Par Tufail Ahmad*

Au cours des mois de septembre et octobre 2017, une controverse importante, déclenchée par des cheikhs musulmans, a éclaté après l’amendement d’une loi visant à réformer les élections dans le pays. L’objet de la controverse était le Formulaire A, soumis aux candidats aux élections. Dans le Formulaire A amendé, les termes “Je jure solennellement” ont été remplacés par “Je déclare”, dans la clause faisant référence à la foi des candidats au Khatm-e-Nabuwwat, ou le caractère irrévocable de la prophétie de Mahomet. Les cheikhs ont forcé le gouvernement à revenir à la formulation originelle, “Je jure solennellement” dans la Loi électorale de 2017, finalement adoptée le 5 octobre.[1]

Le Khatm-e-Nabuwwat (littéralement, le « sceau de la Prophétie ») désigne la croyance au fait que Mahomet était le dernier prophète. En 1974, le dirigeant du Pakistan Zulfiqar Ali Bhutto, soi-disant laïc, a promulgué une loi bannissant les musulmans ahmadis, considérés comme des non-musulmans sous prétexte qu’ils ne croiraient prétendument pas au concept du Khatm-e-Nabuwwat.[2] Cette loi a attisé la haine religieuse contre les musulmans ahmadis au Pakistan. Les musulmans ahmadis disent croire que le prophète Mahomet était le dernier prophète, mais qu’Allah parle aux mystiques – argument reflétant l’opinion même des cheikhs musulmans anti-ahmadis, selon laquelle Allah s’adresse aux mystiques soufis.

Les musulmans ahmadis sont qualifiés de manière péjorative de « Qadianis », selon le nom de la ville de Qadian en Inde, où est né et a prêché leur chef spirituel Mirza Ghulam Ahmad (1835–1908). La haine à l’encontre des musulmans ahmadis, suscitée par la loi de 1974,  fut encore renforcée dans la société pakistanaise par le dirigeant militaire islamiste, le général Zia ul-Haq, en 1984, lorsqu’il a amendé des lois interdisant aux ahmadis d’utiliser leurs symboles religieux, d’appeler leurs lieux de culte des mosquées, de qualifier leur appel à la prière d’azaan, etc.[3] La haine anti-ahmadis s’est tellement exacerbée au Pakistan qu’aujourd’hui, des journalistes ou autres peuvent être arrêtés simplement pour avoir défini les ahmadis comme des musulmans.

Si la Loi sur les élections de 2017 ait été adoptée le 5 octobre, à la satisfaction des cheikhs musulmans au Pakistan, ceux-ci continuent d’organiser de nombreux colloques et séminaires anti-ahmadis, presque quotidiennement. Les médias en ourdou, qui exercent une influence dominante sur l’opinion publique, regorgent de déclarations haineuses de cheikhs islamiques et de politiciens pakistanais contre les musulmans ahmadis, tant avant qu’après l’adoption de la nouvelle loi électorale. Des cheikhs musulmans de tout le Pakistan ont ainsi tenu un colloque de deux jours, les 19 et 20 octobre 2017, sur la question du Khatm-e-Nabuwwat.

Le présent article examine les débats de cette conférence, et notamment les déclarations des cheikhs islamiques. Cet article se base principalement sur les médias en ourdou.

*Tufail Ahmad est chargé de recherche pour le projet Islamism and Counter-Radicalization Initiative de MEMRI.

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