Ces derniers jours, et dans le contexte du succès de la campagne militaire de la coalition internationale menée par les Etats-Unis contre l’Etat islamique (EI), des hauts représentants des milices chiites soutenues par l’Iran en Irak, qui font partie du Hashd Al-Shaabi (Unités de mobilisation populaire, UMP), ont explicitement menacé les troupes américaines dans le pays. Ils ont averti que si les Etats-Unis ne retiraient pas la totalité de leurs forces, ils riposteraient par un conflit militaire.

Ces menaces font suite à des informations selon lesquelles la coalition maintiendrait une présence en Irak, en dépit de ses succès. Le 5 février 2018, le porte-parole du gouvernement irakien Sa’d Al-Hadithi a ainsi annoncé que la bataille contre l’EI était terminée et qu’en conséquence, les forces américaines en Irak seraient réduites. Mais, a-t-il précisé, le processus de retrait en est encore à ses débuts, et il n’y aura pas de retrait total.[1] En conséquence, le Premier ministre irakien Haider Al-Abadi a déclaré que si un plan gouvernemental a été mis en place pour réduire graduellement les forces de la coalition internationale, l’Irak a toujours besoin de la puissance aérienne de la coalition.[2]

Le porte-parole du Pentagone, Eric Bahon, a déclaré à la chaîne télévisée Al-Hurrah que la mission des forces américaines se focalisait désormais sur le conseil octroyé à l’armée irakienne et à son entraînement à la guerre contre le terrorisme.[3] Selon un message de la coalition internationale, il n’y aurait pas de retrait total, et une partie de ses forces et conseillers sera maintenue pour permettre aux forces irakiennes d’empêcher l’EI de se reconstituer.[4]

Ce n’est pas la première fois que des officiels des milices chiites menacent d’entamer des actions militaires contre les forces américaines en Irak. Le 1er novembre 2017, le quotidien libanais Al-Akhbar, proche du Hezbollah libanais, rapportait qu’après la défaite de l’EI, les milices avaient l’intention d’agir, et même de recourir aux armes, pour chasser les forces américaines de leur pays.[5]

Il convient d’observer que selon la Loi sur les UMP adoptée par le parlement irakien en novembre 2016, celles-appartiennent aux forces armées irakiennes et sont soumises à leur état-major.[6]

Kata’ib Hezbollah-Irak : Nous sommes prêts à une confrontation avec les forces américaines en Irak qui peut éclater à tout moment

Ja’far Al-Husseini, porte-parole militaire du Kata’ib Hezbollah-Irak, milice soutenue par le Corps des Gardiens de la Révolution islamique iranien (CGRI) et figurant sur la liste des groupes terroristes dressée par les Etats-Unis, a menacé lors d’une interview télévisée : « La confrontation avec les Américains peut survenir à tout moment » et « nous sommes déterminés dans notre intention d’expulser les Américains d’Irak par la force militaire, car c’est le seul langage qu’ils comprennent ». S’exprimant sur la chaîne télévisée Al-Mayadin, identifiée avec le Hezbollah libanais, Al-Husseini a affirmé que « la présence américaine en Irak est une occupation, point… La coalition internationale menée par Washington a été établie contre la volonté de l’Irak, et les forces américaines sont entrées en Irak par la force… Il n’existe aucune décision du gouvernement irakien de les laisser rester… Nous n’avons pas besoin des Américains, qu’ils soient qualifiés d’instructeurs ou de conseillers [militaires]. » Il a ajouté : « Il n’y a pas de stabilité en Irak du fait de la présence américaine ; les Américains ne sont pas venus en Irak à la demande du gouvernement. »

Ja’far Al-Husseini (Photo : almayadeen.net 5 février 2018)

Al-Husseini a répété l’argument souvent entendu de la part des dirigeants iraniens et des partisans de l’Iran, selon lequel les Etats-Unis sont responsables d’avoir amené l’Etat islamique en Irak, et a souligné le fait que le gouvernement irakien est contraint de faire partir les Américains du pays. Il a ajouté : « Ne testez pas notre patience. L’armement de nos combattants est limité pour l’heure, [mais ils] attendent le moment opportun. [Ce moment] peut survenir dans une heure ou dans un mois. Nous sommes à l’apogée de cette confrontation, [visant à] expulser l’occupation. Cette fois-ci ne ressemblera pas aux précédentes. Les capacités de la résistance islamique en Irak se sont décuplées en termes d’équipement et de main-d’œuvre. Nous sommes par conséquent préparés à toute confrontation future et à chasser l’occupation américaine et les soldats américains. » [7]

Symbole du Kata’ib Hezbollah-Irak.

