Par : C. Jacob*
Le 31 janvier 2019, un événement très important s’est déroulé au Liban. Neuf mois après les élections parlementaires, un nouveau gouvernement a été formé, au sein duquel le Hezbollah et ses alliés détiennent une large majorité, suite à des luttes politiques intestines et à des conflits d’influence émanant de l’extérieur du pays, entre l’axe dirigé par l’Arabie saoudite et celui dirigé par l’Iran.[1]
Sur les 30 postes ministériels, dont quatre sont détenus par des femmes, le Hezbollah et ses alliés en détiennent 18, dont trois par le Hezbollah lui-même, y compris le portefeuille important de la Santé, en dépit de la forte opposition américaine. Un autre portefeuille essentiel, celui des Personnes déplacées, par le biais duquel la Syrie cherche à rétablir son influence au Liban, est détenu par des alliés du Hezbollah.
Le Premier ministre libanais Saad Al-Hariri et le camp du 14 mars sont parvenus à accepter ce tournant politique historique et y coopèrent. Ils détiennent actuellement 11 portefeuilles.
Notons que, même si le Hezbollah ne possède que trois portefeuilles, il représente avec ses alliés une large majorité au sein du gouvernement, et a pris le contrôle politique du pays.
Depuis que le gouvernement a été constitué, les membres du camp du 14 mars craignent qu’il s’emploie à contourner les sanctions contre l’Iran et le Hezbollah, ce qui susciterait une vive réaction des Etats-Unis contre le Liban. Les membres du camp du 14 mars présentent le Liban comme ayant perdu sa souveraineté en faveur du Hezbollah et de ses alliés, lesquels, selon eux, contrôlent le pays grâce à l’armement du Hezbollah et le soutien qu’il reçoit de l’Iran.
L’Arabie saoudite également a également exprimé des préoccupations devant la composition du nouveau gouvernement libanais. Toutefois, même si la presse saoudienne s’est montrée très critique à cet égard, et en particulier au sujet de la force « terroriste du Hezbollah », des représentants officiels saoudiens ont salué le gouvernement.
Si les Etats-Unis ont exprimé leur antipathie envers la force politique grandissante du Hezbollah, il est peu probable qu’ils prennent des mesures concrètes. Avant la formation du nouveau gouvernement, les Etats-Unis avaient clairement affirmé leur opposition véhémente à l’attribution du portefeuille de la Santé au Hezbollah, pourtant aucun facteur politique au Liban n’a été capable de l’empêcher. Les Etats-Unis ne seront apparemment pas en mesure de contrôler, ni d’entraver le transfert de fonds du gouvernement au Hezbollah. Ils avaient déclaré dans le passé qu’ils continueraient de soutenir le Liban, car ils veulent renforcer le gouvernement officiel. Mais à présent, le gouvernement officiel est contrôlé par le Hezbollah, qui est désormais responsable de l’Armée libanaise, le ministre de la Défense étant proche du Hezbollah.
Notons qu’en s’emparant du gouvernement par des moyens démocratiques, le Hezbollah a adopté une approche modérée, et a concentré son énergie politique sur la question de la lutte contre la corruption, qui fait l’objet d’un consensus à l’échelle nationale. Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah en personne, a hissé la lutte contre la corruption au même rang que celle contre Israël.
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*C. Jacob est chargé de recherche à MEMRI