Ces dernières semaines, des cibles saoudiennes et des Emirats arabes unis, et plus récemment des cibles américaines, ont été attaquées par l’Iran et ses alliés du front de la résistance (voir ci-dessous).
Durant cette période, les Etats-Unis ont adopté des mesures conciliantes vis-à-vis de l’Iran : retarder l’entrée dans le golfe Persique des porte-avions qu’ils avaient envoyés dans la région, retarder la mise en œuvre des sanctions contre l’industrie pétrochimique iranienne, et l’annonce le 2 juin 2019 du secrétaire d’Etat Mike Pompeo selon laquelle les Etats-Unis étaient prêts à négocier avec l’Iran sans les conditions préalables qu’il avait auparavant posées.
Ces mesures américaines conciliantes ont été présentées par l’Iran comme un signe de faiblesse. Ainsi, le retard mis à envoyer le porte-avions USS Abraham Lincoln dans le golfe Persique a été décrit par le président iranien Hassan Rohani comme suit : « Ce même ennemi qui, jusqu’il y a un an, déclarait ‘mon objectif est de détruire le régime de la République islamique [d’Iran]’ a annoncé clairement aujourd’hui qu’il ne ferait rien contre le régime [iranien]. Ce même ennemi qui déclarait il y a encore quelques mois qu’il était la plus grande puissance militaire au monde, et que s’il le voulait, il pouvait briser les forces armées iraniennes, a annoncé aujourd’hui qu’il n’avait aucune intention de combattre. Il y a encore quelques mois, le golfe Persique était un endroit où ses porte-avions naviguaient librement, mais aujourd’hui on n’entend plus rien de sa marine, et elle a jeté l’ancre dans les eaux internationales, à 300 et 400 miles [environ 480 et 640 km du golfe Persique]. » [1]
Le 2 juin 2019, le général Yahya Safavi, conseiller et assistant du Guide suprême iranien Ali Khamenei, et ancien commandant du CGRI, a déclaré : « L’Amérique ne fait que se vanter sur les plans politique et militaire, mais en réalité elle a entamé son retrait il y a deux semaines. Nous sommes prêts à la guerre. Aujourd’hui, nous sommes la superpuissance du Moyen-Orient. » [2]
Même après l’annonce du conseiller à la Sécurité nationale américain John Bolton, le 5 mai 2019, selon laquelle « toute attaque contre les intérêts des Etats-Unis ou contre ceux de nos alliés se heurtera à une force implacable » et « les Etats-Unis ne cherchent pas la guerre avec le régime iranien, mais nous sommes entièrement préparés à répondre à toute attaque, qu’elle soit le fait d’un mandataire, du CGRI ou des forces iraniennes régulières », [3] l’Iran a continué de mener ses attaques dans la région contre les Etats-Unis et leurs alliés.
On trouvera ci-dessous la liste des principales opérations iraniennes contre les forces des Etats-Unis et de leurs alliés dans la région :
- 12 mai 2019 : L’Iran attaque quatre pétroliers dans le port de Fujairah dans le Golfe d’Oman, près du détroit de Hormuz.[4]
- 14 mai 2019 : Les milices houthistes soutenues par l’Iran au Yémen utilisent des drones armés pour frapper les oléoducs stratégiques à Yanbu en Arabie saoudite.[5]
- 19 mai 2019 : Une roquette atterrit près de l’ambassade des Etats-Unis dans la Zone verte de Bagdad.
- 20 mai 2019 : Deux missiles houthistes visant La Mecque sont interceptés au-dessus de Jeddah et de Taif en Arabie saoudite.[6]
- 21 mai 2019 : Quatre soldats américains sont blessés par une voiture piégée en Afghanistan ; quatre civils afghans sont tués et plusieurs blessés.[7]
- 5 juin 2019 : Le porte-parole houthiste Yahya Saria annonce que 20 avant-postes saoudiens à la frontière saoudo-yéménite ont été attaqués et conquis.[8]
- 9 juin 2019 : Les houthistes annoncent avoir attaqué l’aéroport de Jizan en Arabie saoudite au moyen de drones.[9]
- 12 juin 2019 : Les houthistes annoncent avoir attaqué l’aéroport civil d’Abha en Arabie saoudite, à 200 km de la frontière saoudo-yéménite, avec un missile de croisière, blessant 26 personnes.[10]
- 13 juin 2019 : L’Iran attaque un pétrolier japonais et un autre norvégien dans le Golfe d’Oman, au cours de la visite à Téhéran du Premier ministre japonais Abe Shinzo.
