Par Steven Stalinsky, R. Sosnow et E. Zweig*
En janvier 2015, MEMRI a signalé des vidéos de soutien aux combattants du djihad et aux « martyrs » sur YouTube, pour tester la fonctionnalité de signalement des vidéos de « soutien au terrorisme ». Ce test faisait suite aux divers recherches et autres tests de signalement menés par MEMRI sur YouTube à partir de 2009, et à une série de rapports de MEMRI sur « YouTube – The Internet’s Primary and Rapidly Expanding Jihadi Base ». [YouTube – la principale base djihadiste en rapide expansion sur Internet].[1]
La controverse en cours sur la publication par Google de publicités payantes figurant à côté de vidéos terroristes et extrémistes sur YouTube après les attentats au Royaume-Uni
Notons qu’à la mi-mars 2017, d’importantes sociétés ont interrompu ou minimisé leurs contrats publicitaires avec le propriétaire de YouTube, Google, car ce dernier avait laissé leurs marques s’y entrecroiser avec des contenus terroristes et extrémistes. Ces sociétés comprennent, à ce jour, AT&T, Verizon, Johnson & Johnson, la société de location de voitures Enterprise Holdings, et le fabricant de produits pharmaceutiques GSK. Selon certaines informations, des publicités ordinaires apparaissaient aux côtés de vidéos YouTube téléchargées par des utilisateurs, défendant la haine et l’extrémisme.[2]
Après les attaques du 3 juin 2017 à Londres, Google a été soumis à des pressions croissantes. Le 6 juin, les médias britanniques ont rapporté que Google refusait de retirer de YouTube des vidéos contenant de l’extrémisme et de la haine qui avaient inspiré les auteurs des attentats.[3] Le lendemain, on apprenait que les trois principaux partis politiques de Grande-Bretagne avaient retiré leurs annonces de campagne électorale de YouTube, car elles figuraient aux côtés de vidéos extrémistes.[4]
MEMRI signale les vidéos de martyre sur YouTube et constate les résultats
Le phénomène des djihadistes postant sur YouTube des vidéos de combattants « martyrs » sur les fronts du djihad en Afghanistan, au Yémen, en Somalie, en Irak et ailleurs grandit depuis quelque temps. Parmi les martyrs figurant dans ces vidéos, des cheikhs éminents, des responsables notoires de forums en ligne et des combattants de nombreuses organisations terroristes ou djihadistes diverses, venus du Moyen-Orient et d’autres pays, y compris de l’Occident. Ces vidéos de martyrs sur YouTube servent de nombreux objectifs : publier les dernières volontés des martyrs, louer leurs actions, informer leurs familles et amis de leur mort et – surtout – inspirer de nouvelles vocations en les dépeignant comme des héros qui doivent susciter l’émulation. Ces vidéos sont également diffusées par des djihadistes ainsi que des groupes et sympathisants du djihad sur les réseaux sociaux pour promouvoir les organisations djihadistes.
Parmi les vidéos de martyrs sur YouTube examinées par MEMRI au cours des deux dernières années, se trouvent celles qui montrent et célèbrent les martyrs des fronts du djihad. Notons que ces martyrs sont également célébrés sur les réseaux sociaux, y compris sur Twitter, Instagram et Facebook. MEMRI a publié plusieurs rapports sur de tels contenus diffusés sur ces plates-formes.[5]
YouTube demeure un réceptacle essentiel de ces vidéos, dont le nombre atteint plusieurs milliers sur Internet. Notons que le retrait par YouTube de contenus djihadistes est inégal ; ces deux dernières années un travail sérieux de retrait des vidéos de l’EI a été accompli, contrairement à celles d’Al-Qaïda, notamment celles d’Anwar Al Awlaki.
