Le 10 avril 2019, le journaliste franco-soudanais Rachid Saïd Yacoub a été interviewé sur France 24, à la veille du coup d’Etat militaire ayant destitué le président soudanais Omar Al-Bashir. Yacoub, porte-parole de la commission des affaires étrangères de l’Association des professionnels soudanais – acteur majeur des manifestations dans le pays – a critiqué le président Omar Al-Bashir pour avoir été porté au pouvoir par le mouvement islamique et par les Frères musulmans (FM) et pour avoir transformé l’armée en organe du mouvement islamique.
Yacoub a déclaré qu’Al-Bashir dirigeait le Soudan pour le compte d’une clique au sein de l’institution militaire, qui est liée aux FM. Selon lui, l’objectif le plus important des manifestations en cours est de construire un État soudanais fondé sur la citoyenneté. Il a expliqué que le soulèvement au Soudan était différent de celui du Printemps arabe, car il s’agit d’une révolution dirigée contre les FM et contre les régimes islamiques, tandis que le Printemps arabe a été largement mené par des mouvements islamiques, qui aspiraient à instaurer des régimes islamiques. Il a ajouté : « Nous voulons éliminer ces groupes islamiques. »
Rachid Saïd Yacoub vit en France depuis les années 1990. L’Association des professionnels soudanais est un groupe de coordination composé de 15 syndicats soudanais. Extraits :
Rachid Saïd Yacoub : C’est une erreur de dire qu’Al-Bashir est un général gouvernant au nom de l’armée. Al-Bashir est un général porté au pouvoir par le mouvement islamique. C’est un général islamiste du mouvement des Frères musulmans, qui a pris le pouvoir au nom de l’armée, mais n’a jamais gouverné en son nom. Al-Bashir a nettoyé l’armée de tous les soldats patriotes et l’a transformée en nouvel organe du mouvement islamique. […]
Al-Bashir ne gouverne pas au nom de toute l’armée. Il gouverne au nom d’une clique au sein de l’institution militaire. Ils contrôlent l’armée parce qu’ils occupent des rôles de commandement. Ce groupe de personnes est lié aux Frères musulmans et au mouvement islamique au Soudan. […]
Animateur : À un moment donné, Al-Bashir était même un allié de [Hassan] Al-Turabi.
Rachid Saïd Yacoub : Il s’est allié à Al-Turabi, puis l’a destitué, mais est redevenu l’allié d’Al-Turabi avant sa mort. Les successeurs d’Al-Turabi – Dr Ali Al-Hajj et Ibrahim Al-Sanousi – sont toujours membres du gouvernement d’Al-Bashir. […]
Le principal problème au Soudan est de construire un État fondé sur la citoyenneté, qui réponde aux aspirations du peuple soudanais. Quiconque veut le qualifier d’État laïc peut le faire, et quiconque veut le qualifier d’État religieux peut le faire aussi. L’important est que la citoyenneté soit le fondement de cet État. […]
Lors du Printemps arabe, les groupes islamiques ont mené l’insurrection contre les régimes laïcs. Ces groupes islamiques ont pris le pouvoir dans ces pays. En Tunisie, le mouvement Ennahdha – qui est un mouvement islamique – est arrivé au pouvoir par des élections…
Animateur : Cela n’est pas arrivé en Algérie…
Rachid Saïd Yacoub : En Egypte, Mohamed Morsi, des Frères musulmans, a pris le pouvoir. En Syrie, les Frères musulmans ont conduit le pays vers la crise de la lutte armée. Au Soudan, nous nous trouvons dans une situation unique, dans laquelle la révolution est dirigée contre les FM et les mouvements islamiques. Nous nous opposons à un régime qui appelle à un État islamique. Dans notre cas, les supporters d’un État laïc combattent un régime islamique, ce qui est très différent des révolutions du Printemps arabe. […]
Participant : Mais en Egypte…
Rachid Saïd Yacoub : Nous combattons ces islamistes. Nous voulons éliminer ces groupes islamiques.
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