Tout au long de la crise actuelle autour de la mosquée Al-Aqsa, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a maintenu un ton relativement modéré dans ses déclarations définissant la position de l’Autorité palestinienne. Pour lui, « Jérusalem [Est] est palestinienne » et l’objectif de la révolte n’est pas seulement de supprimer les mesures de sécurité dans le complexe de la mosquée Al-Aqsa, mais essentiellement de combattre pour la souveraineté et le contrôle de la région.
Abbas a loué la ténacité du peuple palestinien et lui a formulé son soutien, mais sans appeler à l’escalade. Toutefois, les déclarations de hauts responsables du Fatah donnent une autre image de la position de leur président. D’après leurs déclarations, Abbas aurait bien ordonné l’escalade des hostilités.
Suite à la suppression des mesures de sécurité, le 27 juillet 2017, Abbas a émis une directive, conforme aux recommendations de l’establishment religieux, annonçant la reprise des prières à Al-Aqsa, mais il s’est abstenu d’appeler au calme et a même déclaré que la lutte allait continuer. Le ministre palestinien des Affaires étrangères a pour sa part précisé que la lutte continuerait jusqu’à ce que la situation à Al-Aqsa revienne à ce qu’elle était avant 1967, c’est-à-dire avant la souveraineté israélienne à Jérusalem-Est. Des responsables palestiniens ont appelé la population à venir à la mosquée « cimenter leur succès ».
Des déclarations de l’AP de plus en plus véhémentes avant la suppression des mesures de sécurité
Comme indiqué, tout au long de la crise, Abbas a insisté sur la souveraineté palestinienne à Jérusalem. Dans une réunion du 25 juillet 2017 du Comité exécutif de l’OLP et du Comité central du Fatah à Ramallah, Abbas a déclaré : « Jérusalem est à nous. Elle est notre capitale et nous y sommes souverains. Tant que la situation dans la Jérusalem occupée ne reviendra pas à ce qu’elle était avant le 14 juillet, il n’y aura pas de changement [dans notre position]. »
Abbas a appelé Israël à supprimer toutes les mesures de sécurité introduites depuis cette date, en réitérant que « seulement alors, la situation reviendra à la normale dans la Jérusalem occupée ». Louant les habitants arabes de Jérusalem, il a ajouté : « Vous n’avez fait [que] défendre votre honneur, votre religion et vos lieux saints. C’était la véritable réponse à ceux qui souhaitent nuire à nos lieux saints et aux principes de notre foi. Nous vous avons soutenu dans ce que vous avez fait et faites [encore]. Nous avons décidé de suspendre la coordination sécuritaire et [cette décision] est toujours en vigueur. Nous [avons décidé de] défendre les lieux saints, et cela également est toujours en vigueur. Nous voulons [à présent] examiner tout ce qui s’est passé depuis le [14 juillet] jusqu’à ce jour, afin de décider de la suite. » [1]
Toutefois, cette brève déclaration ne reflète apparemment pas les décisions prises lors de la réunion. Un communiqué mis en ligne sur la page Facebook officielle du Fatah indiquait qu’une décision avait été prise lors de la réunion pour intensifier la lutte : « Après la réunion tenue ce soir pour discuter des développements concernant Al-Aqsa, le Comité central du Fatah a appelé les masses dans tous les territoires palestiniens à intensifier les [manifestations] populaires et à organiser des prières du vendredi sur toutes les places… » [2]
Un post en date du 26 juillet sur la page Facebook du Fatah appelait ouvertement à une escalade : « Suite à une réunion des groupes d’action nationaux et islamiques au bureau du vice-président du Fatah, Mahmoud Al-Aloul, en présence des membres du Comité du Fatah Jamal Muhaisen et Tawfiq Al -Tirawi, et suite à une réunion des secrétaires des branches du Fatah en Cisjordanie, les groupes d’action nationaux et islamiques en Palestine appellent à tenir des prières du vendredi sur les places publiques, à mobiliser l’ensemble [de la population] et à une escalade des manifestations contre l’occupation dans toute la Palestine pour soutenir Al-Aqsa. » [3]
Un communiqué du Fatah appelant à la « mobilisation générale », vendredi 28 juillet 2017, exhortait les Palestiniens à marcher vers les points de contrôle et à « intensifier l’action de résistance à l’occupation » (Facebook.com/soriffateh, 26 juillet 2017)
Le membre du Comité central du Fatah Abbas Zaki a déclaré, suite à la décision des dirigeants palestiniens de multiplier les manifestations : « Ce sont nous, les Palestiniens, qui devrions fouiller les Juifs aux entrées d’Al-Aqsa, et non l’inverse. » [4]
