Le 18 avril 2019 doivent se tenir les élections présidentielles en Algérie. L’actuel président, Abdelaziz Bouteflika, a annoncé qu’il se présenterait pour un 5ème mandat. Au pouvoir depuis 1999, Abdelaziz Bouteflika est âgé de bientôt 82 ans et a été hospitalisé à plusieurs reprises ces dernières années. Pour ces raisons et d’autres, la candidature du président Bouteflika a suscité un important mouvement de protestation dans plusieurs villes algériennes, sous la forme de manifestations populaires, étudiantes et d’un sit-in des avocats devant le tribunal Abane-Ramdane d’Alger.
Ferhat Mehenni,[1] Président de l’Anavad, Gouvernement Provisoire de la Kabylie en exil, a pour sa part appelé au boycott des élections, considérant qu’il ne sert à rien de voter, la fraude électorale étant inévitable. Ci-dessous la déclaration de Ferhat Mehenni.[2]
UNE CANDIDATURE POUR LA LIBERTE
ET LE DROIT DES PEUPLES A L’AUTODETERMINATION
A moins de deux mois des présidentielles du 18/04/2019, l’Algérie est en proie à une contestation sans précédent du pouvoir d’un clan, à la tête du pays, depuis 20 ans. Les manifestations populaires d’opposition au 5e mandat de Bouteflika gagnent toutes les villes du pays. L’idéal serait qu’elles ne profitent pas à l’un de ses adversaires, mais au droit des peuples à choisir leur destin. Si jusqu’ici, elles expriment le refus des citoyens de l’humiliation et du ridicule que le clan décrié leur inflige à travers la candidature d’un homme en fin de vie, elles seraient plus efficientes à faire tomber démocratiquement le pouvoir et le système en place au lieu de les renforcer comme elles en donnent l’impression depuis une semaine.
Je suis conscient que ces présidentielles sont encore aléatoires. Les troubles qu’elles génèrent avant le lancement de la campagne électorale peuvent les compromettre définitivement. En cas de violence généralisée, j’appelle la Kabylie et les peuples d’Algérie qui veulent aller dans son sillage, à mettre sur pied leurs propres institutions afin de se protéger et de s’ériger en Etat potentiel, prélude à leur souveraineté.
Toutefois, si la tension tombe d’ici là, aussi paradoxal et probablement choquant que cela puisse paraître pour certains, Je me porte candidat aux présidentielles colonialistes algériennes. Une candidature inédite, non conforme aux règles et usages qui régissent les élections à travers le monde.
Je suis le candidat de la Kabylie. Je suis le candidat des peuples d’Algérie aspirant à leur émancipation politique. Je suis le candidat de l’amazighité et des sans-voix.
Je suis le candidat du boycott, de l’abstention et du rejet des présidentielles du 18/04/2019.
Ce n’est pas de gaieté de cœur que j’ai pris cette décision. Celle-ci m’est imposée avant tout par le sens du devoir : Celui d’en finir avec
- Le colonialisme français qui perdure à travers l’Etat algérien depuis 1962.
- La dictature sous toutes ses formes (militaire, religieuse, policière, mafieuse, népotique, tribale ou étrangère…)
- La corruption, le sous-développement et la misère
- L’ignorance, l’école de l’aliénation et de l’arriération, l’arabisation et la salafisation de nos enfants
- La fuite des cadres et de nos enfants vers des pays occidentaux…
Parce qu’elle est une création coloniale, l’Algérie a une incapacité politique à fonder une nation. Les peuples qui en sont prisonniers n’aspirent qu’à s’en détacher et à s’en émanciper. Cette échéance électorale du 18 avril 2019 est pour la première fois, à saisir comme une opportunité historique d’arracher leur liberté et la démocratie.
Or, en Algérie, depuis 1962, les présidentielles se suivaient et se ressemblaient. Le candidat des militaires est élu sans coup férir. Les urnes ne sont là que pour la comédie. La junte militaire maîtrise l’ingénierie des mascarades électorales à travers un certain nombre d’artifices qui ont démontré leur efficacité. Les mêmes mises en scènes sont répétées à chaque scrutin pour donner une illusion de crédibilité à une élection qui n’en est pas une. Il y a un battage médiatique sans concurrence, des meetings populeux où fonctionnaires et travailleurs du secteur public, voire privé, sont tenus d’assister. Enfin, il y a a des candidats triés sur le volet, tous docilement complaisants, car incapables de satisfaire à une exigence constitutionnelle, celle de collecter, en 45 jours, 75000 signatures de citoyens, apposées dans les locaux des municipalités, et dont 52% doivent provenir de la moitié des départements du pays qui en compte 48 ? Même le FLN, ce parti-Etat sur papier, en est incapable. Ce sont les noms des 500.000 éléments des corps constitués qu’on utilise pour valider les candidatures choisies au compte-gouttes. Le Conseil constitutionnel devant les officialiser est matériellement incapable de vérifier, la totalité des paraphes présentés par une pléthore de candidats. Le pouvoir se moque des citoyens.