Selon un communiqué publié le lendemain sur le site web des milices, les Etats-Unis auraient l’intention de réoccuper l’Irak : « Alors que l’administration américaine a divulgué qu’elle commençait à retirer ses forces d’Irak, ou à diminuer leurs effectifs, ce que le gouvernement irakien s’est empressé de confirmer, le ministre de la Guerre [sic] américain dément ces informations et souligne que Washington n’a pas l’intention de retirer un seul soldat d’Irak. De la sorte, les fasses déclarations des Etats-Unis et leur nouveau plan de réoccupation de l’Irak ont été officiellement révélés… »

Toujours d’après le communiqué, les déclarations américaines contradictoires visent à semer l’embarras au sein du gouvernement irakien, qui s’est longtemps tu sur la présence américaine en Irak, et à provoquer les factions de la résistance islamique opposées à toute présence américaine en Irak.[8]

La milice Al-Nujaba : Si les Etats-Unis ne se retirent pas, nous riposterons par le feu

Abou Wareth Al-Musawi, porte-parole de la milice Al-Nujaba (Harakat Hezbollah Al-Nujaba), a également menacé que, si les Américains ne se retiraient pas d’Irak, la milice prendrait les armes contre eux. Il convient de mentionner qu’un projet de loi a été présenté devant le Congrès américain pour désigner Al-Nujaba, également, comme une organisation terroriste.[9]

Dans une interview sur le site web Baghdadtoday.news, Al-Musawi a appelé le gouvernement irakien à « adopter une position nationale conforme aux objectifs et à la souveraineté nationale, et à mettre un terme aux positions et aux déclarations provocatrices américaines… Chaque jour, des déclarations américaines plus impudentes sont prononcées, comme si l’Irak était devenu un élément de l’axe américain ou l’un des Etats américains. Cela est inacceptable, et nous ne le permettrons pas… [Le gouvernement irakien] doit répliquer et adopter une position ferme à l’égard des déclarations du Pentagone opposées à un retrait… [Le Premier ministre irakien Haider Al-Abadi] doit rassurer les Irakiens concernant le retrait des forces étrangères et américaines de l’Irak… Si la partie américaine refuse de se retirer, la réponse [d’Al-Nujaba] sera les armes… Tout comme nous avons combattu pour la souveraineté irakienne et pour maintenir le processus politique, nous reprendrons nos attaques contre les forces étrangères si elles décident [de poursuivre] l’occupation et refusent de se retirer. » [10]

Nasr Al-Shamari, autre représentant officiel des milices, a souligné que plus de 9 000 soldats américains se trouvent aujourd’hui en Irak, et a déclaré : « Nous ne voulons pas entraîner le pays dans une nouvelle crise ; nous voulons préserver son intégrité et son indépendance. » Et de poursuivre en clarifiant : « Il n’y a pas eu de règlement de comptes entre les Américains et les [Irakiens]. Nous n’oublierons jamais les meurtres commis par ces forces. » [11]

L’organisation Badr : Nous demandons un retrait total des forces américaines

Le porte-parole de l’organisation Bard, Karim Al-Nouri, a également précisé que l’organisation exige un retrait total des forces américaines : « Il doit y avoir une coordination entre les deux gouvernements sur un retrait total, et non sur le maintien [d’une partie des forces], car leur maintien entraînera une division interne en Irak et sera un aimant pour le terrorisme. » [12]

Lien vers le rapport en anglais

Notes :

[1] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 5 février 2018.

[2] Alarabiya.net, 7 février 2018.

[3] Alhurra.com, 5 février 2018.

[4] Army.mil, 6 février 2018.

[5] Voir Dépêche spéciale de MEMRI n° 7170, Iraqi Elements To Lebanese Daily Close To Hizbullah: We Will Fight U.S. Forces In Iraq After ISIS Is Defeated, 8 novembre 2017.

[6] Parliament.iq, 26 novembre 2017.

[7] Almayadeen.net, 5 février 2018.

[8] Kataibhizbollah.com, 6 février 2018.

[9] Aawsat.com, 4 décembre 2017.

[10] Baghdadtoday.news, 6 février 2018.

[11] Azzaman.com, 7 février 2018.

[12] Al-Quds Al-Arabi (Londres), 8 février 2018.

 

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