Récemment, suite à l’affaiblissement du soulèvement populaire en Iran et la levée par le président des Etats-Unis Donald Trump des sanctions nucléaires contre l’Iran, la presse saoudienne a publié plusieurs articles fustigeant la politique de l’Occident envers ce pays.[1] Ces articles expriment la déception de voir que les pays occidentaux n’ont pas apporté de soutien plus significatif au soulèvement populaire contre le régime iranien. Selon eux, l’Occident a délibérément adopté une attitude passive à l’égard du régime iranien, ignorant son rôle destructeur dans la région et son oppression de la population, malgré les déclarations grandiloquentes sur la nécessité de protéger les droits de l’homme.[2] Ils attribuent cette attitude aux intérêts économiques occidentaux en Iran, cible d’investissements et source de bénéfices. Un article a fustigé l’administration Trump pour la levée des sanctions contre l’Iran, affirmant que les déclarations du président des Etats-Unis n’étaient rien de plus que « du vent » et que les relations de l’Occident avec l’Iran étaient fondées au bout du compte sur des intérêts partagés et sur la coexistence. Extraits :

Le quotidien Al-Riyadh : Le monde est informé du caractère meurtrier du régime iranien mais le défend malgré tout

L’éditorial du 13 janvier 2018 dans le quotidien Al-Riyadh a attaqué l’Occident, accusé d’ignorer les « violations de l’accord nucléaire » par l’Iran et l’oppression de son peuple. Extraits :

La gestion de la question iranienne par l’Occident, tant dans ses aspects humanitaires que nucléaires, étant [fondée sur] les intérêts des pays [occidentaux] en Iran, ils ignorent le rôle destructeur joué par le régime iranien, tout d’abord à l’encontre de son propre peuple, mais aussi à l’égard des pays de la région.

Les pays occidentaux, notamment européens, pensent que l’Iran est engagé par l’accord [nucléaire], alors même qu’ils ont exprimé leur préoccupation concernant d’autres questions, comme le développement par l’Iran de missiles balistiques, la tension dans la région et les récentes manifestations [en Iran], durant lesquelles des dizaines de personnes ont été tuées par les forces de sécurité du régime. Ces préoccupations se sont accompagnées de justifications [de l’inaction des pays occidentaux, à savoir] que [l’Iran] demeure « engagé » par l’accord nucléaire, et que c’est ce qui compte pour ces pays. Quant à l’oppression du peuple iranien, c’est une question différente, qui n’est pas importante [pour eux]…

Le Conseil de sécurité de [l’ONU] a constaté de nombreuses violations iraniennes de l’accord nucléaire, à savoir 63 cas de violations, y compris concernant les droits de l’homme, et une augmentation constante des exécutions,[3] ce qui signifie que les souffrances du peuple iranien en conséquence de l’oppression, de l’injustice et des lois arbitraires adoptées par [le régime] et utilisées contre lui ont atteint un niveau considérable.

Le monde est tout à fait conscient du caractère meurtrier du régime iranien, mais malgré cela, et en dépit du fait que l’Iran s’abstient de respecter de nombreuses clauses de l’accord [nucléaire], certains pays le défendent. Toutes les violations par l’Iran de l’accord nucléaire doivent être traitées comme une question unique, au lieu de les distinguer et d’aborder chaque [violation] comme un cas à part, car le régime iranien exploite ces failles, en particulier celle [que représente] le fossé entre les deux rives de l’Atlantique [à savoir, la disparité entre les positions américaines et européennes sur l’Iran].[4]

Un éditorialiste de renom : L’Occident ne veut pas d’une révolution en Iran, il veut profiter de ses ressources

Dans son éditorial publié dans le quotidien Al-Jazirah, l’éditorialiste de renom Mohammad Aal Al-Sheikh attaque également les pays européens pour avoir soutenu insuffisamment le soulèvement populaire en Iran. Tout ce que veulent ces pays, écrit-il, est d’exploiter les ressources de l’Iran. En conséquence, ils ne veulent pas voir le régime vaciller et cela ne laisse pas d’autre choix pour les pays arabes que d’affronter la menace iranienne par leurs propres moyens. Il écrit :

Je ne pense pas que l’Occident, et notamment l’Europe, se soient montrés suffisamment sérieux dans leur soutien à la récente Intifada iranienne. L’Occident dispose de moyens et de méthodes [même] plus efficaces que l’intervention militaire, et s’il avait employé [ces moyens], le régime des ayatollahs aurait été entièrement détruit. L’Union soviétique, par exemple, s’est effondrée et a disparu sans intervention militaire… La question qui est posée dans ce contexte est de savoir pourquoi l’Occident ne traite pas cet Etat d’élite religieux et impérialiste [l’Iran] de la même manière et en employant les mêmes armes que celles utilisées pour faire tomber l’Union soviétique.

