Le 6 octobre 2018, un article intitulé « La mission anti-Iran de Macron », signé Mohammed Ghaderi, rédacteur en chef du quotidien du ministère des Affaires étrangères iranien, le Tehran Times, et directeur général des informations étrangères de l’agence de presse iranienne Mehr, a été publié par les deux médias.
Selon Ghaderi, en août 2017, le président Emmanuel Macron aurait conclu un accord secret avec le président des Etats-Unis Donald Trump pour « modifier le contenu du Plan d’action global commun (PAGC) ». Pour preuve de cette politique anti-iranienne, selon Ghaderi, les récentes déclarations de Macron devant l’Assemblée générale des Nations unies. Il a ajouté que la France et les États-Unis « tentent d’obtenir l’isolement définitif de l’Iran dans la région » en encourageant des initiatives néfastes à son programme de missiles et l’annulation du PAGC, et ce en dépit de la déclaration de Macron faisant état de son soutien à l’accord. Il a également observé que les Français seraient derrière « le report [de] la présentation du package de propositions européennes à l’Iran », dans le but de faire pression sur l’Iran pour obtenir un changement de position sur les questions régionales, sur ordre de l’administration américaine. Extraits : [1]
En août 2017, un accord a été conclu entre les présidents français et américain, pour « changer le contenu du Plan d’action global commun ».
Les changements devaient couvrir les quatre questions controversées (le retrait des dénommées clauses d’extinction, l’inspection des sites militaires iraniens, l’inclusion de la capacité balistique iranienne au PAGC et la limitation du pouvoir iranien dans la région).
L’issue de cet accord secret pourrait ainsi être décelée dans les remarques prononcées par le jeune président français, sous forme de « conclusion de l’accord sur le nucléaire ». Même si 14 mois se sont écoulés depuis lors, Macron continue de jouer son jeu anti-iranien sur le terrain de la Maison Blanche. Même des facteurs tels que le retrait des États-Unis de l’accord nucléaire n’ont pas modifié ce processus.
Un examen des discours de Macron devant l’Assemblée générale des Nations unies et une analyse de la teneur de ses propos indiquent qu’il est fortement engagé dans cette mission dangereuse, conçue conjointement par la Maison Blanche et le Palais de l’Elysée. Selon ce plan, Macron est supposé indiquer que « la relance du PAGC » est soumise à des « négociations spéciales avec les États-Unis ». Et la condition préalable à cette mesure est la « tenue de négociations avec l’Iran sur les activités régionales et sur sa puissance balistique ». En fin de compte, les officiels américains et français devraient mettre fin à la capacité régionale de notre pays, au moyen d’un plan conjoint, sans relancer le PAGC, ce qui bénéficierait à l’Iran à certains égards. Dans cette équation, Macron tient lieu de catalyseur. Un examen succinct du discours de Macron devant l’Assemblée générale des Nations unies reflète la même thèse.
Macron est monté sur le podium à l’ONU pour parler de l’accord sur le nucléaire multilatéral avec l’Iran de 2015, avertissant que le non-respect de l’accord serait « irresponsable ». « C’est un bon accord, un accord essentiel à la paix », a déclaré Macron initialement dans son discours devant la 72e session de l’Assemblée générale des Nations unies à New York.
Il a poursuivi : « Qu’est-ce qui permettra de véritablement résoudre la situation en Iran et qu’est-ce qui a déjà commencé à permettre de la stabiliser ? Une approche par la loi du plus fort, la pression d’un seul intervenant ? Non ! Nous savons que l’Iran était sur la voie de la capacité nucléaire militaire. Qu’est-ce qui l’a arrêté ? L’accord conclu à Vienne en 2015. Nous devrions aujourd’hui, comme je le disais il y a un an, non pas exacerber les tensions régionales, mais proposer un programme plus étendu permettant de traiter toutes les préoccupations nucléaires, balistiques, régionales suscitées par les politiques iraniennes, à travers le dialogue et le multilatéralisme. Sans naïveté ni complaisance, mais sans aucune posture, qui s’avèrera certainement inutile. »
Comme nous le voyons, Macron a d’abord tenté d’accroître la flexibilité de nos officiels en « défendant le PAGC », tout en identifiant clairement ses prochaines étapes, y compris les négociations sur les missiles et sur le pouvoir régional de l’Iran. Comme on le voit, il existe une parfaite harmonie entre les deux présidents, des États-Unis et de la France, dans cette équation. Cette harmonie est telle que Macron a reconnu avoir les mêmes objectifs que Trump face à l’Iran, même s’ils n’adoptent pas exactement la même voie pour s’opposer à l’Iran !
L’an dernier, Macron a promis à Trump de jouer un rôle majeur dans la limitation des capacités balistiques et régionales de l’Iran. Même si l’on pensait qu’après le retrait du gouvernement Trump de l’accord nucléaire avec l’Iran, Macron se démarquerait du président des États-Unis, l’insistance de l’Elysée pour limiter la puissance balistique de notre pays et pour affronter les activités régionales iraniennes suggère qu’un tel calcul était erroné.
Il convient également d’observer que les pourparlers secrets tenus entre les ministres des Affaires étrangères américain et français depuis l’an dernier ont abouti à des approches et à des positions différentes des deux parties ! Suite au retrait de Washington du PAGC, Mike Pompeo, secrétaire d’Etat américain, a maintenu des liens étroits avec les Français afin de contrôler la situation et de gérer la crise déclenchée par le retrait de Trump de l’accord sur le nucléaire. Les Français se sont également intéressés à ce jeu ! Même si Macron a défendu à plusieurs reprises le PAGC en général, et qu’il regrette le retrait des États-Unis de l’accord, les autorités françaises achèvent actuellement le même puzzle avec la Maison Blanche. Macron et Trump tenteront d’obtenir l’isolement définitif de l’Iran dans la région.
Indubitablement, la première mesure à prendre face à l’approche conjointe de Washington et de Paris serait de considérer qu’elles ont des stratégies différentes et séparées. Nous devons accepter le fait que, de toute évidence, Paris et Washington poursuivent un même objectif d’opposition à l’Iran, et qu’à l’avenir, nous témoignerons du chevauchement de leurs objectifs et même de leurs méthodes pour affronter notre pays.
Il convient d’observer que les Français ont joué un rôle majeur dans le report de la présentation de l’ensemble de propositions européennes à l’Iran. Le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian a été le premier à annoncer que l’ensemble des propositions de son pays à l’Iran serait reporté ! L’objectif des autorités françaises est très clair. Selon les ordres du Département d’Etat américain, les officiels français devaient modifier l’approche de l’Iran pendant que les sanctions secondaires étaient imposées. Toutefois, un tel rêve illusoire ne se réalisera jamais, et la République islamique d’Iran poursuivra ses objectifs dans la région et dans le monde.
Lien vers le rapport en anglais
Note :
[1] En.mehrnews.com, Tehrantimes.com, 6 octobre 2018. Le texte en anglais a été légèrement modifié par souci de clarté.