- 15 juin 2019 : Des obus de mortier sont tirés contre la base aérienne de Balad au nord de Bagdad, où sont stationnées des troupes américaines. Des roquettes Katyousha sont tirées sur le quartier d’Al-Jadriya au centre de Bagdad, près de l’ambassade des Etats-Unis ; un missile est tiré contre une autre base près de l’aéroport international de Bagdad.[11]
- 17 et 19 juin 2019 : L’Arabie saoudite annonce avoir intercepté des drones houthistes en sa direction.[12]
- 18 juin 2019 : Deux obus de mortier sont tirés contre la base d’Al-Taji au nord de Bagdad, où sont stationnées des troupes américaines.[13]
- 19 juin 2019 : Une roquette Katyusha est tirée contre le Palais présidentiel de Mossoul, au nord de l’Irak ; des conseillers militaires américains sont stationnés dans le complexe.[14]
- 19 juin 2019 : Une roquette Katyusha est tirée contre les bâtiments des sociétés ExxonMobil, Shell et Eni SpA à Basra, au sud de l’Irak.[15]
- 19 juin 2019 : Les houthistes tirent un missile de croisière contre l’installation de dessalement de l’eau d’Al-Shaqiq, dans la province méridionale saoudienne de Jazan.[16]
Malgré tout cela, le président américain Trump maintient sa politique de ne pas répondre à l’agression iranienne, tout en accusant publiquement l’Iran de mener des attaques et en répétant qu’il « ne veut pas de guerre » avec l’Iran.[17]
L’interprétation que fait l’Iran de cette politique américaine comme un signe de faiblesse l’a amené à intensifier ses provocations contre les Américains, allant jusqu’à abattre un drone américain MC-4Q Triton au-dessus du golfe Persique aujourd’hui. Bien que le drone ait été abattu au-dessus des eaux internationales, le général Hossein Salami, commandant du CGRI, a déclaré qu’il avait été abattu parce qu’il avait pénétré dans l’espace aérien iranien, et a qualifié son interception de « message » aux Etats-Unis. Il a déclaré : « Les gardiens des frontières iraniennes répondront avec force à toute attaque étrangère sur ce sol. Les frontières sont notre ligne rouge. Tout ennemi qui attaque ces frontières ne rentrera pas [chez lui]. Nous déclarons ici : Nous ne sommes en conflit avec aucun État, mais nous sommes prêts à la guerre, et l’incident d’aujourd’hui était un message clair. Les ennemis doivent… respecter la souveraineté, la sécurité nationale et les intérêts du peuple iranien. » [18]
Selon l’évaluation de l’Iran, le président Trump n’osera pas agir contre lui, car une guerre avec l’Iran empêchera sa réélection. En conséquence, l’Iran peut user de la force sans crainte, car Trump n’a pas d’autre option que de se soumettre à ses exigences.
Sur cette question, voir par exemple les déclarations de Hossein Cheikh Al-Islam, conseiller du ministre des Affaires étrangères et ancien ambassadeur d’Iran en Syrie, le 15 mai 2019, selon lesquelles « Trump veut faire quelque chose pour être réélu », mais sait que « s’il participe aux funérailles des soldats américains à Washington, il ne sera certainement pas réélu. Nous réagirons à chaque attaque, et Trump essuiera des pertes, et devra les ramener en Amérique. » Cheikh Al-Islam a ajouté que le souvenir de la tentative manquée de sauvetage des otages du président américain Jimmy Carter en 1980 « à Tabas, et les cadavres carbonisés des soldats américains, sont [encore] présents chez Trump ».[19]
Cheikh Al-Islam a également déclaré le 10 avril 2019 que « tout affrontement dans le golfe Persique augmentera le prix du pétrole, et cela fera perdre à Trump sa réélection ». [20]
Notes :
[1] President.ir/fa, 1er juin, 2019.
[2] Farsnews.com, 2 juin 2019.
[3] Whitehouse.gov/briefings-statements/statement-national-security-advisor-ambassador-john-bolton-2, 5 mai 2019.
[4] Voir MEMRI Special Dispatch No. 8062, Editors Of Iranian IRGC-Affiliated Newspapers: Iran Is Behind Fujairah And Yanbu Attacks; Possibility Of Additional Attacks In Red Sea, Golan Heights, 14 mai 2019.
[5] Voir MEMRI Special Dispatch No. 8062, Editors Of Iranian IRGC-Affiliated Newspapers: Iran Is Behind Fujairah And Yanbu Attacks; Possibility Of Additional Attacks In Red Sea, Golan Heights, 14 mai 2019.
[6] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 21 mai 2019.
[7] Whitehouse.gov/briefings-statements/statement-national-security-advisor-ambassador-john-bolton-2, 5 mai 2019.
[8] Almasirah.net, 5 juin 2019.
[9] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 21 mai 2019.
[10] Almasirah.net, 5 juin 2019.
[11] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 15 juin 2019.
[12] Okaz (Arabie saoudite), 18 juin 2019 ; Al-Jazirah (Arabie saoudite), 20 juin 2019.
[13] Farsnews.com, 18 juin 2019.
[14] Farsnews.com, 19 juin 2019.
[15] Farsnews.com, 19 juin 2019.
[16] Alriyadh.com, 20 juin 2019.
[17] Thehill.com/policy/defense/449109-pompeo-at-centcom-trump-does-not-want-war, 18 juin 2019.
[18] Tasnim (Iran), 20 juin 2019.
[19] L’opération Eagle’s Claw, connue en Iran sous le nom d’ « Opération Tabas », en avril 1980, visait à sauver les 58 otages américains détenus dans l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran, après son assaut le 4 novembre 1979. L’opération manquée a été un élément majeur de l’échec de la campagne de réélection de Carter. Tasnimnews, 13 mai 2019.
[20] Tasnimnews, 10 avril 2019.