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Le président de MEMRI, Yigal Carmon, a participé, sur la chaîne Al-Jazira, à un débat portant sur la liberté d’expression. Il a déclaré que la chaîne diffusait des émissions faisant la promotion de l’idéologie djihadiste et incitant au terrorisme, ainsi que des programmes à caractère antisémite. Abeer Kayed, de l’Université Howard, a affirmé qu’Al-Jazira était indépendante, bien que financée par le gouvernement qatari. L’animateur de l’émission, Abderrahim Foukara, chef du bureau de Washington d’Al-Jazira, a reconnu que celle-ci était gouvernementale, « tout comme Alhurra et la BBC ». L’émission a été diffusée le 22 juillet 2017. Extraits :
Abeer Kayed : Nul ne peut nier aujourd’hui qu’Al-Jazira n’est pas seulement un phare, mais un géant des médias, qui ne peut être ignoré par le monde arabe ou même au niveau international. […]
Abderrahim Foukara (animateur) : Peut-il y avoir de quelconques circonstances justifiant qu’un gouvernement ferme un média ou exige sa fermeture ?
Yigal Carmon : De telles circonstances peuvent exister. Je ne pense pas qu’il y ait une parfaite symétrie entre la conduite d’Al-Jazira et de CNN et, par conséquent, entre les défis auxquels sont confrontés ces deux chaînes. Al-Jazira n’a pas une seule dimension. Elle propose des documentaires, des programmes sur l’actualité, des émissions à caractère historique, social, des émissions sportives et des talk-shows, comme celui-ci, dans lesquels les invités se respectent, malgré des points de vue différents. D’un autre côté, on ne peut nier que certaines émissions sur Al-Jazira défendent des groupes djihadistes et leur idéologie, et encouragent le recrutement dans ces groupes.
C’est là que se trouve le défi. C’est davantage un défi interne qu’externe. Permettez-moi de donner plusieurs exemples pour montrer comment Al-Jazira en est arrivée à son état actuel. Par exemple… Et j’aimerais que vous me laissiez donner ces exemples, pour que le débat puisse être honnête et basé sur des faits. Lorsque Al-Jazira diffuse une fête d’anniversaire d’un djihadiste comme Samir Quntar, avec un gros gâteau, de la musique et des feux d’artifice… Cet homme est connu pour avoir tué une fillette de quatre ans, de façon barbare : il lui a frappé la tête avec une pierre. Je n’ai jamais rien vu de semblable sur CNN ou sur une quelconque autre chaîne télévisée. […]
Lorsque Al-Jazira permet au Cheikh Youssouf Al-Qaradhawi d’appeler à l’annihilation des Juifs – des Juifs, pas des sionistes ou de qui que ce soit d’autre – comme à un châtiment divin… et de dire : « Par la volonté d’Allah, ce sera le fait des croyants [musulmans]». C’est de l’incitation à la haine, et c’est interdit par la loi.
Abderrahim Foukara : Admettons que ce que vous dites soit vrai…
Yigal Carmon : C’est vrai, cela s’est réellement passé.
Abderrahim Foukara : Admettons que ce soit vrai. À votre avis, cela justifie-t-il une demande émanant d’une autorité donnée pour qu’un média – une chaîne télévisée ou un journal – soit fermé, juste à cause d’une émission, ou parce que quelqu’un y a dit quelquechose ?
Yigal Carmon : Cheikh Al-Qaradhawi est l’un des piliers d’Al-Jazira, mais ce que je veux dire ici, c’est qu’il y a des lois. Par conséquent, je dis que le défi est plus interne qu’externe. Al-Jazira doit assumer ses responsabilités, afin de comprendre comment elle en est arrivée là.
Abderrahim Foukara : Vous n’avez pas répondu à ma question : y a-t-il une situation qui justifierait la fermeture d’une chaîne télévisée – que ce soit Al-Jazira ou toute autre chaîne télévisée – par une autorité gouvernementale ou par d’autres pays ?
Yigal Carmon : Vous m’avez interrogé sur les lois. Il existe des lois qui protègent de l’antisémitisme.
Abderrahim Foukara : Existe-t-il des lois qui justifient la fermeture d’une chaîne télévisée ?
