Par Yigal Carmon*

A l’occasion du 24e anniversaire des Accords d’Oslo, MEMRI a mis en ligne un article publié en 1994 par le président fondateur de MEMRI, Yigal Carmon, dans le magazine américain Commentary. Cet article révèle l’histoire jamais racontée des Accords.[1]

L’accord conclu [en août 1993] à Oslo entre Israël et l’OLP, puis signé (avec quelques modifications) sur la pelouse de la Maison Blanche un mois plus tard [le 13 septembre 1993], a été négocié dans le plus grand secret. A ce jour, l’histoire qui se cache derrière ces accords n’a été relatée que de manière sélective et uniquement par leurs participants et leurs partisans, qui le considèrent comme une percée historique triomphale. Mais une image très différente émerge lorsque l’histoire est racontée de manière plus exhaustive, comme j’entends le faire ici.

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Oslo ne fut en aucun cas le lieu premier où des officiels de l’OLP rencontrèrent des Israéliens. A partir des années 1970, des symposiums, conférences et “dialogues”, ouverts ou clandestins, se sont tenus dans plusieurs villes du monde, sous différents auspices organisationnels, semi-officiels, voire sous l’égide de l’ONU, en général avec la participation du pays d’accueil. Avec le temps, les participants israéliens sont devenus plus audacieux, nonobstant la loi israélienne qui interdisait les contacts directs non autorisés avec des membres de l’OLP. (Cette loi a été abrogée peu de temps après l’arrivée au pouvoir du parti travailliste en 1992.)

Les pays scandinaves ont toujours semblé particulièrement friands d’accueillir les rencontres entre l’OLP, organisation dont ils ont épousé la cause, et les “militants pour la paix” israéliens et Juifs américains pacifistes. C’est à Stockholm qu’un tel groupe d’Américains, incluant Rita Hauser et Menachem Rosensaft, a rencontré Yasser Arafat en 1988, ouvrant la voie au dialogue avec l’OLP, qui a commencé dans les derniers jours de l’administration Reagan.

Ce dialogue a été suspendu lorsqu’Arafat a refusé de condamner l’attentat terroriste de mai 1990, sur une plage proche de Tel-Aviv, par une des principales factions de l’OLP. Washington a été particulièrement contrarié en découvrant que le groupe terroriste avait eu l’intention d’attaquer non seulement des Israéliens, mais aussi l’ambassade américaine. Toutefois, le refus d’Arafat de se désolidariser d’Abou Abbas, dirigeant du groupe terroriste, n’a pas eu les mêmes conséquences pour le “camp de la paix” israélien, que sur le gouvernement américain. Les colombes israéliennes ont continué de rencontrer l’OLP dans le monde entier, avec au moins un grand colloque transformé en programme télévisé d’une heure, largement diffusé par PBS.

Parmi les différents hôtes de ces rencontres, un think tank dénommé FAFO (acronyme norvégien de l’Institut des sciences sociales appliquées) fut remarqué pour son dévouement et son zèle. Au début de l’été 1992, son directeur exécutif, Terje Rod Larsen, a contacté Yossi Beilin, alors dirigeant de l’institut de recherche israélien ECF (Economic Cooperation Foundation) et protégé et confident proche de Shimon Pérès, un des principaux dirigeants du parti travailliste. Larsen a déclaré à Beilin que les Palestiniens étaient fatigués de l’Intifada et disposés à trouver un accord. Si l’élection prochaine amenait le Parti travailliste au pouvoir, l’occasion ne devrait pas être manquée. Beilin a réagi en mettant Larsen en contact avec un ami, le professeur Yaïr Hirschfeld de l’université de Haïfa, fan de l’ancien chancelier autrichien Bruno Kreisky, qui était célèbre pour ses conceptions très optimistes face au conflit israélo-arabe.

