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Le directeur du projet Réforme dans le monde musulman de MEMRI, Mansour Al-Hadj, a évoqué les récentes arrestations de militants des droits de l’homme en Arabie saoudite. Al-Hadj a déclaré que l’absence de réformes politiques sous la domination du prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman avait déçu ceux que son accession au pouvoir avait remplis d’espoir. Al-Hadj a critiqué le maintien en détention des prisonniers politiques et déclaré que le nouveau droit de conduire accordé aux femmes était « une formalité » car « l’Arabie saoudite ne pouvait plus justifier [ces interdictions] ». L’interview a été diffusée sur la chaîne télévisée Al-Hurra (États-Unis) le 31 juillet 2018. Extraits :
Animateur : Dans un article intitulé « Voici ce que je ferais si j’étais Mohammed Ben Salman », que vous avez publié sur alhurra.com, vous avez affirmé que si vous étiez le prince héritier saoudien, vous prendriez certaines mesures. D’abord, vous avez dit que vous libéreriez tous les prisonniers et détenus politiques, arrêtés pour avoir exigé des réformes politiques en Arabie saoudite.
Mansour Al-Hadj : Il s’agissait d’une proposition visant à tourner une nouvelle page en Arabie saoudite, fondée sur l’hypothèse que tout le monde a des droits et des devoirs. Tout le monde a le droit de jouer un rôle dans la construction du nouveau royaume. La plupart des militants saoudiens des droits de l’homme étaient optimistes lorsque Mohammad Ben Salman a accédé au pouvoir. Mais malheureusement, au lieu de libérer les prisonniers politiques, il a augmenté leur nombre.
C’est la première fois que le nombre des prisonniers [politiques] en Arabie saoudite est si élevé, et ils comprennent des personnalités bien connues de la société, dont certaines sont les plus compétentes, les plus capables et les plus dévouées à leur pays.
Animateur : Les autorités saoudiennes disent que ce sont des mesures légales, conformes à la loi saoudienne, et [prises] à la lumière de ce qu’elles considèrent comme des violations de la loi.
Mansour Al-Hadj : Non. Les détentions ne sont absolument pas conformes à la loi. Comme l’a dit mon collègue Al-Dubeissi, le lieu de détention de la plupart des prisonniers est inconnu même de leurs familles. Ils ne sont pas autorisés à engager des avocats, et ils ignorent les chefs d’accusation qui leur sont reprochés. Ce sont des arrestations arbitraires. Il est possible que des personnes soient détenues pour interrogatoire, mais elles ne sont pas [officiellement] emprisonnées et jugées, et nous ignorons ce qu’elles sont devenues. Ce sont des violations des droits de l’homme. […]
Mohammed Ben Salman a accédé au pouvoir, mais il ne s’est engagé à faire aucune réforme politique. Tout le monde parle de réformes économiques et sociales, mais je pense que les réformes politiques sont plus importantes. La participation des citoyens à la construction de leur pays est également une question très importante. […]
Jusqu’à il y a quelques mois, l’Arabie saoudite était le seul pays au monde qui n’autorisait pas les femmes à conduire des voitures. Alors de quoi parle-t-on ici ? Même dans les zones contrôlées par le Front Al-Nusra ou Hayat Tahrir Al-Sham, les femmes sont autorisées à conduire des voitures…
Animateur : Les choses commencent tout juste à bouger. Un changement substantiel a commencé à se produire, mais les choses se passent graduellement.
Mansour Al-Hadj : Ce ne sont que des formalités. L’Arabie saoudite ne pouvait plus défendre [ces interdictions]. Dans le passé…
Animateur : Excusez-moi, quand vous dites « formalités »… Depuis des années, vous dites que les femmes en Arabie saoudite n’ont pas le droit de conduire, mais quand elles sont finalement autorisées à conduire, vous appelez cela une formalité ?
Mansour Al-Hadj : C’est en effet une formalité, car l’Arabie saoudite ne pouvait plus défendre la privation faite aux femmes de l’un de leurs droits humains fondamentaux. Il lui était devenu de plus en plus difficile de le justifier. Selon moi, l’Arabie saoudite n’a aucune raison de se réjouir ou de célébrer. Les Saoudiennes devraient être indemnisées pour toutes les années au cours desquelles les autorités saoudiennes ne leur permettaient pas de conduire. Les Saoudiens appellent à de véritables réformes, telles que la liberté d’expression. Il y a des détenus…
Animateur : Mais pourquoi ne voyons-nous pas des manifestations dans lesquelles ces revendications sont exprimées ? Lors du prétendu « Printemps arabe » – quel qu’en soit le résultat dans certains pays – les gens sont descendus dans la rue et ont réclamé des réformes. Pourquoi ne voyons-nous pas cela en Arabie saoudite ? Est-ce qu’ils essayent, et sont empêchés, ou peut-être sont-ils satisfaits de la situation actuelle et souhaitent-ils éviter le même sort que dans certains pays du Printemps arabe ?
Mansour Al-Hadj : Les autorités saoudiennes arrêtent des gens simplement en raison d’un tweet, ou, comme dans le cas du Dr Salman Al-Ouda, pour s’être abstenus de montrer leur soutien. Par conséquent, les manifestations sont hors de question. Les manifestations sont totalement interdites. Lorsque des manifestations se sont tenues dans la province orientale, à Al-Awamiyah et ailleurs, des balles réelles ont été utilisées pour les disperser. En 2011, les jeunes sont descendus dans la rue et ont revendiqué leurs droits, mais ils ont été réprimés. Même ceux qui manifestent pour Gaza sont arrêtés.