Les vidéos signalées dans le cadre de cette étude se focalisent sur les martyrs dans le monde musulman. En 2015, le projet Cyber Jihad Lab de MEMRI a signalé 115 vidéos de martyrs, et ces deux dernières années, MEMRI a vérifié le statut des vidéos signalées pour constater leur évolution. Les résultats sont les suivants : après deux ans, 69 des 115 vidéos demeurent actives, ce qui montre l’échec du système de signalement de YouTube.
- Au 4 décembre 2015 : sur les 115 vidéos signalées, 80 (69.57 %) demeuraient actives en ligne.
- Au 19 mai 2016 : sur les 115 signalées, 77 (66.96 %) restaient actives en ligne.
- Au 27 février 2017: sur les 115 signalées, 69 (60 %) restaient actives en ligne.
Les recherches de MEMRI sur les contenus djihadistes en ligne sur YouTube ont précédé la diffusion de contenus djihadistes sur d’autres plateformes
Trois ans après la publication par MEMRI de ses rapports sur « YouTube – The Internet’s Primary and Rapidly Expanding Jihadi Base », le problème a cru de manière exponentielle, au point que YouTube a fini par lui prêter attention. En 2012, MEMRI a publié une série de rapports fondés sur des recherches menées par le précurseur de son projet Cyber Jihad Lab, examinant les affirmations de YouTube selon lesquelles il aurait retiré des vidéos djihadistes de sa plate-forme, notamment celles qui avaient été signalées.
Ces recherches, qui ont précédé la diffusion de contenus djihadistes sur Twitter, Facebook, et l’application de messagerie cryptée Telegram, ont montré que YouTube était le premier site web au service du djihad en ligne, remplaçant et dépassant les sites administrés par les djihadistes eux-mêmes, notamment Al-Qaïda, auparavant principales tribunes des actions djihadistes en ligne. A cette époque, MEMRI avait offert son assistance à YouTube pour identifier les vidéos incitant à la violence et aux actes terroristes, pour leur évaluation et leur retrait éventuel.
Les contrôles effectués par MEMRI de la fonctionnalité du signalement de YouTube, détaillés dans plusieurs rapports,[6] ont montré que la majorité des vidéos signalées par MEMRI n’ont pas été retirées et sont restées en ligne.
- La glorification du chef d’Al-Qaïda Osama Ben Laden et des attentats du 11 septembre – 100 ont été signalées, 58 sont restées en ligne.
- Les vidéos du chef religieux yéménite-américain d’Al-Qaïda dans la Péninsule arabe (AQPA) – 127 ont été signalées, 11 sont restées en ligne.
- Les vidéos d’Al-Awlaki – 127 ont été signalées, 111 sont restées en ligne.
- Les vidéos du chef d’Al-Qaïda Ayman Al-Zawahiri – 125 ont été signalées, 57 sont restées en ligne.
Sept ans après l’action de MEMRI pour faire retirer les contenus extrémistes de YouTube, le problème ne fait que s’aggraver
Sept ans se sont écoulés depuis que MEMRI a initié ses premières actions pour retirer les contenus djihadistes de YouTube. Comme l’établissent les précédents rapports de MEMRI, en 2010, le directeur exécutif de MEMRI Steven Stalinsky a rencontré de hauts-représentants de Google Inc. et de YouTube, y compris le conseiller politique principal et des avocats de la société, spécialisés dans la liberté d’expression, pour aborder la question des vidéos djihadistes et de la justification de leur suppression. Peu de temps après, YouTube s’est engagé à introduire une fonctionnalité par laquelle les utilisateurs pourraient signaler des vidéos en alertant sur les contenus qui font « la promotion du terrorisme ». [7]
Pendant cette période également, MEMRI a collaboré avec des membres du Congrès sur ce sujet, donnant lieu à une série de lettres de membres du Congrès démocrates et républicains, envoyées au PDG de YouTube, Chad Hurley, le 29 septembre 2010 et le 24 octobre 2010.
* Steven Stalinsky est Directeur exécutif de MEMRI, R. Sosnow et E. Zweig sont chercheurs à MEMRI.