Par O. Peri*
Ces derniers temps, une campagne a été relancée sur Facebook pour les soldats de l’armée syrienne en service depuis le début de la crise en Syrie, intitulée « Nous voulons être démobilisés ». Selon la loi, le service militaire obligatoire en Syrie est de 18 mois. Toutefois, depuis le début de la crise en 2011, presqu’aucun soldat mobilisé, nouvelle recrue ou réserviste, n’a été autorisé à terminer son service. Dans cette campagne, les soldats et leurs familles appellent le régime du président Bachar Al-Assad à leur laisser construire leur avenir et consacrer du temps à leurs familles, ayant largement rempli leurs obligations envers l’Etat.
La campagne comporte plusieurs pages Facebook, parmi lesquelles « Nous voulons être libérés – Classe de réserve 104 de 2011/2012 », « Demande de démobilisation des soldats de réserve des classes 104, 106, et 107 de 2012 », « Nous avons le droit à la démobilisation – Nous voulons vivre », « Réserves de l’armée arabe syrienne », « La souffrance d’un soldat » et autres. Des hashtags ont aussi été lancés, comme #nous voulons être libérés, #nous voulons vivre, #nous avons le droit d’être démobilisés, etc. [1]
Certains des participants à la campagne ont écrit des messages dans ce sens sur les pages Facebook de partisans du régime. [2] En outre, beaucoup ont posté des messages sur la page de la présidence syrienne, appelant le président Assad, qui est aussi le commandant en chef de l’armée, à intervenir. Certains ont aussi écrit sur une page Facebook non officielle de la base aérienne russe de Hmeimim en Syrie, demandant aux Russes d’intervenir en leur faveur. Il est mentionné sur la page que personne n’a été démobilisé à cette date.[3]
Comme indiqué, ce n’est pas la première fois que des soldats de l’armée syrienne se plaignent de la durée de leur service militaire. En 2017, une campagne similaire avait concerné des soldats mobilisés en 2010, qui affirmaient que l’absence de date de démobilisation nuisait à leurs projets de carrière future. [4] En octobre 2018 également, le président Assad avait ordonné la grâce et l’immunité pour des soldats AWOL [absents sans permission officielle], et les réservistes, évoquant des récriminations parmi les soldats du régime ayant déjà de nombreuses années de service à leur actif. [5] Le mois suivant, en réponse à ces plaintes, l’armée avait annoncé la libération des officiers d’active ou de réserve ayant servi pendant cinq ans. Toutefois, le quotidien libanais Al-Akhbar, proche du Hezbollah, a rapporté que cette décision ne s’appliquait pas aux soldats précédemment enrôlés qui avaient servi encore plus longtemps, mais seulement à quelques centaines de soldats. Aussi, la colère a continué de gronder dans les rangs. [6]
Soulignons également que la durée prolongée du service militaire pourrait indiquer une grave pénurie de main-d’œuvre dans une armée entièrement dépendante de l’assistance militaire russe et iranienne pour combattre les rebelles.
Le présent article présente certains messages de soldats syriens réclamant leur démobilisation.
Des soldats syriens à l’adresse d’Assad : Nous avons gagné le droit à une vie de civil
Plusieurs posts de la campagne ont fait respectueusement appel au président Assad lui-même, le pressant d’agir pour libérer les soldats. Ainsi, un post sur une page Facebook intitulée « Nous voulons être démobilisés » indiquait : « En mon nom et en celui de tous les soldats de l’armée d’active et de réserve qui n’ont pas été libérés, j’appelle Son Excellence le [président] Bachar Hafez Ali Suleiman Al-Assad, commandant en chef de l’armée, à libérer toutes les classes de réserve et d’active n’ayant pas été libérées à temps. Puisse Allah prolonger vos jours en tant que notre dirigeant. Ô Abou Hafez, dirigeant du monde, nous vous aimons tous et souhaitons sacrifier nos vies pour vous. » [7]
Un autre post sur la même page était quelque peu plus assertif : « M. le Président… Voyez vos loyaux héros soldats de notre armée arabe syrienne, qui lèvent la voix et espèrent tous que Votre Excellence prendra une décision de les démobiliser pour qu’ils puissent entamer leur vie civile, après avoir rempli leurs obligations du mieux possible, sans un seul moment de négligence pour défendre notre pays et notre honneur, et certains d’eux sacrifieraient leur vie et monteraient [au ciel] en tant que martyrs honorés pour Allah. Ceux qui ont rempli leur devoir pour défendre notre pays et notre peuple n’ont-ils pas le droit au repos, après ce sacrifice ? Nous voulons être démobilisés. Nous soutenons leurs voix et leurs demandes et sommes convaincus que vous, notre père, frère et dirigeant ne les abandonnerez pas… » [8]
Un citoyen syrien du nom de Hassan Suleiman a commenté : « M. le Président, la seule chose que nous espérons est de réaliser notre droit légitime à une vie [civile], en particulier lorsqu’un soldat a une famille de trois, quatre, cinq ou six personnes et un appartement en location. » [9]
De nombreux soldats syriens et membres de leurs familles ont posté à plusieurs reprises le message particulier sur différentes pages Facebook : « M. Le Président, vous êtes notre seul espoir. Nous demandons à Votre Excellence [de rendre] une décision administrative concernant [notre] libération. #Nous voulons être démobilisés. #Nous avons le droit d’être démobilisés #Classe 104, #Classe 106, #Classe 107, #Classe 108, #Classe 109, #Classe 110, #Réserves mobilisation 2012, 2013, 2014, #Né en 81, 83, 84, 85… »
*O. Peri est chargé de recherche à MEMRI
Lire la suite du rapport en anglais
Notes :
[1] Facebook.com/tsreeh2; Facebook.com2012-2249736335240196; Facebook.com/22S1y1r1i1a2a2l3a3s3a3a1a1a1; facebook.com/syriaihteat ; Facebook.com-1200239933409031 [les hashtags de la campagne ont été traduits de l’arabe par souci de meilleure compréhension].
[2] Voir, par exemple, Facebook.com/Mahranahmad1982 et Facebook.com/damascus.news.99, 5 juillet 2019.
[3] Facebook.com/Russianmilitaryinsyaria1, 1er, 5 et 18 juillet 2019.
[4] Alsouria.net, 2 mai 2017.
[5] Enabbaladi.net, 4 novembre, 2018 ; Nedaa-sy.com, 3 novembre 2018.
[6] Al-Akhbar (Liban), 5 novembre 2018.
[7] Facebook.com/bdnantsarah, 7 juillet 2019.
[8] Facebook.com/bdnantsarah, 7 juillet 2019.
[9] Facebook.com/bdnantsarah, 7 juillet 2019.