Une déclaration émise par le ministère des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne le 26 juillet 2017, suite à la suppression partielle des mesures de sécurité, adoptait un ton sévère : selon elle, depuis que le président Donald Trump est entré en fonction, le gouvernement israélien a intensifié ses agressions contre le peuple palestinien et ses droits. Et de demander si Netanyahou « continuera de diviser Al-Aqsa avant d’ériger sur son emplacement le faux temple [juif], ou adoptera une nouvelle tactique ». Le ministère a exhorté les Palestiniens à faire preuve de patience et de détermination : « Nous ne devons pas célébrer notre victoire dès la première tournée de cette campagne. Nous devons la considérer comme la première d’une série de tournées. Nous combattons [la décision d’Israël d’installer] des caméras infrarouges qui exposeraient les personnes au danger d’une radiation et violeraient également leur intimité… Nous devons prendre en considération que la bataille n’est pas encore terminée. Elle ne se terminera pas tant que l’occupation se poursuivra. » [5]
Un article du chroniqueur d’Al-Ayyam Tallal Okal indiquait également qu’Abbas avait décidé d’intensifier la révolte. On peut y lire : « Les dirigeants palestiniens ont élevé [leur] statut politique à un niveau sans précédent. Après avoir répété que l’AP avait suspendu ses contacts [avec Israël], y compris dans le cadre de la coordination sécuritaire, le président [Abbas] a ordonné d’intensifier la résistance populaire dans toutes les zones de friction [avec Israël], en sus des autres mesures, dont l’adhésion à 28 organismes internationales et l’appel à [la Cour pénale internationale de] La Haye. »
Okal soulignait : « Les Palestiniens ne peuvent accepter de demi-mesures. Ils doivent choisir entre noir et blanc. Soit Israël révoque toutes ses mesures, soit il y aura une confrontation totale. Si Israël est incapable de supprimer toutes les mesures imposées parce que cela reviendrait à admettre une grande défaite, intolérable à ses yeux, la situation dégénérera… »
Okal a prévenu qu’il n’y aurait pas de pardon pour les régimes arabes ou islamiques qui resteraient bras croisés, précisant : « Il n’est pas inconcevable que la pousuite et l’escalade du combat rendront encore plus instables certains trônes déjà oscillants… » [6]
Les membres du mouvement du Jihad islamique ont loué la position d’Abbas sur la crise. Khaled Al-Battash, de la direction politique du mouvement, a déclaré : « La position de nos hommes à Jérusalem reflète un consensus général entre le président de l’AP, le Hamas, le Fatah, le Jihad islamique et tous nos membres. Nous saluons les déclarations d’Abbas au sujet de Jérusalem. Ce sont des pas dans la bonne direction. C’est ce que nous aurions voulu entendre depuis de nombreuses années, et nous espérons qu’il continuera sur cette voie. » [7]
Un article du quotidien de l’AP fait l’éloge du village natal du terroriste de Halamish
Dans un article paru dans le quotidien Al-Hayat Al-Jadida, Bassam Barhoum fait l’éloge du village de Kobar, d’où est originaire Omar Al-Abed, l’homme qui a poignardé trois Israéliens à mort et en a blessé un autre dans leur maison de Halamish, le soir du 21 juillet. Sous le titre “Kobar établit sa gloire”, l’article affirme qu’Al-Abed a mené l’attentat “après avoir ressenti une grande colère” face à ce qui se passait à Jérusalem : “Le village de Kobar assoit aujourd’hui sa gloire grâce à sa fermeté, sa provocation et sa résistance contre [Israël]. Au cours de la semaine écoulée, Kobar n’a connu ni sommeil ni tranquillité, après que le jeune Omar Al-Abed eut ressenti une grande colère au vu de ce qui se passe à Al-Aqsa et à Jérusalem, et qu’il eut mené vendredi une opération dans la colonie de Halamish… Parmi les fils du village, on compte aussi Marwan Barghouti – membre du comité central du Fatah – ainsi que Fakhri et Nael Barghouti [terroristes libérés dans le cadre de l’échange contre Gilad Shalit], les plus anciens prisonniers, qui étaient détenus dans les prisons israéliennes depuis 34 ans, avec un autre prisonnier qui a été expulsé vers la bande de Gaza, Jasser Al-Barghouti. Dans les Intifadas du peuple palestinien contre l’occupation, 15 martyrs venaient du village de Kobar et des dizaines ont été blessés, et des centaines faits prisonniers… Kobar résiste à l’occupation ; il modèle aujourd’hui son ethos national particulier et écrit une page glorieuse de l’histoire du combat national palestinien…”[8]
‘Abbas, suite au retrait des mesures de sécurité : les prières à Al-Aqsa reprendront, mais l’histoire n’est pas finie
La renonciation par Israël aux mesures de sécurité, le soir du 27 juillet, a été perçue par les Palestiniens comme une victoire et une consolidation de la souveraineté palestinienne sur le complexe Al-Aqsa, où les drapeaux palestiniens ont été brandis.
