Par A. Savyon et Yigal Carmon*
L’Iran ne se retirera jamais du Plan d’action global commun (PAGC), ou l’accord sur le nucléaire iranien, car cet accord, lorsque les limites qu’il impose expireront, octroie à l’Iran le statut juridique reconnu d’Etat nucléaire, avec la reconnaissance officielle et le sceau du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU).
L’accord sur le nucléaire est une résolution du CSNU qui ne peut être révoquée ; la Russie et la Chine opposeront leur veto à toute tentative en ce sens
Le PAGC n’est pas un accord économique. Ses avantages économiques pour les deux parties, aussi importants soient-ils, ne sont pas essentiels. Ce que l’Iran a voulu obtenir par le biais du PAGC était la reconnaissance de son statut d’Etat nucléaire. En fait, une condition préalable à son entrée dans les négociations bilatérales avec l’administration Obama était que les Etats-Unis fournissent une garantie écrite qu’ils reconnaissent le droit de l’Iran d’enrichir de l’uranium, et le président Obama a donné cette reconnaissance avant le début des pourparlers en 2012, et de nouveau lors de leur conclusion. L’Iran a également veillé à ancrer cette reconnaissance dans une résolution du CSNU (Conseil de sécurité des Nations unies), plutôt que dans un accord bilatéral ou multilatéral qui dépendrait de la volonté des parties. Le statut du PAGC en tant que résolution du CSNU (n° 2231) garantit qu’il ne peut être révoqué car, dans la constellation mondiale existante, la Russie et la Chine sont assurées d’opposer leur veto à toute tentative d’annulation.[1]
Par conséquent, les menaces de l’Iran de se retirer de l’accord nucléaire sont fallacieuses, et les craintes des parties européennes d’un retrait de l’Iran à moins d’être indemnisé pour les nouvelles sanctions américaines sont dénuées de tout fondement.[2]
Le Guide suprême iranien Ali Khamenei a exprimé la position de l’Iran à ce sujet le 29 août 2018, affirmant : « L’accord n’est pas une fin en soi, mais un outil. Si nous parvenons à la conclusion que cet outil ne sert pas nos intérêts nationaux, nous l’écarterons. » [3] Il convient de souligner de nouveau le fait que l’accord reconnaît le statut d’Etat nucléaire de l’Iran et qu’il servira toujours par conséquent les intérêts nationaux du régime iranien. En outre, Khamenei s’abstient de déclarer explicitement qu’il se retirera de l’accord, se contentant de dire qu’il sera « écarté ».
Les dimensions économiques de l’accord nucléaire ont toujours été secondaires
Le PAGC n’a jamais été conçu comme un accord économique, mais a été défini par avance par l’administration Obama et par les Européens comme un jalon historique vers le contrôle des armes nucléaires et vers la paix et la stabilité internationales. Les avantages économiques, s’ils existent, étaient secondaires par rapport au résultat principal de l’acceptation de l’Iran au sein du club nucléaire, tout en effaçant ses antécédents de violations reconnues dans le domaine de l’activité nucléaire militaire et en présentant l’accord comme protégeant le monde du danger nucléaire. Cela ne signifie pas que l’Iran n’a pas souhaité obtenir des avantages économiques importants de l’accord, et les a effectivement obtenus jusqu’au retrait américain de l’accord en mai 2018. Depuis que les Etats-Unis se sont retirés du PAGC, d’une manière qui empêche les Européens de poursuivre leur commerce avec l’Iran, ce dernier a tenté d’obtenir une indemnisation à cet égard. Mais même l’absence d’indemnisation n’incitera pas l’Iran à se retirer de l’accord.
L’Europe – qui, tout au long des pourparlers menés par l’UE3 (Grande-Bretagne, France et Allemagne) avec l’Iran pendant l’ère Obama, a fermement refusé d’accorder à l’Iran le droit d’enrichir de l’uranium – a écarté son opposition de principe une fois que le président Obama l’a déchargée de l’obligation morale d’éviter toute coopération avec le régime iranien. Obama a également présenté le régime iranien comme un membre légitime de la communauté internationale, et l’a transformé de pays accusé de violations en matière d’armements nucléaires, et donc sanctionné par le CSNU, en partenaire de négociations légitime et égal. Après avoir levé la barrière morale, Obama a également promis aux Européens qu’ils obtiendraient des avantages économiques de l’accord. Mais l’argument selon lequel les dividendes économiques étaient la principale considération de l’Europe est un mythe, car durant l’exercice 2017, le volume des échanges entre l’Union européenne et les Etats-Unis a atteint 1,1 milliard de dollars, comprenant des importations de l’UE en provenance des Etats-Unis de 528 milliards de dollars et des exportations de l’UE vers les Etats-Unis de 629 milliards de dollars.
En revanche, les échanges entre l’UE et l’Iran pour la même année civile totalisaient 23,9 milliards de dollars, constitués d’importations évaluées à 11,56 milliards de dollars et d’exportations vers l’Iran évaluées à 12,33 milliards de dollars.[4] Par conséquent, les déclarations des porte-parole de l’UE selon lesquelles ils neutraliseraient les sanctions américaines contre l’Iran sont ridicules. Le fait que des grandes sociétés, européennes et autres, quittent le marché iranien, en sont la preuve.
Les déclarations d’officiels européens concernant le PAGC sont donc considérées comme des coups à l’administration Trump, dans le cadre de leur combat politique contre les Etats-Unis et contre leur président, qu’ils considèrent comme un dirigeant politique inférieur dont l’autorité et les décisions en matière de politique étrangère et de commerce international sont inacceptables.
Annexe : L’Iran ne renoncera pas à l’accord nucléaire
Pour des rapports antérieurs de MEMRI concernant les menaces iraniennes d’annuler le PAGC si ses demandes ne sont pas acceptées, voir :
MEMRI en français, L’Iran n’annulera pas le JCPOA : il lui confère le statut de puissance nucléaire et une garantie occidentale de la survie du régime, 18 avril 2017
MEMRI en français, Confronté à une nouvelle stratégie globale américaine, le régime iranien, impuissant, s’agrippe au PAGC et à l’Europe, son parapluie de défense contre les Etats-Unis, 30 mai 2018.
MEMRI en français, Confrontés à une nouvelle stratégie américaine, le régime iranien s’accroche à l’Accord sur le nucléaire, 7 juin 2018.
Enquête et analyse n° 837, Khamenei’s Aim at the Nuclear Talks – Securing the Survival of His Regime, 15 mai 2012.
* A. Savyon est la Directrice du Projet des médias iraniens de MEMRI ; Yigal Carmon est le Président Fondateur de MEMRI.
Lien vers le rapport en anglais
Notes :
[1] Même si l’Iran est surpris en train de violer le JCPOA, il pourrait encourir des sanctions, mais cela n’empêchera pas la reconnaissance de principe de son statut nucléaire.
[2] Cela est vrai même si l’Iran était bombardé par les Etats-Unis ou par Israël. Même dans un tel scénario, il ne se retirera pas de l’accord, mais préfèrera le maintenir comme résolution contraignante de la communauté internationale reconnaissant son statut nucléaire.
[3] Farsi.khamenei.ir, 29 août 2018.
[4] Ces chiffres proviennent de la Direction générale du Commerce de la Commission européenne, Union européenne, Commerce avec l’Iran (2017).