Après la victoire travailliste de 1992, Itzhak Rabin est devenu Premier ministre, Shimon Pérès ministre des Affaires étrangères, et Pérès a désigné Beilin comme son adjoint. Larsen – dont la femme était l’assistante du ministre des Affaires étrangères norvégien, Johan Jorgen Holst, tandis que la femme de Holst était pour sa part présidente du FAFO – a alors proposé les services du gouvernement norvégien à Beilin. Holst était connu comme étant “possédé” par l’idée de faire la paix entre Israël et l’OLP. Il ne pouvait trouver d’arrangement plus confortable.

Beilin ne pouvait pas participer officiellement aux contacts directs avec les représentants de l’OLP – qui étaient encore illégaux – mais il a assuré à Larsen qu’Hirschfeld et l’un de ses anciens étudiants, Ron Pundak, universitaire israélien d’origine danoise, pourraient se charger de l’affaire. A cette époque, selon Beilin, il considérait la rencontre comme un exercice intellectuel tout au plus. L’OLP ne prenait pas non plus le tandem Hirschfeld-Pundak très au sérieux – jusqu’à ce que sa porte-parole, Hanan Ashrawi, au domicile de qui ils se rendaient régulièrement, comprenne à quel point ils étaient proches du nouveau adjoint et proche confident de Shimon Pérès. A ce stade, Ashrawi a organisé pour eux une rencontre avec le “Ministre des Finances” de l’OLP, Abou Ala, à Londres, et c’est à partir de là qu’est apparue l’idée de rédiger une proposition d’accord entre Israël et l’OLP. Hirschfeld a suggéré que les rencontres se poursuivent à Oslo, et les gens de l’OLP ont accepté.

Pundak et Hirschfeld ne cessaient de rappeler devant leurs homologues de l’OLP que le gouvernement israélien pouvait les désavouer à tout moment. Mais cela n’a fait que convaincre les Palestiniens que leurs interlocuteurs israéliens représentaient effectivement le gouvernement. De fait, pourtant, pratiquement personne en Israël n’était au courant des discussions. Le seul contact de Hirschfeld et Pundak à l’époque était Beilin, et on ne sait pas très clairement à quel stade ce dernier a rendu compte des pourparlers à Pérès.

Ce qui est certain, c’est que le Premier ministre Itzhak Rabin était totalement ignorant de ces développements, au moins jusqu’en décembre 1992, lorsque les négociateurs d’Oslo sont revenus avec un document qui, selon Beilin, était pratiquement identique à la Déclaration de Principes d’août 1993. Il appelait à un retrait israélien presque total de la bande de Gaza et de Jéricho, lequel devrait être suivi peu de temps après par l’extension de l’autonomie palestinienne à la totalité de la Cisjordanie.

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En ce même mois de décembre 1992, Rabin et le chef d’état-major Ehoud Barak ont décidé de l’expulsion vers le Liban de 415 agitateurs du Hamas et du Djihad islamique. Cette expulsion, qui avait été provoquée par des attaques particulièrement dures et réussies de ces organisations fondamentalistes militantes contre l’armée et la police israéliennes, n’ont pas eu l’effet escompté. L’élan de sympathie pour les terroristes expulsés de la part des médias internationaux et les pressions exercées sur Israël pour les autoriser à rentrer (auxquelles Rabin a rapidement cédé) ont non seulement encouragé le Hamas, mais aussi l’OLP (y compris le Fatah, faction d’Arafat) à poursuivre leurs activités terroristes.

Fin mars, Rabin s’est retrouvé lui-même dans une situation critique. Quinze mois s’étaient écoulés depuis son élection au poste de Premier ministre, et bien qu’il se fût engagé à trouver un accord d’autonomie avec les Palestiniens dans un délai de six à neuf mois, il n’y avait eu aucun progrès dans le processus de paix. Les pourparlers avec les délégations arabes à Washington – entamées par son prédécesseur Itzhak Shamir au lendemain de la conférence de Madrid d’octobre 1991 – avaient été suspendus ; les attaques terroristes accrues avaient fait du “mars noir” de 1993 un des mois les plus sanglants de l’histoire d’Israël ; les expulsés du Hamas étaient devenus des héros populaires et la popularité de Rabin dans les sondages était au plus bas.

