Dans une interview accordée le 25 octobre 2017 à l’agence de presse iranienne ISNA, affiliée au courant pragmatique modéré iranien, le porte-parole du Hamas Sami Abou Zuhri s’est étendu sur le sujet des relations de son mouvement avec l’Iran et sur l’accord de réconciliation Hamas-Fatah. Il a affirmé que les désaccords entre le Hamas et l’Iran relatifs au soutien du Hamas à la résistance en Syrie appartenaient au passé, et que l’Iran et le Hamas cherchaient désormais à se rapprocher.

Concernant l’accord de réconciliation intra-palestinien, Abou Zuhri a souligné qu’il ne nuirait pas à la résistance et que le Hamas ne désarmerait jamais. Il a noté que l’objectif du Hamas dans la réconciliation était de libérer du temps pour le consacrer à la résistance, précisant que si le Fatah avait l’intention d’entraîner le Hamas vers un compromis avec Israël, « nous attirerons le Fatah vers la résistance ». Extraits :

Les désaccords entre le Hamas et l’Iran appartiennent au passé

Question : Récemment, vous avez affirmé que les désaccords entre l’Iran et le Hamas appartenaient au passé. Qu’est ce que cela signifie?

Abou Zuhri : L’axe principal dans cette affaire est la question de la Palestine et de la résistance. Les deux parties veulent élargir le champ de leurs relations ; ainsi, les désaccords entre ces [deux] parties sont à reléguer au passé et ont perdu de leur importance. Nous retrouverons les relations chaleureuses que nous avions autrefois. Il n’y a aucun obstacle à cela.

Q : Quelle a été la cause des désaccords ? Certains parlent de changements dans la structure du Hamas et d’un désir d’étendre le champ des relations avec l’Iran.

Abou Zuhri : Il n’est pas important de revenir sur le passé. Nous devons considérer les merveilleuses relations qui existent entre l’Iran et le Hamas [aujourd’hui]. Les développements internes du Hamas et les élections qui ont eu lieu n’ont rien à voir avec la décision de l’Iran et du Hamas de [restaurer] les merveilleuses relations qu’ils avaient autrefois. Comme je l’ai dit, les deux parties cherchent à développer leurs relations. L’une des raisons en est que les ennemis ont redoublé d’efforts pour les attaquer l’un et l’autre, ainsi que la résistance, et [ces considérations] imposent à l’Iran et au Hamas de retrouver les excellentes et merveilleuses relations qu’ils avaient autrefois.

Q : Les récents développements dans la région, y compris le rapprochement entre l’Iran et la Turquie, les incidents entre le Qatar et certains Etats membres du Conseil de coopération du Golfe, et surtout les changements dans l’arène des combats et de la politique en Syrie – dans quelle mesure tout cela a-t-il influencé la décision du Hamas de revenir aux merveilleuses relations qu’il avait naguère avec l’Iran ?

Abou Zuhri : Les deux parties veulent rétablir les relations passées. Comme je l’ai dit, il existe une inimitié accrue de la part des ennemis envers la résistance, envers l’Iran et le Hamas, et ce facteur signifie que les deux parties sont contraintes d’élargir le champ de leurs relations, plus que par le passé.

L’Iran « a souligné que la réconciliation ne doit pas nuire au projet de résistance » ; nous investirons tous nos efforts au renforcement de notre puissance

Q : Comment les responsables iraniens ont-ils perçu la réconciliation nationale Fatah-Hamas ?

Abou Zuhri : Lors de mes rencontres avec des responsables iraniens, ils ont salué et reconnu cette belle occasion de mettre fin aux problèmes, à la douleur et aux souffrances de la population de Gaza, mais ils ont également souligné que la réconciliation nationale ne devait pas nuire au projet de la résistance. C’est aussi ce que nous redoutons, et que Dieu nous préserve de cela.

Q : Certains évoquent la possibilité d’un affaliblissement de la résistance due à la réconciliation nationale, et un eventuel désarmement du Hamas. Quelle est la stratégie [du Hamas] pour empêcher que la résistance ne soit touchée ?

Abou Zuhri : J’assure à tous que, concernant la situation actuelle et future de la résistance, la réconciliation nationale ne nuira jamais à la résistance. C’est pourquoi, après les réunions tenues au Caire, notre première visite officielle a eu lieu en Iran, afin de souligner une fois de plus le fait que nous nous tenons aux côtés de la résistance. Contrairement à ce que certains disent, l’objectif de la réconciliation pour nous est de nous rendre plus disponibles pour nous engager dans la résistance. En réalité, notre objectif dans cette réconciliation nationale est de pouvoir consacrer davantage d’attention à la résistance.

Dans l’arène des combats, la résistance est très forte et peut infliger de sérieux coups à l’ennemi sioniste. Nous mettrons tout en œuvre pour obtenir tous les outils et équipements nécessaires afin de gagner en force et en puissance, de sorte que nous puissions reprendre nos droits des mains des ennemis.

Désarmer le Hamas : un rêve qui ne se réalisera pas ; nous cherchons un plan politique qui mobilisera toutes les forces combattantes contre l’ennemi sioniste

Abou Zuhri : Pendant les pourparlers, aucun sujet appelé « désarmement » n’a été abordé, et cette question n’est pas débattue. Si certains rêvent de désarmer la résistance, nous pouvons briser leurs rêves. Ce sont des rêves qui ne se réaliseront jamais.

