Les tensions actuelles entre les Etats-Unis et la Turquie, résultant de litiges politiques et économiques, se sont récemment aggravées, après le refus de la Turquie de libérer le pasteur américain emprisonné Andrew Brunson, accusé d’être un espion ayant tenté de renverser le gouvernement lors de la tentative de coup d’Etat en 2016.[1] Autre raison de cette escalade, la décision turque d’acquérir le système de défense antimissile russe S-400, au lieu du système américain Patriot. En conséquence, les législateurs américains ont débattu en juillet 2018 d’une législation visant à bloquer la livraison à la Turquie d’avions de combat F-35, qui s’inscrivait dans un effort conjoint américano-turc.[2]
Début août, l’administration Trump a pris des mesures contre la Turquie, sous forme de sanctions contre ses ministres de la Justice et de l’Intérieur [3]. La Turquie a réagi par des sanctions contre les secrétaires d’Etat à la Justice et à l’Intérieur américains.[4] En outre, le 10 août, le président Trump a annoncé que les taxes américaines à l’importation sur l’acier et l’aluminium turcs seraient doublées, aggravant ainsi la chute de la lire turque.[5] De même, selon un article publié le 19 août 2018, l’administration Trump aurait refusé d’interrompre l’enquête sur la principale banque turque Halkbank – qui encourt des milliards de dollars d’amende pour violation des sanctions américaines contre l’Iran – jusqu’à la libération du pasteur Brunson.[6]
Dans ce contexte de tensions, le Qatar s’est mobilisé pour secourir son allié turc, comme en témoignent les déclarations de soutien exprimées par l’émir du Qatar, Tamim bin Hamad Aal Thani, et d’autres officiels qataris, ainsi qu’une aide économique de 18 milliards de dollars (15 milliards de dollars d’aide et une ligne de crédit de 3 milliards de dollars). La mobilisation du Qatar pour venir en aide à la Turquie dans son conflit avec les Etats-Unis s’est également exprimée dans des articles et des éditoriaux de la presse qatarie. Aux côtés d’articles soulignant les relations chaleureuses et l’alliance entre les deux pays,[7] d’autres ont mis en exergue l’indépendance de la Turquie à l’égard des Etats-Unis. Ils ont aussi réitéré l’argument turc selon lequel les sanctions économiques font partie d’un complot des Etats-Unis, qui ne sont pas parvenus à nuire à la Turquie lors de la tentative de coup d’Etat de 2016.[8] Certains articles ont fait l’éloge du président turc Recep Tayyip Erdogan pour sa courageuse résistance face aux Etats-Unis, et critiqué les pays qui boycottent le Qatar (l’Arabie saoudite, les EAU, Bahreïn et l’Egypte) qui n’ont pas soutenu Erdogan et se sont même réjouis des problèmes rencontrés par son pays.
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Notes :
[1] Edition.cnn.com, 29 juillet 2018.
[2] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 12 juillet 2018 ; Voanews.com, 18 juillet 2018. Dans ce contexte, le président turc Erdogan a menacé de faire appel à un arbitrage international si les Etats-Unis ne livraient pas l’avion. Voir aussi Raialyoum.com, 29 juillet 2018.
[3] Nytimes.com, 1er août 2018.
[4] CNN.com, NBCnews.com, 4 août 2018. Erdogan a déclaré dans une intervention télévisée le 4 août 2018 : « Aujourd’hui je vais donner pour instructions à nos amis de geler les avoirs en Turquie des ministres de la Justice et de l’Intérieur américains, s’ils en détiennent », mais n’a pas indiqué précisément à quels membres de l’administration américaine il faisait référence. (Middleeasteye.net, 4 août 2018). Le procureur général des Etats-Unis est Jeff Sessions et si les Etats-Unis n’ont pas de ministre de l’Intérieur comme la Turquie, le Secrétaire d’Etat à l’Intérieur est Ryan Zinke et le Secrétaire d’Etat à la Sécurité intérieure est Kirstjen Nielsen.
[5] @realDonaldTrump, The Washington Post, 10 août 2018.
[6] Marketwatch.com, 19 août 2018.
[7] Selon des articles de la presse qatarie, le Qatar fut le premier à apporter une aide à la Turquie lors de la crise actuelle, tout comme la Turquie avait soutenu le Qatar pendant la crise du Golfe, et le soutient encore face au boycott saoudien, émirati, bahreïni et égyptien depuis un an. Ainsi, en juin 2017, la Turquie a envoyé des bateaux transportant des produits alimentaires au Qatar. Aa.com.tr, 22 juin 2017. Pour plus de détails sur la crise du Golfe, voir MEMRI en français, Tollé dans les pays du Golfe suite aux déclarations attribuées à l’émir du Qatar louant l’Iran, le Hezbollah, les Frères musulmans et le Hamas, 28 mai 2017.
[8] Le président Erdogan a déclaré le 12 août 2018 que son pays était victime d’un complot politique de la part de plusieurs éléments visant à obtenir par une guerre économique ce qu’ils n’ont pu obtenir par le coup d’Etat de 2016. Voir Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 12 août 2018.