C’est à ce moment que Rabin a finalement été informé des négociations d’Oslo. Au lieu de les suspendre, il a donné pour instruction de les poursuivre. Techniquement, cette instruction était une violation des lois en vigueur, qui interdisaient les contacts officiels avec l’OLP, sauf avec l’approbation du cabinet. Aucune approbation n’avait été donnée. Les ministres du gouvernement n’étaient même pas informés des négociations.

Fin avril, Rabin a décidé de tester l’autorité et l’influence des interlocuteurs de l’OLP à Oslo en leur demandant que les représentants officiels de l’OLP ne participent pas aux négociations multilatérales sur les réfugiés devant se tenir (par une pure coïncidence) à Oslo. Sa demande fut rapidement acceptée et il en fut impressionné. Pourquoi impressionné ? La raison n’est pas claire. Il est évident qu’un appel direct du Premier ministre israélien était un signe plus important de reconnaissance pour l’OLP que la présence de ses représentants officiels lors de négociations multilatérales. Néanmoins, Rabin a eu le sentiment que cette réaction était la preuve qu’il avait bien affaire aux échelons supérieurs de l’OLP.

Les médias israéliens et internationaux ont accueilli la concession de l’OLP avec surprise, notamment lorsque les représentants palestiniens sont sortis de la réunion multilatérale le visage rayonnant, et qu’Abou Ala, qui n’y participait pas, a annoncé devant les caméras que c’était un grand succès. La raison de cette allégresse n’était pas seulement la reconnaissance accordée à l’OLP par Rabin, mais le fait que, pour la première fois, un officiel haut-placé du ministère des Affaires étrangères – son directeur général Uri Savir – avait participé aux pourparlers secrets.

Ces pourparlers se sont ensuite poursuivis avec l’accord total de Rabin. A partir de là, ils ont été dirigés par Uri Savir, expert des relations Etats-Unis – Israël (il avait été consul général à New-York) qui savait peu de choses de l’OLP, et par Yoel Singer, membre israélien d’un grand cabinet d’avocats de Washington qui deviendrait par la suite conseiller juridique du ministère des Affaires étrangères. Le secret était total. En sus des négociateurs eux-mêmes, seul Avi Gil, assistant administratif de Pérès, et Shlomo Gur, assistant de Beilin, étaient informés de tous les développements. Pour assurer la confidentialité, ils s’occupaient de la dactylographie, des billets d’avion et autres détails administratifs sans passer par leurs secrétaires. Le fait que rien n’ait fuité dans la presse, notamment au vu des annonces répétées de l’OLP que des réunions avaient lieu à un niveau élevé, est extraordinaire. Le monde, habitué aux tergiversations et aux exagérations de l’OLP, acceptait les démentis israéliens.

Comme l’a rappelé Beilin, à cette époque, tous pensaient encore que l’objet des négociations était de rédiger une proposition qui serait signée par les délégations officielles aux pourparlers de paix de Washington, lesquelles n’incluaient pas officiellement, du côté palestinien, l’OLP. Les Israéliens pensaient obtenir une approbation en coulisse de l’OLP et rien de plus. De fait, le 15 août, cinq jours seulement avant que la Déclaration de Principes soit paraphée à Oslo, Rabin a déclaré lors d’une réunion du gouvernement qu’il espérait que des “éléments israéliens” (euphémisme désignant les ministres du “camp de la paix” et autres politiciens modérés) ne porteraient pas atteinte à la politique de Washington de dissociation de l’OLP.

Le 20 août, à la réception du gouvernement norvégien, Holst et quelques collègues norvégiens ont accueilli Pérès, Gil, Savir, Singer, Hirschfeld et Pundak, qui ont été rejoints par Abou Ala et ses assistants, pour la cérémonie de signature. Les Israéliens étaient venus participer à une des décisions diplomatiques les plus importantes de l’histoire de leur pays sans avoir consulté une seule autorité militaire, un seul officier des renseignements ou un seul expert des affaires arabes. Certes, Rabin lui-même avait vérifié chaque mot (même s’il ne comprendrait que plus tard, comme il le reconnaîtrait publiquement, que le document avait laissé des “centaines” de questions en suspens ; plus tard aussi, il déclarerait que “les formulations légales d’Oslo ne valent rien” et que “ce qui sera décisif, c’est ce qui se passera sur le terrain”).

