Le professeur franco-marocain Youssef Chiheb a déclaré, dans une interview diffusée le 12 février 2020 sur France 24 en arabe, que l’attitude du monde arabe envers Israël était « archaïque » et qu’elle devait être repensée à la lumière d’autres dangers émergents tels que l’Iran. Extraits :
Youssef Chiheb : A mon avis, le plus grand danger qui menace le monde arabe est l’Iran, le mouvement chiite dans la région, et la prolifération des ADM [armes de destruction massive], la propagation du terrorisme dans la région du Sahel et du Sahara. Israël n’est pas un ennemi du Maroc. En outre, dans le passé, il a fourni quelques services de renseignement…
Journaliste : C’est ce que disent certains dans la région.
Youssef Chiheb : C’est la vérité.
Journaliste : C’est votre opinion. D’autres peuvent penser différemment.
Youssef Chiheb : Israël n’a aucun problème avec le Maroc. Il ne hait pas le Maroc. En outre, comme l’a dit mon collègue, le Maroc est exceptionnel dans le monde arabe quand on en vient aux relations potentielles avec Israël. Le Maroc est un pays qui…
Journaliste : Quel genre de relation peut-on avoir avec Israël ? Nous avons vu que la Jordanie et l’Egypte ont signé un traité de paix avec Israël, mais cela n’a aucunement modifié le sentiment envers Israël. Si une chose similaire se produisait au Maroc, y aurait-il un traité de paix ? Comment se déroulerait la normalisation ? Le Maroc recevrait-il Netanyahou, par exemple ?
Youssef Chiheb : Le monde arabe a été endoctriné avec le discours antisioniste et anti-israélien. Mais le monde a changé et l’équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient également. D’autres dangers ont émergé, la mondialisation est apparue, les idées ont évolué… Le mode de pensée arabe concernant Israël est devenu archaïque. On doit traiter avec Israël comme avec un État de fait.
Journaliste : Donc la cause palestinienne est révolue ?
Youssef Chiheb : La cause palestinienne, ça se passe entre les Palestiniens et Israël…
Journaliste : N’est-elle pas la cause numéro un des Arabes ?
Youssef Chiheb : Je ne le pense pas.
Journaliste : Depuis de nombreuses années, la cause palestinienne est la cause numéro un des Arabes.
Youssef Chiheb : C’était avant, ce n’est plus le cas. C’était quelque chose que nous avions en commun, mais tous les régimes arabes ont utilisé la cause palestinienne à des fins domestiques. Aucun dirigeant arabe n’a proposé de solution pour les Palestiniens. […] Jérusalem et la Palestine ont été perdues en 1999, quand Ehoud Barak et Yasser Arafat se trouvaient au Maroc, puis se sont rendus à Washington sous les auspices de Clinton, qui a dit que c’était ll’occasion de leur vie – pas l’Accord du siècle, l’occasion de leur vie – qu’il fallait qu’ils mettent leur fierté de côté et signent un accord. Le défunt président Arafat était sur le point de signer, mais les pays arabes sont intervenus et l’ont accusé de trahison. Dans notre schéma mental arabe, nous sommes encore les victimes des guerres de croisés. Nous croyons toujours que tout Arabe recèle en lui un Saladin Al-Ayoubi. Le monde a changé.
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