Q : Dans quelle mesure le Hamas fait-il confiance au Fatah ? Comment pouvez-vous être certain qu’à l’avenir, le Fatah ne vous obligera pas à rejoindre le compromis [avec Israël] ?

Abou Zuhri : Il continue d’y avoir des désaccords en Palestine. Le Fatah avance dans le processus de compromis et le Hamas dans le processus de résistance. Nous investissons des efforts pour que les deux parties [le Fatah et le Hamas] parviennent à un compromis, dans le but de servir la Palestine. Si le Fatah veut nous entraîner vers un compromis [avec Israël], nous attirerons le Fatah vers la résistance.

Q : Quelles sont les questions sur lesquelles le Hamas et le Fatah peuvent s’entendre ?

Abou Zuhri : Nous voulons un plan politique qui mobilisera toutes les forces combattantes contre l’ennemi sioniste, qu’il soit lié à la résistance ou au processus politique en Palestine.

Q : Selon certains, le Hamas voulait éviter une baisse de popularité dans la bande de Gaza due aux difficultés endurées par la population, et c’est pourquoi il a conclu un accord avec le Fatah – afin de lui transférer la responsabilité des affaires de Gaza, et d’empêcher ainsi une baisse de popularité [du Hamas] auprès de la population de la région [de Gaza].  

Abou Zuhri : Avec l’accord [de réconciliation] Shati de 2014 entre le Hamas et le Fatah, le Hamas a accepté de transférer l’autorité à l’autre partie [le Fatah] et que cette partie assume la responsabilité de [l’administration de] Gaza. Autrement dit, nous n’étions déjà plus responsables de Gaza. Mais l’autre partie [le Fatah] ne s’est pas acquittée de sa responsabilité, et un vide administratif et juridique s’est créé dans la bande de Gaza. Afin de résoudre ce problème, nous avons formé un personnel administratif à Gaza. L’accord récent au Caire oblige le gouvernement de Palestine [le gouvernement de l’Autorité palestinienne] à remplir ses obligations à Gaza et nous soulage du joug de la responsabilité que nous avons été forcés d’accepter par le passé.

Cela n’a rien à voir avec le déclin de la popularité du Hamas. Notre popularité à Gaza est forte et a encore augmenté après la réconciliation nationale. Le gouvernement de Palestine dispose d’un budget pour administrer l’Etat et reçoit de l’aide de la part de différents pays. Par conséquent, il doit prendre en charge les dépenses de la population. Nous n’avons pas de budget [pour cela].

L’un des objectifs de la réconciliation est la levée du siège de Gaza

Q : Avec l’accord de réconciliation, y a-t-il un espoir que dans un proche avenir, le siège de Gaza soit levé ?

Abou Zuhri : L’un de nos principaux objectifs [avec l’accord] était [d’obtenir] la levée du siège de Gaza. Nous déploierons des efforts pour résoudre les problèmes de la population de cette région [Gaza], pour qu’elle puisse avoir une vie normale.

Q : Ces dernières années, le courant takfiri créé qu sein du monde islamique a hissé la question palestinienne au premier rang des priorités du monde islamique et des pays arabes. Aujourd’hui, l’Etat islamique (EI) est vaincu. Y a-t-il une chance que la Palestine redevienne la priorité dans le monde islamique ?

Abou Zuhri : Malheureusement, ces dernières années, le monde islamique a connu les pires des situations, et la question de la Palestine a été écartée. Nous investissons des efforts pour que cette question devienne la priorité, dans la région et dans le monde. Par conséquent, nous avons pris l’initiative de la réconciliation nationale et de l’extension des relations [avec diverses parties].

Q : Des pays comme l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et d’autres pays arabes entretiennent des relations tant ouvertes que secrètes avec le régime sioniste. Devraient-ils accorder la priorité à la Palestine ?

Abou Zuhri : En tant que Palestiniens, notre rôle est de pousser tout le monde dans cette direction, afin que la question palestinienne devienne la priorité. Certains pays font un effort en ce sens, et il y a aussi des pays coupables [de ne pas en faire]. Mais nous nous efforçons d’exercer des pressions, de différentes manières, pour que la question de la Palestine retrouve son statut originel.

Les relations entre l’Iran et le Hamas vont s’épanouir encore davantage à l’avenir

Q : Il semble que par les récentes élections et les changements au sein de la direction du Hamas, ce mouvement s’efforce d’étendre ses relations aux dirigeants de différents pays. Par exemple, nous avons vu récemment que le chef du bureau politique du Hamas Ismaïl] Haniya s’est entretenu au téléphone avec plusieurs hauts responsables des pays du monde islamique.

Abou Zuhri : L’accord de réconciliation nationale résulte d’un désir positif exprimé par la politique et les positions du Hamas. Nous avons chaleureusement accueilli les pourparlers du Caire, et nous avons obtenu des résultats. Nous voulons étendre nos relations, et les autres parties sont arrivées à la conclusion qu’elles doivent avoir le même type de relations [positives] avec le Hamas, avec lequel elles doivent développer leurs liens. C’est le résultat de la bonne foi dont le Hamas a fait preuve.

Q : Que prévoit le Hamas pour l’avenir de la relation Iran-Hamas ?

Abou Zuhri : Je suis confiant quant à l’avenir des relations entre l’Iran et le Hamas ; nos relations ont fait un bond en avant lors de nos récents entretiens avec les hauts responsables iraniens. Ces relations vont s’épanouir encore davantage à l’avenir. [1]

Lien vers le rapport en anglais

Note :

[1] Isna.ir, 25 octobre 2017.

 

 

 

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