Des toasts furent portés par Savir, Abou Ala et Holst. Pérès, en visite officielle à Oslo, était sorti furtivement de son hôtel pour la cérémonie, mais demeurait réticent à participer activement à la signature d’un accord avec l’OLP. Savir et Singer ont paraphé le document pour le compte d’Israël ; Abou Ala et un assistant l’ont paraphé pour l’OLP. Hirschfeld s’est vu demander d’ajouter sa signature, en reconnaissance pour sa contribution. Triste coïncidence, ce même jour, neuf soldats israéliens furent tués à la frontière libanaise.

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L’aval donné par Rabin à un accord avec “l’OLP de Tunis”, comme il avait toujours désigné le gouvernement en exil de l’organisation, étonna beaucoup. Mais Rabin, qui avait au début douté qu’un tel accord puisse jamais être trouvé, avait également toujours considéré les contacts avec l’OLP comme utiles. Même pendant la période où il était ministre de la Défense du gouvernement d’unité nationale dirigé par le Premier ministre Shamir, il avait conseillé à celui-ci de laisser la direction palestinienne locale se rendre à Tunis (ce qui était illégal) autant qu’elle le souhaitait. “Ils pensent qu’ils se paient notre tête, mais en vérité c’est nous qui les utilisons pour obtenir le consentement de l’OLP à l’accord que nous devons trouver avec les habitants des territoires. Sans un tel accord, rien ne bougera. Ainsi pourrons-nous obtenir le parrainage de l’OLP sans avoir à accepter la présence officielle de l’OLP ou sa participation à la mise en œuvre de l’accord”.

Mais l’OLP était plus avisée. Cela est devenu rapidement évident, lorsque Rabin a appliqué le même principe au cours des négociations d’Oslo, en annonçant explicitement que “le test de l’accord réside dans sa signature par les délégations aux pourparlers de paix de Washington” – à savoir, pas par l’OLP. Dans un discours devant sa coalition gouvernementale, il a expliqué cette tactique en détail :

“Pendant longtemps, j’ai cru que les habitants palestiniens des territoires finiraient [par négocier] en leur propre nom. Mais après plus d’un an de négociations, je suis parvenu à la conclusion qu’ils ne le peuvent pas… C’est pourquoi les pourparlers [à Oslo] se sont déroulés avec des Palestiniens qui ne sont pas nécessairement résidents des territoires. Mais la signature de l’accord se fera entre les délégations [aux pourparlers de paix de Washington].

Beilin, lui aussi, a rappelé la distinction entre la délégation palestinienne à Washington et l’OLP. Interrogé pour savoir comment Israël pouvait signer une telle déclaration avant que l’OLP ait aboli les clauses de sa Charte appelant à la destruction d’Israël, il a répondu : “La délégation [de Washington] n’est pas l’OLP, aussi la question n’est pas pertinente”. (Cette affirmation était en totale contradiction avec la vieille accusation du parti travailliste selon laquelle le gouvernement Shamir avait ouvert la porte à la participation de l’OLP en négociant avec une délégation qui “représente l’OLP sans en porter le nom”).

L’intention originale, à l’époque, selon Beilin, était de “mettre l’accord sur la table à Washington sans révéler le fait qu’il avait été négocié avec l’OLP à Oslo”. Mais à ce stade, l’histoire a été publiée, sans doute en raison d’une fuite organisée par les Norvégiens à l’approche d’élections parlementaires (le parti de Holst en sortit vainqueur). Ensuite, à la surprise des Israéliens, le chef de la délégation palestinienne à Washington, Haidar Abdel Shafi, agissant clairement en coordination avec l’OLP, a refusé de signer le document. Laissons ceux qui l’ont concocté le signer, a-t-il déclaré.

