Par R. Green* 

Alors même que l’Etat islamique est impliqué dans des combats difficiles en Irak et en Syrie, ses organes officiels, ses cheikhs et ses partisans sont engagés dans un virulent conflit interne sur des questions théologiques. Selon certaines indications, les dirigeants de l’EI auraient adopté une conception plus stricte sur la question du tafkir – les accusations d’hérésie et d’incroyance prononcées envers d’autres musulmans – et des cheikhs haut placés de l’EI, ainsi qu’un grand nombre de ses partisans, désapprouveraient ce changement. Le tafkir est une question essentielle, car en islam, l’hérésie est passible de mort. C’est pourquoi le tafkir constitue une autorisation religieuse de cibler et de tuer une personne.

Ce changement apparaît dans un mémorandum publié le 17 mai 2017 par le conseil exécutif de l’organisation, la “Commission déléguée”, qui a réitéré l’engagement de l’EI concernant le tafkir. Selon ce mémo, le tafkir est un pilier fondamental de l’islam, étant aussi, voire plus important que les obligations de base telles que la prière. Le mémo adopte une position radicale concernant le statut collectif des citoyens des pays musulmans, en mettant en doute le fait qu’ils soient considérés comme de vrais musulmans.

La Commission déléguée a également retiré des manuels de théologie des camps d’entraînement et instituts religieux, manifestement afin de les corriger et de les adapter à la nouvelle ligne théologique. En outre, le journal officiel de l’EI a attaqué un ancien dirigeant d’Al-Qaïda, autrefois encensé par ni plus ni moins que le dirigeant de l’EI, Abou Bakr Al-Baghdadi lui-même, considéré par les partisans de l’EI comme un autre exemple de la nouvelle ligne, plus dure, de l’organisation.

Le changement apparent de la position officielle de l’organisation sur le tafkir a attiré des critiques de la part des religieux de l’EI, y compris de son grand mufti. Ils ont critiqué le mémorandum de la Commission déléguée, observant que la direction de l’EI s’était pliée aux exigences des éléments extrémistes au sein de l’organisation et contredisait ses anciennes conceptions. Les partisans en ligne de l’EI sont également descendus dans l’arène. Certains ont fait écho aux critiques des religieux contre le mémo de la Commission déléguée et sa nouvelle position sur le tafkir, allant jusqu’à suggérer que la commission, ou les organes médiatiques officiels de l’EI, avaient été infiltrés par des extrémistes. D’autres ont rejeté les critiques avec véhémence, observant que les membres de l’EI et ses partisans étaient dans l’obligation de se soumettre à la Commission déléguée et d’accepter ses opinions. Ils ont rejeté les accusations d’infiltration et suggéré que les critiques étaient des traîtres et des infiltrés eux-mêmes.

Un catalyseur probable de ce changement est le défi constant posé à l’EI par un camp réduit mais bruyant de jusqu’au-boutistes, qui considèrent son idéologie officielle comme n’étant pas assez radicale. Certains d’entre eux, qui ont quitté l’EI en raison de ces divergences, ont été jusqu’à accuser ses dirigeants, y compris Al-Baghdadi, d’hérésie. L’EI s’est débarrassé de nombreux membres de ce camp dans le passé, et des informations récentes ont fait état d’une nouvelle vague d’exécutions d’extrémistes.[1] Toutefois, des éléments de ce camp sont toujours présents au sein de l’EI ou dans son orbite, et leurs opinions semblent avoir une certaine influence au sein des dirigeants de l’organisation.

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*R. Green est le directeur du Jihad and Terrorism Threat Monitor Project de MEMRI.

Ceci est un extrait de document JTTM (Jihad and Terrorist Threat Monitor) réservé aux services abonnés. Pour plus d’informations, contacter contact@memri.fr.

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