Yigal Carmon : La fermeture d’une chaîne télévisée est un autre problème, mais on pourrait envisager l’annulation de certains programmes télévisés qui encouragent le terrorisme. […]
William Youmans : Les lois antiterroristes dans ce pays permettent à l’administration américaine de faire fermer tout média soutenu par des groupes terroristes, que ce soit en recevant un soutien financier ou maintenant le contact avec eux. […]
Yigal Carmon : Lorsqu’Al-Jazira permet la diffusion en direct d’un serment d’allégeance à Al-Baghdadi, lorsque Al-Jazira permet à Sulaiman Abu Ghaith, un porte-parole d’Al-Qaïda, de parler librement pendant dix minutes et d’appeler 12 000 moudjahidines à rejoindre Al-Qaïda… C’était deux mois avant les attentats du World Trade Center. Lorsqu’Al-Jazira emploie un correspondant [Tayseer Allouni] condamné en Espagne à sept ans de prison pour avoir transféré des fonds à Al-Qaïda – et Al-Qaïda a même publié une déclaration publique de soutien à celui-ci… Lorsqu’Al-Jazira diffuse le meurtre d’un soldat américain par un tireur d’élite irakien – ceci ne peut se produire que dans…
Abderrahim Foukara : Où voulez-vous en venir ?
Yigal Carmon : Il existe des lois qui interdisent tout cela. […]
Abderrahim Foukara : Existe-t-il des lois disant que même si des secteurs importants de la société arabe veulent entendre et doivent entendre un certain discours, comme les discours d’Oussama Ben Laden… Les chaînes étrangères les reprenaient d’Al-Jazira et les diffusaient, puis reprochaient à Al-Jazira de diffuser les discours de Ben Laden. Existe-t-il une loi pouvant interdire à certains groupes ou à certaines sociétés d’entendre un certain discours et de le connaître ?
Yigal Carmon : Tout d’abord, ce que les chaînes étrangères, comme CNN et d’autres, ont diffusé, ce n’était que quelques minutes de discours, avec de nombreux commentaires, et non… En premier lieu, ce discours ne s’adressait pas au public américain. […]
Abeer Kayed : [Carmon] n’a aucune crédibilité. Avant l’émission, il m’a parlé de l’institut dans lequel il travaille. Quand je lui ai demandé quel genre de médias ils couvrent, il a dit 80 % des médias arabes. Quand je l’ai interrogé sur les médias israéliens, il a dit qu’ils ne les couvraient pas et qu’ils ne les traduisaient pas. Lorsque je lui ai demandé pourquoi, il a répondu « parce qu’ils sont clairs et ne nécessitent pas d’analyse ».
Yigal Carmon : Parce qu’ils sont traduits en anglais…
Abeer Kayed : Laissez-moi terminer…
Yigal Carmon : Ce n’est pas vrai. C’est un mensonge. Ce que j’ai dit, c’est que les contenus des médias israéliens paraissent en anglais. […]
Abderrahim Foukara : Compte tenu de ce que vous avez dit au sujet des médias israéliens, pensez-vous qu’il soit justifié que des groupes arabes puissent, dans certaines circonstances, exiger la fermeture de médias israéliens ?
Abeer Kayed : Pourquoi pas ? La haine des Arabes et des musulmans et le drapeau israélien flottant au-dessus des églises et des mosquées… Tout cela est dirigé contre l’islam et les Arabes. Ce n’est pas seulement de l’antisémitisme. Nous sommes des Sémites. Ce terme appartient au passé. Cela ne peut plus servir d’excuse. Tout le monde en parle, mais qu’en est-il des Arabes ? Et qu’en est-il de l’image de l’islam dans les médias américains, et surtout sur Fox News ? […]
Neil McCabe : Je pense que la plupart des problèmes des médias au Moyen-Orient découlent du contrôle des gouvernements sur la liberté de la presse. Pour être honnête, je crois qu’Al-Jazira est gérée par le gouvernement qatari.
Abderrahim Foukara : Alhurra, la BBC, etc., sont également financées par les gouvernements…
Neil McCabe : C’est aussi le cas de la BBC et de Voice of America. Certaines personnes sont incapables de dire si les médias sont gérés professionnellement, ou s’ils sont une extension de la propagande de l’État, et servent des objectifs diplomatiques. […]
Yigal Carmon : Faisal al-Qassem, l’un des piliers d’Al-Jazira, a déclaré que les médias occidentaux sont des « nazis ». Je pense que la situation est la suivante : CNN critique la Maison Blanche, mais Al-Jazira ne critique pas la famille Al-Thani et ne parle pas de l’emprisonnement du poète [Qatari] Ibn Al-Dheeb. Le problème est interne et non externe. […]
Abeer Kayed : À la lumière du chaos et de la situation politique au Moyen-Orient, je pense qu’Al-Jazira est ce qui nous reste, du moins en termes de crédibilité. Même si elle n’est pas neutre, elle est du moins crédible. Concernant les attaques contre la famille Al-Thani, je ne pense pas qu’Al-Jazira ait quelque chose à voir avec la famille au pouvoir. C’est un organe médiatique indépendant de l’État, à l’exception du fait qu’il soit financé par lui.
