Le poste-frontière de Nasib entre la Syrie et la Jordanie (également connu sous le nom de passage Jaber-Nasib) est tombé aux mains des factions de l’opposition syrienne en 2015. Depuis lors, il est resté fermé, en partie du fait des préoccupations jordaniennes concernant la présence d’organisations terroristes au sud de la Syrie. Début juillet 2018, après la reprise de la région de Deraa par l’armée syrienne, soutenue par la Russie, par des forces iraniennes et des milices chiites pro-iraniennes, ces factions ont été contraintes de signer un accord avec des officiers russes, sous les auspices de la Jordanie, en vertu duquel elles cédaient le poste de Nasib au régime syrien. Conformément à cet accord, l’armée syrienne a commencé le 7 juillet à se déployer le long de la frontière jordanienne et a pris le contrôle du passage.
La reprise du passage par le régime syrien a provoqué des réactions positives en Jordanie, suscitant l’espoir d’une amélioration de la sécurité à la frontière et de la fin des infiltrations de terroristes sur le territoire jordanien. Il semble qu’en dépit de son soutien à certaines factions de l’opposition syrienne au fil des ans, la Jordanie s’estime plus en sécurité avec l’armée syrienne – acteur étatique ayant désormais le dessus dans la guerre syrienne – contrôlant sa frontière.
Des rapports des dernières semaines indiquent que la Syrie se prépare effectivement à rouvrir le passage, a nommé un commandant pour superviser cette opération, et qu’elle s’apprête également à réparer et sécuriser sa portion de l’autoroute Damas-Amman, qui la traverse. Le 29 juillet, le Premier ministre jordanien Omar Al-Razzaz a déclaré lors d’une réunion avec des industriels : « Alors que la stabilité et la sécurité commencent à revenir en Syrie et en Irak, les postes-frontières de la Jordanie avec ces pays ouvriront et les choses reviendront à la normale. » Ceci dit, à ce jour, le poste-frontière demeure fermé et aucune date officielle n’aurait apparemment été fixée pour son ouverture.
Il semble que les avantages économiques de la réactivation du poste-frontière – la reprise du commerce et des exportations jordaniennes vers la Syrie, le Liban, la Turquie, la Russie et l’Europe – aient amené la Jordanie, qui souffre d’une grave crise économique, à faire preuve d’ouverture envers le régime d’Assad. Cela s’est manifesté dans les déclarations faites du général de brigade Khaled Al-Masaaid, qui dirige le Commandement Nord de l’armée jordanienne, au quotidien gouvernemental Al-Rai le 8 juin, le lendemain de la reprise du passage par le régime syrien. Il a déclaré : « Le contrôle [renouvelé] par l’armée syrienne du poste-frontière de Nasib et de la région longeant la frontière jordanienne aura des implications positives pour les deux pays, sur les plans économique et sécuritaire… La présence de l’armée syrienne réglera les choses, notamment du fait que ce sont les forces armées jordaniennes qui ont récemment sécurisé la région frontalière, tandis que les organisations terroristes contrôlaient [le côté syrien de la frontière]. La reprise [de la frontière par l’armée syrienne] est un développement positif qui servira la sécurité nationale de la Jordanie. »
Des réactions positives à la reconquête par le régime du poste-frontière ont également été exprimées dans les médias jordaniens, tant officiels qu’indépendants. Des articles de la presse jordanienne ont observé que cela permettrait la réouverture du poste-frontière et une amélioration des relations entre la Jordanie et la Syrie, deux éléments présentés comme un intérêt conjoint syrien et jordanien. Les articles ont également suggéré que la réouverture du poste-frontière faciliterait le rapatriement de plus d’un million de réfugiés syriens, résidant actuellement en Jordanie, ainsi que la coopération militaire entre les deux pays et l’amélioration de la sécurité. Certains auteurs ont même cherché à apaiser le régime syrien en affirmant que la Jordanie n’avait jamais pris parti dans la crise syrienne et n’avait jamais considéré le régime Assad comme un ennemi. Beaucoup ont souligné les avantages économiques d’une reprise du commerce et de la possibilité pour la Jordanie de participer à la reconstruction de la Syrie.
Dans le même temps, certaines voix ont averti qu’il était trop tôt pour parler d’amélioration des relations avec la Syrie, cette dernière étant toujours préoccupée par les crises internes, et parce que la décision politique d’améliorer les relations ne dépend pas seulement de la Jordanie et de la Syrie, mais également d’un réseau complexe d’intérêts régionaux et internationaux.
A l’inverse, la presse syrienne a choisi attaquer la Jordanie, l’accusant d’hypocrisie et d’adapter ses positions en fonction de l’évolution de l’équilibre des pouvoirs. Selon des articles publiés dans le quotidien gouvernemental Al-Thawra, la Jordanie a aidé et encouragé les rebelles à détruire la Syrie, mais à présent que le régime l’emporte, elle a changé de discours. Un article a recommandé à la Jordanie de modifier son attitude et de restaurer ses relations avec la Syrie, sous peine de subir les conséquences de ses erreurs.
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