Le 28 juillet, en “Une” du quotidien de l’AP Al-Ayyam : « Les habitants triomphants de Jérusalem reviennent à Al-Aqsa en vainqueurs!”
Lors d’une réunion de la direction palestinienne convoquée après le retrait des mesures de sécurité le 27 juillet 2017, Abbas a fait l’éloge de la position palestinienne mais n’a pas appelé au calme. Il a déclaré : “Chrétiens et musulmans, nos premiers remerciements vont à Allah, et ensuite à [votre] position ferme et à votre ténacité pour défendre les Lieux saints afin que la vérité règne et que le mensonge soit éliminé”.
Il a souligné que “toutes les décisions, en particulier celles du gouvernement, continueront d’être appliquées comme auparavant, parce que ce qui nous importe est le soutien à notre peuple palestinien et son adhésion ferme à la terre, aux maisons, à la patrie et à Jérusalem… Au vu de ce qui se passe à Jérusalem, nous continuerons de débattre de nos positions futures. En d’autres termes, ce n’est pas encore fini. Lorsque nous avons décidé de suspendre la coordination sécuritaire, nous avons dit que cela était dû à plusieurs facteurs, et notamment à Al-Aqsa. Mais il y a d’autres facteurs que nous devons examiner, et cela déterminera notre décision”. Concernant la reprise des prières à Al-Aqsa, Abbas a affirmé qu’il appartenait aux dirigeants religieux de décider, souligant : “Aujourd’hui il n’y a pas grand chose à discuter. Pour l’heure, nous nous contenterons d’évoquer la prière qui se tiendra à Al-Aqsa aujourd’hui [27 juillet]. Plus tard, les dirigeants se réuniront et décideront des autres questions en attente… Il y en a plusieurs. Les choses resteront en l’état jusqu’à ce que nous décidions quoi faire”. Il a conclu : “Aujourd’hui la prière se tiendra à l’intérieur de la mosquée, et pour le reste nous procèderons petit à petit. L’affaire n’est pas encore terminée”.[9]
Le ministère palestinien des Affaires étrangères : Nous devons apprendre de ce combat, jusqu’au rétablissement du statu quo qui régnait à Al-Aqsa avant 1967
Le ministère des Affaires étrangères palestinien a appelé à tirer les leçons de ce combat dans les futures campagnes pour Jérusalem, “jusqu’à ce que le “statu quo légal historique qui s’appliquait à Al-Aqsa avant 1967 soit rétabli”. Sa déclaration décrit la situation actuelle comme “une véritable occasion, pouvant constituer le fondement de futurs succès pour Al-Aqsa et la Jérusalem-Est occupée” : « Nous devons apprendre de l’élan populaire, qui a été un grand cri de défiance à l’égard des autorités d’occupation… [Cet élan] doit être une source d’inspiration pour nous dans la prochaine phase de notre activité… et un modèle pour nos futures campagnes pour Jérusalem et les Lieux saints, et au premier plan Al-Aqsa bénie… Les Palestiniens doivent être sur leurs gardes et tirer les leçons [de ce qui est arrivé], afin de préserver les succès et d’en tirer parti, en vue de rétablir intégralement le statu quo légal historique qui était en vigueur à Al-Aqsa avant 1967”.[10]
Lors d’une réunion d’urgence des ministres des Affaires étrangères arabes au Caire, le 27 juillet 2017, pour discuter de la crise d’Al-Aqsa, le ministre des Affaires étrangères palestinien Riyadh Al-Maliki a déclaré : “La campagne de Jérusalem a commencé, mais elle ne s’achèvera qu’avec le retrait de l’occupation israélienne. Pendant 50 ans, Israël a tenté d’imposer sa souveraineté à Jérusalem, mais hier la campagne d’Al-Quds a prouvé que ces efforts avaient échoué… La population de Jérusalem a déclaré : “Jérusalem et les Lieux saints sont