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Le poète syrien Adonis a déclaré que, dans la conjoncture actuelle, il ne pouvait y avoir de régimes démocratiques dans le monde arabe. S’interrogeant sur le fait qu’il n’y a pas d’instituts scientifiques et d’universités scientifiques de haut niveau dans le monde arabe, ni d’intellectuels qui interprètent l’islam de manière innovante, Adonis a estimé qu’un peuple disparaît « lorsqu’il n’a plus aucune présence créative qui contribue à la construction du monde ». C’était sur Al-Arabiya, le 11 août 2017. Extraits :  

Adonis : Il ne peut y avoir de régimes démocratiques dans la conjoncture arabe actuelle. C’est impossible. En outre, les différents groupes [sociaux] devraient être reliés par la loi, plutôt que par la religion ou par [l’appartenance à une] communauté. C’est pourquoi il n’y a pas de démocratie [dans le monde arabe]. En outre, historiquement parlant, la culture islamique s’est fondée sur un système gouvernemental qui n’a rien à voir avec la démocratie. C’était un système à part appelé « califat ». […]

La région arabe – aussi importante soi-elle dans son rôle de pont entre l’Asie et l’Europe – n’est qu’une arène stratégique pour l’Occident et un [fournisseur] de ressources. Il faut étudier les relations des Arabes avec le monde. Comment se fait-il que les Arabes ne soient que des instruments ? C’est la première question. La deuxième question est : comment se fait-il que dans la grande [nation] islamique, il n’y ait pas d’universités et d’instituts scientifiques importants ?

Journaliste : et de centres de recherche…

Adonis : Il n’y a pas une seule université de premier plan dans le monde islamique. Comment se fait-il que sur 1,25 milliard de musulmans, il n’y ait pas un seul intellectuel dont on puisse dire qu’il interprète l’islam de manière innovante ? Il n’y en a aucun. L’islam aujourd’hui…

Journaliste : Qu’en est-il de vos collègues comme feu Sadeq [Jalal Al-Azm]…

Adonis : Ces individus ont été ostracisés. Ce ne sont pas des intellectuels musulmans. Ils ont été exclus. Nasr Hamid Abu Zayd en est un autre exemple.

Journaliste : Et [Mohammed Abed] Al-Jabri et Mohammed Arkoun…

Adonis : Tous ont été ostracisés. […] Il sera impossible de comprendre ce qui se passe dans les pays arabes tant que nous continuerons d’écrire « Israël » entre guillemets. Israël est une partie fondamentale du tableau. Deuxièmement, il est impossible de comprendre ce qui se passe dans le monde arabe si nous en excluons l’Europe et l’Amérique. Dans le tableau arabo-islamique, nous devons tenir compte de deux éléments, afin de mieux comprendre notre situation : il faut examiner la relation entre les Arabes, dans leur ensemble, avec Israël – et avec« l’autre » américain et européen, car il est une variation d’Israël d’une manière ou d’une autre. C’est notre problème. Notre tout premier problème est interne ; [il concerne] notre héritage.

Journaliste : Exact.

Adonis : J’ai dit une fois, dans un moment de désespoir, que nous sommes un peuple en voie de disparition.

Journaliste : Oui, nous avons vu cette interview tout à l’heure.

 Adonis : Quand un peuple disparaît-il ? Lorsqu’il n’a plus de présence créative qui contribue à la construction du monde. […]

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