Interrogé à la télévision israélienne pour savoir ce qui se passerait si Shafi refusait de signer l’accord, Beilin a répondu : “Ne lui accordez aucune attention. Nous trouverons quelqu’un qui le signera”. Mais comme aucun membre de la délégation palestinienne ne voulait signer le document sans autorisation de l’OLP, il n’y avait que l’OLP-Tunis pour le faire. Ce point élémentaire semble avoir échappé à Rabin.

Il était aussi, apparemment, ignorant du fait qu’à la veille de la conférence de Madrid, Faisal Husseini (dirigeant non officiel de la délégation palestinienne qui – en tant que résident de Jérusalem, ne pouvait être considéré négociateur officiel par le gouvernement Shamir) avait informé le Secrétaire d’Etat de l’époque, James Baker, que si un accord était trouvé, seule l’OLP le signerait, et pas la délégation. (Husseini lui-même avait apparemment divulgué cette information au quotidien israélien Ma’ariv.)

Ainsi, Rabin disposait alors d’un document qui ne serait pas signé par les seules personnes qu’il voulait le faire signer : les représentants (certes non élus) des 1,8 million de Palestiniens vivant dans les territoires. Il devait décider s’il convenait de laisser ce “moment historique” s’évaporer ou bien de conclure un accord avec l’OLP-Tunis, organisation qui se considérait elle-même, et qui était considérée par la majeure partie du monde comme le gouvernement en exil de l’Etat de Palestine.

Rabin, ayant manifestement le sentiment d’avoir atteint le point de non-retour, décida de signer. A ce stade, revenir à sa politique originelle aurait signifié qu’ayant enfreint sa promesse de ne pas traiter avec l’OLP-Tunis, il revenait les mains vides. Cela aurait été un désastre politique pour lui en Israël et un prix qu’il n’était évidemment pas prêt à payer.

Pour rendre la reconnaissance finale de l’OLP plus acceptable, toutefois, il insista sur la nécessité de remplir trois conditions minimales, que même les colombes israéliennes les plus convaincues avaient toujours posées comme préalable aux négociations avec l’OLP : la reconnaissance par les Palestiniens du droit à l’existence d’Israël ; la renonciation au terrorisme par l’OLP et l’annulation des clauses de la Charte de l’OLP appelant à la destruction d’Israël.

C’est seulement alors que débutèrent des négociations fiévreuses, et au cours des dix jours qui suivirent, elles semblèrent donner des résultats. Israël et l’OLP allaient se reconnaître mutuellement, Arafat allait s’engager à modifier la charte de l’OLP et l’OLP à renoncer au terrorisme et à le dénoncer. Paradoxalement, si Shafi avait accepté de signer [l’accord avec Israël], rien de cela n’aurait été inclus dans l’accord. Mais malgré cela, l’OLP, qui avait déjà atteint ce qu’elle voulait – à savoir, la reconnaissance par Israël – ne donna pas à Israël tout ce qu’il réclamait.

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Ainsi, Israël demandait que la charte de l’OLP soit déclarée “caduque”. L’OLP accepta seulement une déclaration selon laquelle les clauses incriminées seraient “désormais privées d’effet et de validité”. La différence était subtile, mais suffisante pour faire de ce qui devait être un rejet déclaré une déclaration considérée, côté palestinien, comme une simple constatation.

Israël demandait aussi la cessation de la “lutte armée” – euphémisme habituel de l’OLP désignant les activités terroristes, sanctifiées comme un moyen sacré de parvenir à une fin sacrée. L’OLP refusa catégoriquement, et eut gain de cause. Elle rejetait tout aussi catégoriquement la demande israélienne de déclarer la fin du soulèvement, que l’OLP qualifiait “d’Intifada bénie”. (Une source haut-placée de l’OLP avait déclaré au quotidien israélien Haaretz que les Israéliens n’avaient pas même exigé la fin de l’Intifada, mais seulement de ses manifestations les plus violentes).

