Par N. Mozes*
Depuis que le régime syrien et ses alliés, l’Iran et la Russie, ont repris le contrôle du sud de la Syrie en juillet 2018, des informations de plus en plus nombreuses publiées par des sites opposés au régime font état d’une présence accrue de forces pro-iraniennes dans la région et notamment près des frontières entre la Syrie, Israël et la Jordanie. Ainsi, ces forces seraient présentes à 5 km seulement de la frontière israélienne, ainsi qu’au poste-frontière de Nasib à la frontière syro-jordanienne. Si ces informations se révèlent exactes, elles démentent les affirmations d’officiels russes, y compris du ministre des Affaires étrangères Sergei Lavrov, selon lesquelles les forces iraniennes et pro-iraniennes se seraient retirées à une distance de plus de 100 km de la frontière israélienne.[1] Ce ne serait pas la première fois que des déclarations russes concernant la présence de forces pro-iraniennes dans cette région ont induit en erreur. Une telle présence a également été constatée au sud de la Syrie, lors de la campagne du régime visant à reprendre le contrôle de cette région, en dépit des accords conclus auparavant entre la Russie, Israël et la Jordanie.[2]
Selon des informations publiées sur des sites web d’opposition au régime, la Russie tenterait de prendre des mesures pour réduire cette présence, mais il semblerait que ces mesures soient limitées. Les informations faisant état d’une présence croissante des forces pro-iraniennes, contrairement aux déclarations de la Russie, mettent en doute la capacité ou le désir de cette dernière de remplir ses obligations.
Prendre pied au sud de la Syrie est depuis longtemps un objectif stratégique de l’Iran et du Hezbollah. La guerre en Syrie leur a donné l’occasion de s’y déployer, sous prétexte de défendre le régime syrien et sous couvert du chaos régnant dans la région. Pendant toute la durée de la guerre, MEMRI a fait état des efforts de l’Iran visant à y consolider sa présence,[3] efforts qui se sont intensifiés depuis juillet 2018 et qui ont été entrepris tant sur le plan militaire – constitution de forces, recrutement de locaux et construction des bases dans la région – que sur le plan civil, par le biais d’activités de reconstruction, de charité et de prédication.
Le présent document examine les récentes informations publiées par des sites opposés au régime concernant la présence de forces pro-iraniennes au sud de la Syrie et les efforts de la Russie pour empêcher leur enracinement.
Présence et activité militaire
Selon les informations des sites anti-régime, les forces pro-iraniennes opérant au sud de la Syrie, ouvertement et secrètement, incluent la brigade chiite irakienne Al-Imam Al-Hussein et la brigade Abou Al-Fadl Al-Abbas, ainsi que la Division Al-Radwan, force d’élite du Hezbollah. Pour des raisons logistiques et afin de masquer leur présence, ces milices sont déployées dans des bases de l’armée syrienne et sont incorporées à ses forces, portent des uniformes de l’armée syrienne et brandissent le drapeau syrien. Selon Fattah Hassoun, officiel de l’opposition syrienne, des membres des milices ont été intégrés à la Quatrième Division et à la Garde républicaine du régime. [4] Il a également été rapporté que le Hezbollah, en coopération avec le régime syrien, s’emploie à émettre des cartes d’identité syriennes pour ses agents.[5]
Ouest de Daraa
Le site d’opposition baladi-news.com a rapporté le 1er novembre 2018 que, contrairement aux accords conclus entre la Russie, Israël et la Jordanie, « les Iraniens se déplacent en toute sécurité entre leurs zones de Damas et ses environs et sont revenus au sud de la Syrie ». Selon le site, les forces iraniennes et pro-iraniennes sont déployées le long de la frontière israélienne et dans des bases de l’armée syrienne au sud de Damas, et dans la région rurale de Daraa. Ceci en sus des bases établies par ces forces entre 2013 et 2018, dans la région connue sous le nom de « triangle de la mort » entre Rif Dimashq, Quneitra et Daraa.[6]
Le site a énuméré les localités où les forces iraniennes et pro-iraniennes sont présentes : Daraa, Khirbet Ghazaleh, Al-Baath, Khan Arnaba, Quneitra, Tal Al-Shayer, Tal Al-Shahem et Tal Mari.[7] Un autre site d’opposition a rapporté que le Hezbollah maintient depuis quatre ans des bases militaires et d’entraînement près des villes d’Izra, Qarfa et Namer, ainsi que des positions à 5 km seulement de la frontière israélienne. En outre, depuis que le régime a repris le contrôle du gouvernorat de Quneitra, des forces iraniennes déployées dans la base militaire d’Abou Diab à Tal Al-Hara et dans les quartiers d’Aqrab et d’Al-Tayha ont creusé des tunnels et des bunkers pour dissimuler leur activité.[8] Le quotidien Al-Quds Al-Arabi a rapporté que des forces pro-iraniennes sont également déployées dans la région de Deir Al-Adas, à quelque 15 km de la frontière israélienne.[9]
Lire la suite du rapport en anglais
* N. Mozes est chargée de recherche à MEMRI
Notes :
[1] Sputniknews.com, 28 septembre 2018.
[2] Voir MEMRI Inquiry & Analysis No. 1408, Contrary To The Understandings Reached With Russia, Iranian And Iran-Affiliated Forces Are Participating In The Fighting In Southern Syria, 19 juillet 2018 ; Special Dispatch No. 7581, Hizbullah Officials: We Haven’t Withdrawn From Southern Syria; The Power Balance Has Shifted In Favor Of Assad And His Allies, 23 juillet 2018.
[3] Voir MEMRI en français, Le président du conseil d’administration d’un quotidien libanais pro-Hezbollah : le Hezbollah a créé une infrastructure de résistance dans le Golan syrien avec l’aide de résidents locaux, 6 mai 2015 ; Inquiry & Analysis No. 1138, Following Killing Of Hizbullah Operative Jihad Mughniyah, New Information Comes To Light Regarding Hizbullah, Iranian Activity In Syrian Golan On Israeli Border, 28 janvier 2015 ; De la Méditerranée au Golan à la frontière israélienne, l’Iran érige un front dissuasif incluant des Gardiens de la Révolution dans une logique d’élimination du régime sioniste, 18 février 2015 ; L’Iran resserre son emprise sur la Syrie en utilisant les forces syriennes et étrangères, 11 mai 2015.
[4] Al-Quds Al-Arabi (Londres), 17 août 2018.
[5] Voir MEMRI en français, Sites syriens anti-Assad : Des millions d’Iraniens et des membres du Hezbollah naturalisés syriens pour modifier la démographie du pays et occulter la présence de combattants, 25 novembre 2018.
[6] Le quotidien libanais Al-Mudun, opposé au Hezbollah, a fait état de la présence de ces bases le 12 février 2017.
[7] Baladi-news.com, 1er novembre 2018.
[8] Stepagency-sy.net, 26 novembre 2018.
[9] Al-Quds Al-Arabi (Londres), 17 août 2018.