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L’ancien membre de l’Etat islamique Nour Al-Din Al-Hatimi, un Marocain revenu dans son pays après avoir été déçu par le jihad en Syrie, a expliqué l’état d’esprit des recrues étrangères parties là-bas pour instaurer le Califat. Interrogé par l’universitaire égypto-allemand Hamed Abdel-Samad dans son émission « Tribune d’islam » le 24 juin 2018, Al-Hatimi a relaté sa rencontre avec des réfugiés syriens en Turquie, qui maudissaient la révolution, affirmant qu’ils ne voulaient pas d’étrangers dans leur pays, et avec les combattants de l’EI à la frontière entre la Turquie et la Syrie.
« Certains d’entre eux m’ont dit que ce qui se passe [en Syrie] n’a rien à voir avec le jihad, que l’islam n’a pas d’avenir et que le Califat ne peut être instauré sur cette terre, car cette entreprise est au bord de la faillite. » Al-Hatimi a cité les stéréotypes et les actes de brutalité occidentaux comme autant de motifs incitant les musulmans à rejoindre l’EI, déclarant toutefois : « Ils combattent la brutalité utilisée contre eux par une brutalité non moins féroce. » Extraits :
Nour Al-Din Al-Hatimi : [Les recrues de l’EI] voulaient établir le Califat, qu’elles percevaient comme un abri et un lieu utopique de repentir, au sein duquel les musulmans pourraient s’unir et rassembler toute leur puissance, pour combattre les forces qui les attaquent avec violence.
Hamed Abdel-Samad : Mais qu’ont-elles finalement trouvé ?
Nour Al-Din Al-Hatimi : La première chose qui m’a frappé était que les réfugiés syriens en Turquie maudissaient la révolution et tout ce qui allait avec. Ils disaient qu’ils ne voulaient pas que des étrangers entrent dans leur pays, et qu’il vaudrait même mieux que [les volontaires] restent dans leurs pays. Ils disaient qu’ils en avaient assez de tous les massacres, et que tout ce qu’ils voulaient était de vivre une existence digne avec leurs familles, etc.
Hamed Abdel-Samad : Ainsi, le premier mythe – que vous partiez en Syrie pour soutenir vos frères – s’est brisé, lorsque les Syriens vous ont dit d’aller voir ailleurs.
Nour Al-Din Al-Hatimi : Oui, dans ce type de langage. Ensuite, je me suis rendu à la frontière [entre la Turquie et la Syrie], et j’ai passé un certain temps avec des gens qui avaient pris les armes et combattaient. Certains d’entre eux m’ont dit que ce qui se passe [en Syrie] n’a rien à voir avec le jihad, que l’islam n’a pas d’avenir et que le Califat ne peut être établi sur cette terre, car cette entreprise est au bord de la faillite. Elle se trouve dans un tunnel sombre, qui mène à une impasse, et les gens feraient mieux de trouver d’autres manières de bâtir leur gloire. Ils devraient labourer leurs propres terres et engendrer la vie plutôt que la mort. […]
Notre hypothèse de base est que l’Occident nous a couverts de honte et humiliés, nous a volé nos ressources et a occupé nos lieux saints, et qu’aujourd’hui, l’individu arabe n’a aucune valeur. Dans les films américains, c’est l’Arabe qui est ainsi stéréotypé, et le musulman est dépeint comme un individu dénué de culture et de moralité, dont l’honneur n’est pas respecté. Ces musulmans disent aujourd’hui : « Assez ! » Ils veulent défier l’Occident, c’est du moins mon opinion. Ils veulent se débarrasser des monceaux de honte et d’humiliation qui leur collent à la peau. Ils combattent la brutalité utilisée contre eux par une brutalité non moins féroce. Confrontés à l’argument selon lequel l’islam est aux antipodes de leurs actes, et que ses valeurs morales et sa culture sont contraires à ce qu’ils font, ils ont recours à la tradition [islamique], et citent des textes que la plupart des musulmans ne tiennent pas en haute estime. [L’EI] évoque ces textes car il doit légitimer ses actes.
Hamed Abdel-Samad : Rêvez-vous toujours aujourd’hui de l’instauration d’un vrai Califat ?
Nour Al-Din Al-Hatimi : Personnellement, je pense que le Califat est une illusion, en toute honnêteté. J’ai étudié la question, et j’ai découvert que les hadiths qui prétendent que le Califat approche et que l’avenir appartient à l’islam ne sont que des sujets à polémique, destinés à susciter la controverse.