Dans un éditorial cinglant paru le 22 avril 2019 dans le quotidien syrien Al-Watan, affilié au régime du président syrien Bachar Al-Assad, Rifat Ibrahim Al-Badawi accuse les alliés de la Syrie – la Russie et l’Iran – de faire chacun pression sur la Syrie, aux niveaux politique et économique, pour l’inciter à accepter des propositions politiques menant à la réalisation de leurs propres intérêts, même au détriment du peuple syrien. Selon Al-Badawi, les désaccords, autrefois cachés, entre la Russie et l’Iran sont désormais exposés au grand jour, et les deux pays sont aujourd’hui engagés dans une course frénétique pour transmettre des messages défendant des initiatives divergentes au leadership syrien. Alors que l’Iran tente d’améliorer, voire de raviver, les relations Syrie-Turquie, pour créer une alliance régionale, la Russie s’emploie à rapprocher le régime d’Assad de l’Arabie saoudite et des autres pays arabes, dans le but d’affaiblir l’influence iranienne sur la Syrie et sur l’ensemble de la région.
Al-Badawi écrit que les initiatives russes et iraniennes sont motivées par leurs intérêts économiques, politiques et stratégiques. Il accuse aussi les alliés de la Syrie, notamment la Russie, d’avoir délibérément planifié et créé la crise du pétrole – qui paralyse le pays depuis des semaines – en collaborant avec les adversaires de la Syrie, dans le but de l’amener à accepter leurs propositions. Al-Badawi souligne toutefois que la Syrie examine soigneusement et judicieusement les propositions et qu’elle choisira celle qui est compatible avec ses intérêts et qui préservera son caractère arabe.
Dans ce contexte, il convient d’observer qu’au cours des derniers mois, de plus en plus d’articles, notamment sur les sites d’opposition syriens mais aussi dans la presse arabe et étrangère, ont paru sur les luttes d’influence entre la Russie et l’Iran en Syrie. Chacun s’évertue à renforcer sa propre influence au sein des appareils de sécurité syriens et des milices combattant sur le terrain, tout en affaiblissant l’influence et la présence de l’autre partie. Ces luttes se traduisent par des combats acharnés sur le terrain entre milices pro-iraniennes et pro-russes, qui auraient fait de nombreuses victimes des deux côtés.[1] De même, des informations ont fait état de l’arrestation d’activistes syriens pro-iraniens, tant par les appareils de sécurité syriens agissant sur les ordres de la Russie, que par la police militaire russe elle-même en Syrie.[2] Il a également été rapporté que les changements récemment intervenus au sein des échelons supérieurs des appareils de sécurité étatiques syriens – y compris le remplacement du chef d’état-major – résultaient des pressions russes, et visaient à affaiblir le frère du président Assad, Maher Al-Assad, considéré comme proche de l’Iran, et ses associés, pour les remplacer par des officiels fidèles à la Russie.[3]
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Notes :
[1] Par exemple, en janvier 2019, des luttes de pouvoir ont été signalées à Damas entre les milices pro-iraniennes et pro-russes ; en janvier et février 2019, des combats ont éclaté dans la région de Sahl Al-Ghab, au nord de Hama, entre la Quatrième Division de l’armée syrienne, dirigée par Maher Al-Assad, frère du président considéré comme proche de l’Iran, et le Cinquième Corps, mis sur pied par la Russie et dirigé par Suhail Al-Hassan, réputé pour être un protégé de la Russie. Des informations ont paru en janvier et mars 2019 sur des combats dans la ville de Deraa, au sud de la Syrie, entre des milices pro-russes et pro-iraniennes, tandis que des combats similaires étaient signalés en avril dans la ville d’Al-Mayadin, dans la région de Deir a-Zour et à l’est d’Alep. Baladi-news.com, 20 janvier 2019 ; Al-Quds Al-Arabi (Londres), 21 janvier 2019 ; Orient-news.net, 22 janvier 2019, 23 janvier 2019, 27 février 2019 ; Horanfree.com, 26 mars 2019 ; Aljazeera.net, 19 avril 2019 ; Al-Modon (Liban), 20 avril 2019.
[2] Orient-news.net, 17 février 2019, 6 mars 2019, 11 avril 2019; Syriahr.com., 2 février, 2019.
[3] Al-Modon (Liban), 5 avril 2019 ; Orient-news.net, 8 avril 2019.