Pérès insista pour que les lettres de reconnaissance mutuelle échangées par Arafat et Rabin incluent l’engagement d’Arafat à appeler le peuple palestinien à ne pas recourir au terrorisme. Mais Pérès était persuadé qu’il serait inconvenant pour Arafat de s’adresser à son peuple par le biais d’un accord avec Israël. Au lieu de cela, la promesse d’un tel appel fut incluse dans une lettre au ministre norvégien des Affaires étrangères, Jorgen Holst (qui devait décéder quatre mois plus tard).

La lettre de reconnaissance adressée par Arafat à Rabin contenait également un engagement à punir les membres de l’OLP qui n’obéiraient pas à l’injonction de suspendre toute activité terroriste. Cela était exigé non pas par les Israéliens, mais par le Secrétaire d’Etat Warren Christopher, qui pensait avoir besoin de cet engagement pour faire abroger l’interdiction [des contacts] avec l’OLP par le Congrès. (Une curieuse tentative de dernière minute pour obtenir le parrainage américain de l’accord fut réalisée par Pérès lors d’un bref voyage aux Etats-Unis. Mais Christopher rejeta poliment la demande israélienne. “Les Norvégiens sont les sponsors”, affirma-t-il à la presse).

Une fois que le comité exécutif de l’OLP eut approuvé la Déclaration de Principes, elle dut être signée par Pérès et Abou Mazen au Département d’Etat à Washington. Mais l’OLP y vit l’occasion de faire inviter Arafat à la Maison Blanche. L’administration Clinton, avide de succès en politique étrangère, se jeta sur l’idée avec empressement. Au lieu de permettre à Pérès de conduire la délégation israélienne, elle proposa d’inviter Rabin. Ce dernier refusa tout d’abord. Mais lorsque Christopher l’appela (à six heures du matin le shabbat), il changea d’avis. Cela permit à Arafat – qui était alors encore considéré comme un terroriste recherché aux Etats-Unis – de faire à Washington une entrée de chef de gouvernement. Arafat n’était sans doute pas préparé à voir les Etats-Unis accepter l’idée avec un tel empressement. Son avion, cadeau de Saddam Hussein arborant encore les couleurs irakiennes, dut être en hâte repeint aux couleurs de l’Algérie, car les avions irakiens étaient interdits aux Etats-Unis.

A six heures du matin le 13 septembre, Ahmed Tibi – gynécologue arabe israélien qui était également conseiller politique d’Arafat (exemple frappant de double allégeance) – fut réveillé par un appel de son chef. “Je n’ai pas dormi de la nuit”, lui dit Arafat. “Si l’OLP [au lieu de la délégation officielle à Washington] n’est pas nommée comme représentante de la partie palestinienne à l’accord, je ne signerai pas”.

Informé de l’ultimatum d’Arafat, Pérès menaça tout d’abord de quitter Washington. Mais en quelques minutes, selon Tibi, un “compromis fut trouvé” : Abou Mazen écrirait “OLP” sur le document où figurait l’expression “délégation palestinienne”. Selon le récit de Tibi, lorsqu’Arafat apprit que Pérès avait accepté ce “compromis” – en réalité, une capitulation – il fut incrédule. “Es-tu certain qu’ils acceptent?” demanda-t-il à Tibi. “L’homme [Pérès] est à côté de moi”, rétorqua Tibi. “Alors je t’embrasse sur la tête”, répondit Arafat, et Tibi s’empressa d’aller s’habiller pour la cérémonie.

Les Israéliens avaient reçu la promesse qu’Arafat ne porterait pas d’uniforme militaire et ne porterait pas d’arme pendant la cérémonie. Il avait embarqué dans un avion à Tunis, portant un uniforme, armé, mais à la Maison Blanche il apparut sans son arme. L’uniforme était toujours sur lui. Les Israéliens le qualifièrent de “costume vert”.

Le résultat fut que, prêt à tout pour obtenir ce qui serait perçu comme un succès, Rabin était devenu une proie facile. En laissant les négociations s’embourber et en refusant à Israël un partenaire désireux de signer un accord, Arafat avait amené Rabin à transgresser les anciens tabous et à franchir toutes les lignes rouges. Il avait aussi amené Rabin à accepter des promesses qui seraient oubliées sitôt prononcées.