Selon mon estimation, les Européens n’ont pas vraiment l’intention d’éliminer le régime des ayatollahs en Iran, et de renverser ce régime, qui appartient au Moyen-Âge, ne fait pas partie de leurs objectifs. Ils veulent qu’il subsiste, mais sans ses dents et ses griffes – car il possède des armes nucléaires qui peuvent devenir une source de préoccupation pour eux, tout comme la Corée du Nord est une source de préoccupation pour la Corée du Sud, le Japon et les Etats-Unis. Toutefois, éliminer totalement le régime [iranien] les privera d’un terrain fertile pour leurs investissements économiques et les empêchera d’utiliser [l’Iran] comme une source de profits pour l’Occident, en particulier en considérant le fait que ce pays possède du pétrole et du gaz et d’autres ressources économiques, en quantités suffisantes pour faire baver un marchand d’armes – symbole de l’avidité et de l’exploitation dans la mentalité européenne. Cela, en dépit des déclarations trompeuses qu’ils font occasionnellement concernant leur préoccupation pour les droits de l’homme. Leur intérêt pour les droits de l’homme est destiné à des [fins] médiatiques uniquement…

Les Américains différeraient peut-être légèrement des Européens, car ils ont souvent un intérêt pour les questions géopolitiques et stratégiques, qui ont moins à voir avec l’attrait du profit économique – mais ils vont généralement dans cette direction seulement lorsque leur sécurité  nationale et économique se trouve menacée de manière tangible.

C’est pourquoi j’affirme de manière explicite : nous ne devons compter sur personne d’autre que sur nous-mêmes, et nous devons affronter ce danger [iranien], qui menace les frontières orientales du monde arabe et nous y opposer à tout prix. Nous devons compter plus sur nous-mêmes et sur nos propres efforts, et investir dans toute chose qui pourra affaiblir le fragile tissu [social] iranien, [car ce tissu] est composé de [différentes] communautés et ethnies qui peuvent être exploitées pour [garantir que] le régime des ayatollahs se préoccupe de ses affaires internes, et non des questions étrangères. Nous avons sans aucun doute les ressources et moyens financiers et médiatiques de porter gravement atteinte au régime des ayatollahs. En outre, la récente Intifada en Iran a prouvé que [ce régime] fait actuellement face à une forte opposition qui, avec un soutien financier et médiatique, pourrait entreprendre de [renverser le régime] ou du moins le tenir occupé avec les affaires internes. L’histoire a déjà montré que la meilleure défense était l’attaque.[5]

Un éditorialiste de renom : Les menaces de Trump d’annuler l’accord sur le nucléaire ne sont rien de plus que du vent

Khaled Al-Suleiman, éditorialiste du quotidien ‘Okaz, a attaqué la décision de Trump de lever les sanctions nucléaires contre l’Iran et écrit que le silence international entourant le comportement de l’Iran était destiné à servir les intérêts occidentaux. Il écrit :

L’Occident semble coexister avec le régime des ayatollahs, en dépit de l’hostilité mutuelle exprimée par les deux parties depuis la création de la République islamique, et malgré les divergences de valeurs, de principes et d’objectifs de cette république religieuse et des républiques occidentales !

Les relations entre le régime iranien et les gouvernements occidentaux… continuent de se maintenir en tant que relations sensibles, qui doivent être préservées avec soin, prudence et flexibilité, car [l’Occident] se soucie peu de savoir jusqu’où ira l’Iran dans sa rébellion contre l’ordre international, en menaçant la sécurité régionale, en [cultivant] des ambitions nucléaires, en soutenant les organisations terroristes et en intervenant dans les affaires de ses voisins !

Parfois, ces relations paradoxales me semblent difficiles à comprendre, et je n’ai pas d’autre choix que de recourir aux théories du complot. Car rien ne saurait expliquer la manière dont l’Iran parvient à éviter les [sanctions] pour ses violations du droit international, sinon [l’hypothèse] qu’il joue un rôle dans la promotion des intérêts occidentaux !

Les menaces du président des Etats-Unis… de révoquer l’accord sur le nucléaire n’ont engendré [rien de plus] que du vent politique. Rien n’a changé, et le bruit que fait Trump autour de l’Iran est simplement un énorme vacarme pour pas grand-chose. Mais ce qui est notable est la fermeté avec l’Iran s’accroche à cet accord, et ses avertissements au sujet des désastres qui adviendraient s’il était mis en danger. [Cette attitude est particulièrement étonnante en considérant que], lorsqu’il a été approuvé, le Guide suprême iranien Khamenei l’a qualifié d’accord satanique qui viole la souveraineté de l’Iran… La vérité est que le « mariage mut’a » [6]… entre l’Iran et l’Occident rappelle aux pays de la région combien il est important de se montrer prudents, et renforce la détermination des Saoudiens à se montrer fermes face à l’Iran au niveau régional, afin de défendre sa sécurité et ses intérêts… [7]

Lien vers le rapport en anglais 

Notes :

[1] Pour des réactions en Arabie saoudite au soulèvement populaire en Iran, voir Dépêche spéciale de MEMRI n° 7261, Gulf Press Expresses Optimism, Delight At Popular Uprising In Iran, 3 janvier 2018.

[2] Les réactions des dirigeants européens aux manifestations en Iran ont en effet été peu nombreuses et laconiques. Voir MEMRI en français, Soulèvement en Iran 2017-2018 – Suite, 7 janvier 2018.

[3] Référence apparemment aux violations des droits de l’homme en Iran, abordées par la Commission des Droits de l’homme de l’ONU. L’accord nucléaire avec l’Iran n’inclut pas de clause relative aux droits de l’homme.

[4] Al-Riyadh (Arabie saoudite), 13 janvier 2018.

[5] Al-Jazirah (Arabie saoudite), 14 janvier 2018.

[6] Mariage provisoire à des fins de jouissance uniquement, autorisé par l’islam chiite.

[7] ‘Okaz (Arabie saoudite), 14 janvier 2018.

 

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