Cette fois-ci, le bouchon est poussé encore plus loin. Bouteflika, au pouvoir depuis 20 ans, dans un état de santé tel que la dignité devrait soustraire aux regards, est déclaré candidat par son clan. En face de lui, un général à la retraite, jusqu’ici inconnu du monde politique, est sorti du chapeau pour simuler la fronde et appeler à la « rupture » ! Comme si, pour les pauvres citoyens, le salut ne pouvait et ne pourrait venir que de ceux-là mêmes qui les réduisent au silence.
Que ce soit Bouteflika ou quelqu’un d’autre, c’est le système de gouvernance qui est là depuis la colonisation qui va perdurer.
Loin de toute mégalomanie, forfanterie ou intérêt personnel, si je me porte candidat c’est pour proposer des solutions qui vont éviter, à tous, cette guerre civile que la lutte des clans au sommet de l’Etat va, probablement, générer plus vite qu’on ne le pense.
Toutefois, entendons-nous bien. Ma candidature n’est pas là pour grossir les rangs de la pléthore de figurants qui assurent le spectacle avant de s’éclipser. C’est une candidature qui veut briser les chaînes des peuples, celles qui les empêchent d’aller vers leur émancipation et le progrès.
Ma candidature n’est pas celle d’un larbin, d’un original, d’un lièvre ou d’un adepte de la mangeoire. Ma candidature n’est pas celle d’un clan, d’une mafia, d’une puissance étrangère ou d’une aliénation de quelque type que ce soit.
Ma candidature est celle de la LIBERTE, de la paix et de la démocratie.
Les peuples écrasés jusqu’ici par le régime colonial algérien vont enfin pouvoir respirer à pleins poumons l’ai de la liberté et retrouver leur dignité bafouée.
Ce que je revendique pacifiquement depuis 18 ans pour le peuple kabyle, je voudrais qu’il profite aussi aux autres peuples : chawi, Amzavi et Ibadite amazigh de Wargla, touareg, chenwi, ahartan du Gourara, au peuple de l’ex royaume de Tlemcen, de l’ex royaume de Constantine, d’Oued-Souf et Touggourt.
J’appelle tous ces peuples à se défaire, à se libérer de ce colonialisme qui leur dénie le droit à l’existence et les empêche de se réaliser, de jouir de leurs richesses naturelles, de se construire par eux-mêmes et de bâtir l’avenir de leur rêve pour leurs enfants. Rien ne s’opposera ensuite à leur regroupement dans un nouvel ensemble en fonction de leurs intérêts et de leurs affinités.
Ma candidature à la présidence algérienne est celle de la Liberté car elle est celle du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Ma candidature est celle de la démocratie car elle est basée sur la liberté de chacun de choisir son destin par la voie des urnes, celle des référendums.
COMMENT VOTER ? EN BOYCOTTANT !
Pourquoi ?
– Parce qu’il va de soi que je suis opposé à la règle des 75.000 signatures qui permet aux militaires de contrôler l’accès à la candidature,
– Il est de surcroit notoirement connu que la fraude électorale et le bourrage des urnes sont des spécialités de ce régime.
Par conséquent voter signifie cautionner le résultat de cette mascarade.
Voilà pourquoi je suis le candidat du boycott de ces présidentielles
Je salue d’ores et déjà le FFS et le RCD qui ont opté pour cette expression démocratique de leur choix. Je salue par avance toutes celles et tous ceux qui, chez les Touaregs, les Mozabites, les Chawis … qui en feront usage.
TOUTES ET TOUS ENSEMBLE : BOYCOTTONS LES PRESIDENTIELLES DU MALHEUR ET DE LA DICTATURE COLONIALE
Et que VIVE LA KABYLIE LIBRE ET INDEPENDANTE
Exil : 24/02/2019
FERHAT MEHENNI
Président de l’Anavad (Gouvernement Provisoire en exil)
[1] Consulter le blog de Ferhat Mehenni : https://www.makabylie.org/index.php/blog-de-ferhat-mehenni/
[2] https://kabyle.com/communiques