Un débat sur l’excision au Soudan a été diffusé dans le cadre de l’émission « Shabab Talk » sur la chaîne allemande Deutsche Welle en langue arabe. Au cours du débat, le professeur soudanais Mohammed Uthman Saleh a déclaré qu’il soutenait le type d’excision qui consiste à ne retirer « qu’un petit bout du clitoris ». Dr Mohamed Muhedin Elgemiabby, directeur de l’organisation Ana Assudan, a rétorqué qu’il n’existe aucune raison médicale de retirer le clitoris et que cette pratique « n’est justifiée nulle part dans la charia ». Selon lui, elle ne concerne que les « sociétés arriérées ».

Répondant à une femme dans le public qui demandait une loi abolissant l’excision, le député soudanais Al-Sadeq Abou Al-Bashar, également présent, a exprimé son opposition pour des motifs religieux. Pour lui, les musulmans doivent respecter leur religion ; or selon certains textes religieux, l’excision serait « bénéfique du point de vue médical pour la femme et ajoute à sa beauté ». Le débat a été diffusé le 25 septembre 2018. Extraits :

Jaafar Abdoul Karim : J’aimerais poser une question au professeur Uthman au sujet de l’excision. Etes-vous en train de nous dire qu’il faut immédiatement mettre fin à l’excision et que les femmes ne doivent pas être excisées ?

Pr Mohammed Uthman Saleh : Sans vouloir perturber les téléspectateurs, je dirais : oui et non. Toutes les formes d’excision qui incluent l’ablation des organes génitaux féminins sont haram et interdites, mais il existe une forme d’excision qui divise les érudits. C’est la réduction du [clitoris] de la femme, sans retrait des parties génitales. Certains érudits la jugent acceptable.

Jaafar Abdoul Karim : Et quelle est votre position ?

Pr Saleh : En ce qui concerne le premier type d’excision, je soutiens l’interdiction et la criminalisation du retrait des organes génitaux.

Jaafar Abdoul Karim : Et qu’en est-il du second type d’excision ?

Pr Saleh : Cinquante-cinquante…

Participante au débat : Pourquoi, Cheikh ? Pourquoi soutenez-vous cela ?

Jaafar Abdoul Karim : Attendez, attendez, attendez…

Pr Saleh : Laissez-moi vous dire honnêtement. Je n’ai pas d’opinion tranchée sur ce sujet, mais j’ai entendu quelques femmes… Avec votre permission…

Jaafar Abdoul Karim : Non, avec votre permission… Vous avez dit cinquante-cinquante. Vous l’avez dit vous-même. J’ai rencontré des filles, concernées par ce « cinquante-cinquante », qui souffrent quotidiennement. Elles souffrent quand elles ont leurs règles…

Pr Saleh : Vous avez tort, mon frère. Il y a quelque chose que vous ne connaissez pas, appelé « réduction », car vous n’êtes pas soudanais. La réduction consiste à retirer un tout petit morceau du clitoris. J’ai interrogé quelques femmes et elles m’ont dit : Par Dieu, le retrait de ce morceau apporte la pureté, la propreté et le plaisir. […]

Dr Mohamed Muhedim Elgemiabby : Je suis Dr Mohamed Muhedin Elgemiabby, directeur de l’organisation Ana Assudan.

Jaafar Abdoul Karim : Que pensez-vous ? Les [MGF (Mutilations génitales féminines) sont-elles justifiables] d’un point de vue médical, comme l’a dit le professeur Uthman ?

Dr Elgemiabby : Il n’est nullement nécessaire de retirer le clitoris ou quoi que ce soit d’autre. Je parle d’un point de vue scientifique. J’avais une émission télévisée. Dans mon émission, une femme médecin a prétendu que l’excision était acceptable. Elle n’a pu fournir aucune preuve. Nous nous opposons, pour des raisons médicales, à l’ablation de toute partie du corps de la femme. Elle est extrêmement nuisible et n’est justifiée nulle part dans la charia. Moi, personnellement… Mes filles sont médecins, ingénieures, et les plus jeunes aussi… Les MGF n’existent pas dans notre famille au sens restreint ou même large. Elles n’existent que dans les sociétés arriérées. Laissez-moi vous dire une chose : c’est en sensibilisant la population qu’on luttera contre l’excision, non par des moyens législatifs. […]

Jaafar Abdoul Karim : Quarante et un pour cent des femmes déclarent soutenir l’excision.

Dr Elgemiabby : Ce sont les ignorantes. Nous, médecins, nous exprimons à présent. Aucune femme ne devrait soumettre sa fille au crime de l’excision. Je suis médecin. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de filles excisées qui viennent me voir avec toutes sortes de maladies… Nous avons déjà eu à la télévision un érudit religieux qui a déclaré que les filles non excisées étaient impures et avaient une odeur différente. Cet homme est un ignorant ! […]

Femme dans le public : La sensibilisation est très importante, mais elle prend aussi beaucoup de temps, et dans l’intervalle, il y a des filles qui subissent l’excision. La loi doit l’abolir totalement. Même si une seule fille subit une excision, il devrait y avoir une loi pour la protéger. Aucune fille ne mérite de subir cela.

Jaafar Abdoul Karim : Comment se fait-il qu’il n’y ait toujours pas de loi en ce sens ?

Femme du public : Cette question devrait être adressée aux députés. Pourquoi ce retard ?

Jaafar Abdoul Karim : Nous avons un député ici. Vous vous opposez à une telle loi. Pourquoi ?

Al-Sadeq Abou Al-Bashar : Je m’y oppose pour des motifs religieux. Tout d’abord, nous devons faire la distinction entre l’excision nuisible et l’excision selon la Sunna. Les juristes religieux se sont prononcés là-dessus. Nous sommes musulmans et devons respecter les enseignements de notre religion. Il existe des textes religieux clairs qui disent que l’excision sunnite est bénéfique pour la femme sur le plan médical et ajoute à sa beauté.

Voir les extraits vidéo sur MEMRI TV

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