à nous. [Jérusalem] est notre capitale… Grâce à leur loyauté et à leur ténacité sur le front, les habitants de Jérusalem ont réfuté les slogans mensongers composés par Israël et répétés au fil des ans, et la prétention mensongère selon laquelle la Jérusalem unifiée serait la capitale d’Israël, et ce qu’ils appellent le Mont du Temple serait sous contrôle israélien. La question est de savoir qui contrôle et qui est souverain à Al-Aqsa… Les habitants de Jérusalem continueront d’être en alerte, prêts à défendre les sites sacrés de l’islam et du christianisme… A partir de ce moment, les dirigeants, et Mahmoud Abbas en tête, ont pris des décisions et des mesures fermes répondant aux demandes du peuple palestinien qui se trouve sur les lignes de front à Jérusalem, et [aux demandes des] dirigeants spirituels du peuple…”[11]
Lors d’une conférence de presse après la réunion, Al-Maliki a déclaré qu’Israël serait responsable de toute escalade vendredi : “Nous tiendrons Israël pour responsable de toute escalade avant ou pendant la prière du vendredi. Nous tenterons de protéger les vies des habitants autant que possible, face à une telle escalade… »[12]
Le porte-parole du gouvernement palestinien Yousuf Al-Mahmoud a déclaré : “[Notre] entrée à Al-Aqsa aujourd’hui est un événement historique sans commune mesure, qui ouvre la voie à la libération et annonce certainement l’effondrement imminent de l’occupation israélienne. Le gouvernement félicite et apprécie les martyrs de notre peuple glorieux”. Il a encore ajouté : “la campagne pour Al-Aqsa est une campagne pour la souveraineté sur Jérusalem”. Il a appelé à unir les rangs afin “de poursuivre le combat, jusqu’à la fin de l’occupation et la réalisation du rêve de la création d’un Etat indépendant dans les frontières du 4 juin [1967] avec la Jérusalem arabe comme capitale. »[13]
Les appels à se rendre à Al-Aqsa se sont poursuivis même après le retrait des mesures de sécurité. Le ministre du Waqf de l’AP Yousuf Ida’is, a appelé les Palestiniens à se rendre en masse à la prière du vendredi et les jours suivants, afin de “consolider ce que le peuple de Jérusalem avait obtenu par la fermeté et la résistance populaire”. Il a encore ajouté que ces succès avaient démontré la capacité du peuple palestinien à “actualiser par la force son droit à la souveraineté sur Jérusalem en général et Al-Aqsa en particulier”, estimant qu’ils avaient prouvé que “les Lieux saints, et Al-Aqsa en premier, n’appartiennent à nul autre qu’aux musulmans”.[14]
Le Bureau des Fondations islamiques à ordonner la fermeture de toutes les mosquées de Jérusalem, à l’exception d’Al-Aqsa, le vendredi, et a demandé à tous les fidèles de se rendre à Al-Aqsa.[15] L’ancien mufti de Jérusalem Ikrama Sabri, qui prêche à Al-Aqsa, a expliqué que la prière du vendredi à Al-Aqsa devait devenir la “mobilisation générale des musulmans pour sauver Al-Aqsa. »[16]
[1] Qudsn.ps, 25 juillet 2017.
[2] Facebook.com/officialfateh1965, 25 juillet 2017.
[3] Facebook.com/officialfateh1965, 26 juillet 2017.
[4] Samanews.ps, 26 juillet 2017.
[5] Al-Hayat Al-Jadida (AP), 27 juillet 2017.
[6] Al-Ayyam (AP), 27 juillet 2017.
[7] Palestinian TV, 25 juillet 2017.
[8] Al-Hayat Al-Jadida (AP), 27 juillet 2017.
[9] Al-Hayat Al-Jadida (AP), 28 juillet 2017.
[10] Facebook.com/wafagency, 27 juillet 2017.
[11] Facebook.com/wafagency, 27 juillet 2017.
[12] Wafa.ps, 27 juillet 2017.
[13] Wafa.ps, 27 juillet 2017.
[14] Wafa.ps, 27 juillet 2017.
[15] Al-Ayyam (AP), 28 juillet 2017.
[16] Masrawy.com, 27 juillet 2017.