Les tentatives de pays européens, notamment de la France, de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne, en vue de sauvegarder l’accord sur le nucléaire avec l’Iran, ont suscité des critiques dans la presse saoudienne. Des articles de presse saoudiens accusent ces pays d’être plus désireux encore que l’Iran de maintenir l’accord, ajoutant que leur engagement est motivé par des intérêts économiques, car ils tentent de sortir de la crise qui sévit en Europe.
Selon ces articles, du fait que ces pays sont incapables de se porter garants du comportement militaire ou économique de Téhéran, en préservant l’accord nucléaire, ils mettent en péril la sécurité et la stabilité de la région et du monde entier. L’un des articles appelle même les Etats du Golfe à renoncer à certains de leurs propres intérêts commerciaux et à s’engager à imposer des sanctions aux sociétés européennes qui coopèrent avec l’Iran, afin d’inciter l’Europe à changer de politique vis-à-vis de l’accord sur le nucléaire. Extraits :
Un journaliste saoudien : L’Allemagne et la France ne peuvent garantir une bonne conduite de l’Iran ; leur politique risque de déclencher de nouvelles guerres dans la région
Abd Al-Rahman Al-Rashed, ancien rédacteur en chef du quotidien Al-Sharq Al-Awsat et ancien directeur général de la chaîne télévisée Al-Arabiya, écrit :
Le [fait] que les Iraniens continuent de lancer des missiles balistiques sur des villes saoudiennes densément peuplées, par le biais des houthistes, leurs alliés au Yémen, indique la magnitude du danger qui nous menace tous. Malgré la diffusion de la violence organisée par le régime iranien, les gouvernements d’Allemagne et de France proposent de fermer l’œil sur les guerres orchestrées par l’Iran et de maintenir l’accord sur le nucléaire avec celui-ci… Ils vendent leur position pro-iranienne en argumentant qu’elle vise à empêcher le régime iranien de reprendre son développement d’armes nucléaires, et tentent de rationaliser sa politique.
Toutefois, dans le contexte de cette ouverture [envers l’Iran], ni les Allemands ni les Français n’ont la capacité de se porter garants du comportement militaire ou économique de Téhéran. Ensuite, ces pays ont adressé des messages erronés au Guide suprême [Khamenei] indiquant que sa position hostile aux Etats-Unis est juste et qu’il n’est pas tenu de modifier sa politique régionale. Le message que Macron et Merkel ont adressé pourrait mener au chaos et à de nouvelles guerres dans la région…
L’accord sur le nucléaire est le pire accord de l’histoire moderne, et il doit être rectifié. Le Moyen-Orient – malgré ses normes terribles – n’a jamais connu de guerres, de violence et de dangers tels que ceux qui l’ont affecté durant et après la signature de l’accord. L’avenir sera [encore] pire, tant que le régime de Téhéran pensera que les puissances mondiales ont renoncé aux moyens de lui demander des comptes.
Avec sa politique passive, l’Europe cherche à obtenir l’une des deux solutions suivantes : soit laisser les Etats-Unis assumer le joug de la confrontation militaire, soit que les pays de la région s’enflamment. L’Europe [elle-même] est incapable de prendre la décision [de faire] la guerre, et il en est de même pour une action militaire conjointe. [En fait,] sans l’intervention militaire américaine en Bosnie, il est possible que la crise se poursuive aujourd’hui encore en Europe même.