Ainsi, déçu par le refus de l’OLP de proclamer la fin de la “lutte armée” et de l’Intifada, les officiels israéliens expliquèrent ce refus comme découlant du besoin d’Arafat de “sauver la face” ; les engagements pris envers Holst, soutinrent-ils, signifiaient en effet la fin totale de la violence. Pourtant, dans de nombreux messages de l’OLP dans les territoires, culminant dans un appel aux activistes de Gaza en janvier 1994, Arafat promettait que l’Intifada “continuerait et continuerait encore”. Et de fait, après la signature de l’accord, on n’assista à aucun relâchement de l’Intifada ou du terrorisme.

De nouveau, dans sa lettre à Holst, Arafat promit qu’il lancerait son appel contre la violence dès que la Déclaration de Principes serait officiellement signée. Non sans raison, les Norvégiens, les Américains et les Israéliens attendaient tous de lui qu’il le fasse dans son discours à la cérémonie de signature à la Maison Blanche. Attendant de lui qu’il prononce les mots magiques, Ehud Ya’ari, commentateur de la télévision israélienne qui couvrait l’événement, saisissait chaque pause dans le discours d’Arafat pour annoncer : “A présent il va dénoncer le terrorisme… à présent il va dire… à présent il ne lui reste plus qu’à dire…” C’est seulement après le dernier paragraphe du discours que Ya’ari se rendit à l’évidence : “Il ne l’a pas dénoncé”, avoua-t-il, abasourdi.

Arafat refusa également de fixer une date pour mettre en œuvre les changements de la charte de l’OLP qu’il s’était engagé à réaliser. Il ne paraissait pas non plus probable que la majorité des deux tiers nécessaire soit trouvée au sein du “parlement” de l’OLP, le Conseil national de la Palestine (CNP), pour ratifier de telles modifications. Et dans tous les cas, Arafat lui-même continuait d’affirmer qu’il n’avait pas l’intention de faire modifier la charte. Comme l’exprima son collègue, Ziad Abou Zayyad : “Nous demander d’abolir des parties de la charte équivaudrait à vous demander d’abolir la Bible. »

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Arafat était suivi par les médias pendant toute la journée de la signature. Ce qu’ils s’abstinrent de dire était qu’il s’était adressé au peuple palestinien à la télévision jordanienne, le même jour. Dans son discours, il ne mentionna ni l’arrêt du terrorisme, ni la paix ou la coexistence avec Israël. Au lieu de cela, il décrivit l’accord signé comme la première étape du “plan de 1947” – connu par tous les Arabes comme désignant le “plan par étapes” en vue de la destruction d’Israël.

Il n’avait pas besoin de donner plus de précisions, sachant qu’il serait compris des siens. Le tremplin que l’accord venait de lui offrir allait lui ouvrir la voie très rapidement à la création d’un Etat palestinien indépendant à Gaza, en Judée et en Samarie avec Jérusalem pour capitale ; et cela faciliterait la poursuite du combat pour le “droit au retour” d’un à deux millions de Palestiniens dans les frontières d’’Israël d’avant 1967, qu’ils considéraient toujours comme leur patrie.

Pourtant, aucun gouvernement israélien, pas même le plus à gauche ou le plus modéré, ne pourrait accepter un tel résultat. Et, malgré la disposition de l’accord prévoyant une période intérimaire d’autonomie, l’OLP n’avait aucune intention d’attendre la pleine souveraineté ou de se contenter de moins que cela. Ainsi, selon toute probabilité, l’accord allait voler en éclats dès les premières phases, en réduisant à néant les attentes irréalistes qu’il avait fait naître imprudemment des deux côtés, suscitant l’amertume et la colère des Israéliens comme des Palestiniens, en conduisant non à la paix mais à une confrontation sanglante à grande échelle.

* Yigal Carmon est le Président Fondateur de MEMRI.

Lire l’original en anglais

[1] Commentary (U.S.), 1er mars 1994.

 

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