions gouvernementales : allocations et bénéfices mensuels
Les allocations versées par l’AP aux prisonniers incarcérés et libérés et aux familles des martyrs ont été détaillées par le président de MEMRI Yigal Carmon, lors de sa déposition donnée le 6 juillet 2016 devant le Congrès américain (Voir MEMRI Daily Brief n° 97, MEMRI President Yigal Carmon’s Testimony To House Committee On Foreign Affairs, 6 juillet 2016: Palestinian Authority Support For Imprisoned, Released, And Wounded Terrorists And Families Of ‘Martyrs,’ 6 juillet 2016).
Le soutien aux prisonniers est principalement ancré dans deux lois de 2014, la Loi n° 14 et la Loi n° 19, et dans un amendement de 2013 à cette dernière loi. La Loi n° 14 définit les détenus et les prisonniers libérés comme un « secteur combattant et une partie intégrante du tissu social arabe palestinien » (Article 2) et affirme la nécessité « d’accorder les droits financiers au prisonnier et à sa famille » (Article 4). Elle stipule également que l’AP « accordera à chaque prisonnier incarcéré une allocation, sans discrimination » (Article 6).
Les lois et leurs amendements stipulent que l’AP doit fournir aux prisonniers un soutien financier et éducatif, ainsi qu’à leurs enfants, et que lors de leur libération, elle doit veiller à leur réinsertion et les employer dans les institutions de l’AP. La loi accorde aux prisonniers une série d’avantages, y compris l’exemption de différents frais d’éducation, de formation professionnelle et de soins de santé, ainsi qu’une allocation mensuelle pendant la durée de leur incarcération, et qu’une allocation vestimentaire. Selon la loi, dans le cas de prisonniers libérés employés comme fonctionnaires par l’AP, les années passées en prison seront considérées comme des années de service.
Au cours des ans, le gouvernement de l’AP a pris une série de décisions pour appliquer ces lois et fixer les montants à payer sous forme d’allocations mensuelles, de bourses spéciales, d’exemptions de frais de santé, d’éducation et de formation professionnelle, etc.[2]
L’AP souligne l’importance qu’elle accorde à la question des prisonniers. Abbas a souvent répété que « les prisonniers sont la priorité numéro un ».[3] Conformément à cet engagement, l’AP investit des montants considérables dans le soutien aux prisonniers et à leurs familles.
La décision du gouvernement de l’AP n° 23 de 2010 spécifiait les allocations mensuelles des prisonniers en fonction de la durée de la sentence qui leur avait été infligée. Les montants, qui n’ont pas changé depuis, sont les suivants :[4]
Jusqu’à 3 ans | 1 400 NIS (=~ 400 $)[5] |
3-5 ans | 2 000 NIS (=~ 570 $) |
5-10 ans | 4 000 NIS (=~ 1 130 $) |
10-15 ans | 6 000 NIS (=~ 1 130 $) |
15-20 ans | 7 000 NIS (=~ 2 000 $) |
20-25 ans | 8 000 NIS (=~ 2 230 $) |
25-30 ans | 10 000 NIS (=~ 2 830 $) |
30 ans et plus | 12 000 NIS (=~ 3 400 $) |
Supplément pour les détenus mariés | 300 NIS (=~ 85 $) |
Supplément pour les détenus ayant des enfants mineurs | 50 NIS par enfant (=~ 14 $) |
Supplément pour les détenus de Jérusalem | 300 NIS (=~ 85 $) |
Supplément pour les détenus qui sont citoyens israéliens | 500 NIS (=~ $140) |
Tableau des allocations mensuelles aux prisonniers (Source : Al-Waqai Al-Falastiniyya, Numéro 90, 30 mars 2011, p. 106)
* Y. Yehoshua est vice-présidente de la recherche et directrice de MEMRI Israël ; C. Jacob est chercheur à MEMRI.
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