Les Allemands et les Français peuvent-ils nous présenter leur vision d’une solution aux méfaits de l’Iran en Irak, en Syrie, à Gaza, et au Yémen ? Ils ne font rien d’autre que de s’efforcer de vendre des armes. Mais [dans le même temps], ils refusent d’envoyer des forces, des rapports de renseignements ou un soutien logistique, à l’exception d’une force française symbolique en Syrie, qui ne peut être considérée comme apte à créer un changement quelconque sur le terrain. Par conséquent, leur politique favorable à l’Iran vient aux dépens du peuple iranien en colère et des pays de la région, qui ont été transformés en cibles pour l’Iran. Tout ce qu’ils peuvent faire est de se préparer à des guerres à une échelle encore plus grande.[1]
L’Europe veut que l’accord avec l’Iran soit un moyen de surmonter sa crise économique ; l’Iran est le Hitler du Moyen-Orient
Mohammed Al-Saad écrit dans le quotidien Okaz :
Les Européens se sont trompés s’ils espéraient que, une fois intégré dans la communauté internationale, l’accord notoire signé par [le président américain] Obama [avec l’Iran] en leur nom satisferait [l’appétit] mauvais du régime fasciste iranien. L’Iran est une entité révolutionnaire aux multiples facettes qui aspire à créer un Etat dirigé par un imam chiite, qui ne reconnaît aucune frontière et adopte le terrorisme et les guerres par procuration. Il a inauguré son Etat révolutionnaire en 1979, par une guerre à grande échelle contre l’Irak. Ensuite, il s’est tourné vers Bahreïn et l’Arabie saoudite, et aujourd’hui, il commet de vastes massacres au Yémen et en Syrie. Il a également transformé le Liban en sa décharge et en arène [pour atteindre] ses objectifs militaires.
Les objectifs des Européens sont clairs : tirer le maximum de profits des ressources iraniennes, restées inexploitées pendant trois décennies, afin de surmonter la crise économique qui frappe le vieux continent, qui l’a menotté et l’a assailli de dettes importantes et de taux de chômage élevés. Sans l’économie allemande, l’Europe aurait glissé sur une pente infinie de récession et d’effondrement [économique]…
Il était clair à l’époque que la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne désiraient l’accord [nucléaire] plus encore que l’Iran lui-même. La France a fait peser tout son poids derrière celui-ci, dans le but de redonner à [sa compagnie pétrolière] Total la responsabilité de la production et de la fabrication du pétrole et du gaz iraniens. Les Allemands cherchaient des alternatives au gaz russe, qui les avait humiliés, les faisant dépendre du Kremlin. Les Britanniques ont ranimé leurs rêves colonialistes de contrôler la rive orientale du golfe Persique et d’apporter leurs investissements et leurs industries sur le marché iranien.
L’Europe et la gauche américaine, ainsi que le Parti démocrate [américain], infiltrés jusqu’à l’os par le lobby iranien, ont tous exploité la vision naïve d’Obama et son désir de réalisation personnelle, et l’ont poussé à mener le projet de changer l’image de l’Iran. Ils ont récompensé l’Iran pour rien, avec [un prix] qui ne leur appartenait pas.
L’Iran n’est rien d’autre qu’un pays parasite dans la région arabe, et il est inconcevable de le laisser s’étendre sous prétexte d’investissements et de profits du gaz. L’Arabie saoudite n’est pas un obstacle de taille qui peut être évité pour promouvoir [divers] projets. A présent que le projet manqué de [changer l’image de l’Iran] a échoué, nous voyons clairement qui bénéficie et qui est atteint la disparition du festival d’amour irano-occidental. Les peuples du Moyen-Orient, massacrés par le terrorisme iranien, se sentiront certainement plus en sécurité après avoir ébranlé le complot du régime des mollahs iranien et l’avoir dépouillé de ses griffes nucléaires. La diplomatie saoudienne, elle aussi, a remporté une victoire retentissante, car c’est elle qui a brisé les reins de ce projet, sans payer de prix militaire, et c’est elle qui a affirmé dès le début qu’elle n’en ferait jamais partie, qu’elle ne le tolérerait pas ni ne négocierait à son sujet, et c’est [exactement] ce qui est arrivé.
Les perdants seront les propriétaires des sociétés, des banques et des usines occidentales, des producteurs de gaz et de pétrole aux constructeurs automobiles, aux [sociétés] d’infrastructures et [constructeurs] d’avions, ainsi que les accords militaires – qui ont tous compté sur un investissement avec le « Hitler du Moyen-Orient » et dont les investissements sont tombés à l’eau, tandis que Hitler est resté.[2]
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Notes :
[1] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 12 mai 2018.
[2] Okaz (Arabie saoudite), 14 mai 2018.