Ivan Timofeev, directeur des programmes du Club de discussions Valdai au sein du Conseil russe pour les Affaires internationales (RSMD), a analysé les relations entre la Russie et l’Occident dans un article de presse. On y trouve une critique implicite de la politique étrangère de la Russie, fondée sur le nationalisme et à la portée est par conséquent limitée. Il est vrai que l’accent mis sur le nationalisme « s’est avéré être une option pratique pour unifier une société frustrée et disparate. Il se fondait sur le patriotisme, sur la consolidation autour des menaces communes à la sécurité, sur la continuité de l’histoire tant soviétique qu’impériale, la fin du déni du passé soviétique, et sur une politique étrangère indépendante. » Le nationalisme caractérisait la politique Vladimir Poutine, qui « incarnait la nouvelle voie politique de la Russie », et revêt la plus grande importance. Toutefois, le nationalisme n’est pas un slogan de ralliement international aussi efficace que ne l’était le marxisme.
En outre, la politique de confrontation que mène la Russie dans l’arène internationale, avertit Timofeev, unit les adversaires de la Russie, à l’heure où elle souffre de lacunes prononcées. L’article se distingue par les éléments positifs qu’il présente sur Mikhaïl Gorbatchev, qui a été transformé en bouc émissaire de l’effondrement de la puissance soviétique.
Timofeev estime que la nouvelle Guerre froide qui oppose la Russie et l’Occident ne présente pas une fracture idéologique aussi claire que la précédente. A l’époque des Soviets, explique-t-il, l’idéologie représentait une « source de légitimité pour la politique étrangère et le fondement pour consolider des alliances et gagner en influence ». Soulignons que tout au cours du 20e siècle, le marxisme représentait l’une des théories politiques les plus influentes non seulement en Occident, mais dans le monde en général. [1]
Toutefois, cet avantage idéologique a commencé à s’éroder avec l’avènement du polycentrisme. La révolution hongroise de 1956 a commencé à miner l’autorité de l’Union soviétique dans son rôle de principal arbitre dans les secteurs de la gauche, qui critiquaient la violence de ses représailles militaires. La délégitimation de l’Union soviétique a également été nourrie par la Chine, qui considérait les conséquences politiques du soulèvement hongrois comme un échec soviétique remettant en question le communisme. Le président Mao Zedong a accusé l’Union soviétique d’impérialisme et a qualifié les politiques de déstalinisation [que Timofeev définit comme une période de dégel] du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev comme du marxisme révisionniste. Les divergences doctrinales entre la République populaire de Chine et l’Union soviétique ont mené à une rupture des relations politiques, connue sous le nom de rupture sino-soviétique (1956–66). Timofeev explique : « La Chine a exposé l’unité idéologique de la gauche internationale dans l’arène mondiale comme étant éphémère, et c’était un coup beaucoup plus dur pour l’Union soviétique. » Et d’ajouter : « Sur le plan idéologique, la querelle avec la Chine et la perte d’influence en Europe orientale ont causé plus de dommages à l’Union soviétique que les efforts américains pour promouvoir les valeurs libérales. »
Au début des années 1970, la confiance des élites soviétiques dans le socialisme s’est ébranlée. Mikhaïl Gorbatchev a tenté de modifier cette « trajectoire désastreuse », en voulant mettre fin à la confrontation avec l’Occident, tout en modernisant le projet socialiste soviétique et en le rapprochant du socialisme européen. Toutefois, malgré la sortie gérée par Gorbatchev de la Guerre froide « sans subir de défaite », l’effondrement du bloc socialiste et de l’URSS fut un « désastre totalement inattendu », estimeTimofeev.
Selon Timofeev, la meilleure solution pour la Russie serait de faire profil bas, tout en accumulant des ressources et en édifiant des projets d’intégration régionale en Eurasie. Seulement alors, elle sera capable de retrouver son rôle de puissance globale.
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