Trois événements survenus dans les pays du Golfe la semaine dernière reflètent le processus de normalisation en cours entre ces pays et Israël. Le 26 octobre 2018, le Premier ministre israélien Binyamin Netanyahou s’est rendu en visite à Oman, accompagné par le chef du Mossad. La visite a été largement couverte par les médias locaux. Le ministre omanais des Affaires étrangères, Youssef bin Alawi, a déclaré à plusieurs occasions qu’Israël est un pays du Moyen-Orient qui devait être accepté à ce titre.
Le 25 octobre, la ministre israélienne de la Culture et des Sports Miri Regev est arrivée à Abou Dhabi pour y rejoindre l’équipe de judo israélien, participant au Grand Chelem de judo d’Abou Dhabi. Si des Israéliens avaient déjà participé à cette compétition, c’était la première fois que leurs symboles nationaux étaient autorisés à être exposés. L’hymne national israélien a même retenti à deux reprises, lorsque les judokas israéliens ont remporté deux médailles d’or. Durant son séjour dans le pays, la ministre Regev s’est rendue à la mosquée Sheikh Zayed, qui porte le nom du fondateur des EAU.
La semaine précédente, une équipe de gymnastique israélienne avait participé aux 48e Championnats du monde de gymnastique artistique à Doha, au Qatar, sous le pavillon israélien.
La visite du Premier ministre Netanyahou à Oman s’est tenue quelques jours après une visite similaire du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Le ministre des Affaires étrangères Bin Alawi a déclaré que la visite de Netanyahou était destinée à présenter aux Israéliens des idées pour renouveler le processus politique avec les Palestiniens, tout en soulignant que son pays n’a aucune intention de tenter de servir de médiateur, rôle réservé aux Etats-Unis. Suite à la visite de Netanyahou à Oman, les Omanais ont envoyé plusieurs messages à Abbas à ce sujet.
Le 28 octobre, l’envoyé spécial du sultan d’Oman, Qabous, Salim bin Habib Al-Omeiri, est arrivé à Ramallah, porteur d’une lettre pour Abbas. Trois jours plus tard, le 31 octobre, Abbas a rencontré le ministre omanais des Affaires étrangères, qui lui a transmis un « message direct » du sultan. Le quotidien saoudien situé à Londres Al-Sharq Al-Awsat a rapporté qu’Oman souhaite jouer un rôle important dans le règlement des conflits entre les Palestiniens d’un côté et les Américains et Israéliens de l’autre. [1]
En outre, selon certaines sources, la visite de Netanyahou aurait également concerné la question de l’Iran. Le quotidien omanais Oman a rapporté que Netanyahou et le sultan Qabous avaient discuté du lancement du processus de paix et de « plusieurs questions d’intérêt commun au service de la sécurité et de la stabilité dans la région », [2] faisant sans doute allusion à l’Iran.
La visite de Netanyahou est intervenue en parallèle du 14e sommet régional sur la sécurité du « Dialogue de Manama » qui se tenait dans la capitale de Bahreïn, focalisé sur la lutte contre le terrorisme et la menace iranienne.[3] Le député iranien Javad Karimi Qadosi a déclaré être en possession d’informations faisant état de négociations secrètes entre des experts iraniens et américains à Oman. Toutefois, le ministère iranien des Affaires étrangères a démenti ces informations.[4]
Ces événements, et notamment la visite à Oman du Premier ministre israélien, ont suscité de nombreuses réactions dans le monde arabe. La plupart ont paru dans des articles et des caricatures de presse. Les déclarations de dirigeants arabes ont été peu nombreuses. A ce jour, les seuls officiels ayant fait des déclarations sont le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel Al-Jubeir et le ministre bahreïni des Affaires étrangères, Khaled bin Ahmad Aal Khalifa. Lors d’une conférence de presse conjointe en marge du sommet de Manama, Al-Jubeir a exprimé des critiques prudentes de l’accueil réservé à Netanyahou par Oman, affirmant que son pays n’entretient pas de relations avec Israël et que « nous maintenons qu’il n’y aura pas de normalisation en l’absence de processus de paix et de restauration des droits des palestiniens ». Il a souligné le fait que la clé de la normalisation avec Israël réside dans le progrès du processus de paix, fondé sur l’initiative de paix arabe de 2002. [5]
De son côté, son homologue de Bahreïn a exprimé une opinion positive sur la décision d’Oman, affirmant : « Nous n’avons aucun doute sur la sagesse du sultan Qabous. Il s’efforce d’agir pour la paix et d’aider à résoudre le différend israélo-palestinien… » [6] Bahram Qassemi, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, a déclaré que les pays musulmans ne devaient pas laisser l’entité sioniste causer de nouveaux problèmes dans la région, en dépit des pressions américaines.[7] Le chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a souligné le fait que le Hamas poursuivrait sa résistance armée pour rayer Israël de la carte.
Toutefois, en dépit de plusieurs articles faisant l’éloge de la position d’Oman, la plupart des éditorialistes – même ceux des pays qui entretiendraient des contacts avec Israël – ont agressivement condamné tous les récents signes de normalisation avec lui. Cela pourrait indiquer que la normalisation n’est pas facilement acceptée et qu’elle est considérée comme une ligne rouge.
Ceux ayant soutenu l’accueil de Netanyahou par Oman ont accepté la version omanaise des événements, selon laquelle cette décision était destinée à servir les intérêts palestiniens, à promouvoir le processus de paix avec Israël et à mener à la création d’un Etat palestinien. Il a également été avancé qu’Israël s’était révélé un facteur efficace pour freiner l’expansion de l’Iran dans la région.
Les opposants à la décision d’Oman ont affirmé qu’elle était contraire à l’Initiative de paix arabe, qui stipule que toute normalisation dépend de la fin du conflit israélo-palestinien. Ils ont ajouté que cette décision a nui aux intérêts palestiniens et constitue une capitulation face à la volonté américaine d’imposer l’Accord du siècle du président Trump dans la région, en totale opposition à la volonté des peuples arabes. Ils ont également remis en cause la capacité d’Oman à résoudre la question palestinienne, alors que les grandes puissances ont échoué.
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