Le 20 décembre 2019, Tariq Ramadan, islamologue français et ancien professeur d’études islamiques contemporaines à l’université d’Oxford, qui a purgé une peine de dix mois de détention dans une prison française en 2018, après avoir été condamné pour viol et agression sexuelle, a mis en ligne sur Internet une vidéo où il se dit conscient de ne pas avoir honoré ses principes et raconte avoir demandé à Dieu de lui pardonner en prison. Il demande à ses coreligionnaires de l’aider dans le « processus de guérison ».
Et d’expliquer que le pouvoir et le système judiciaire français l’ont emprisonné non pour des raisons morales, mais pour mener à bien un « complot » dont l’objectif principal aurait été de détruire sa réputation et de dissuader les gens de l’écouter, lui, musulman occidental portant le message de l’islam. Extraits :
Tariq Ramadan : Oui, j’ai commis une erreur. Je n’ai pas respecté mes principes. Il y a eu des contradictions et je pense qu’il est important de le reconnaître. Et toute l’histoire, tout ce qui s’est passé pendant mon séjour en prison m’a aidé à revenir à l’enseignement essentiel, et je remercie Dieu de m’aider à traverser tout ce processus, le processus de guérison que j’ai traversé, isolé dans ma cellule, demandant à Dieu le pardon et faisant de mon mieux pour me réconcilier avec mes principes.
Je sais que certains parmi vous ont été déçus et choqués. Je pense que dans cette dimension, pour cette question, il est important que chacun d’entre vous ne pense qu’à ce qui s’est passé. Je ne suis qu’un être humain. Ce qui m’est arrivé pourrait arriver à n’importe qui. Et il est important pour chacun d’entre vous d’essayer de comprendre comment je me mesure à tout cela. Comment dois-je traiter quelqu’un qui reconnaît ses erreurs et ses défauts ? […] Ce que je vous demande, c’est de simplement considérer la situation, vous mes frères et mes sœurs, et d’aider au déroulement de ce processus par la prière, les supplications et l’amour. […]
Vous savez, la façon dont j’ai été traité par le système judiciaire français n’a rien à voir avec la question morale, l’enjeu moral. Ils ne se soucient pas de la question morale. Le pouvoir français et toutes les personnes impliquées n’ont que faire de la dimension morale. Ce qui était clair, c’est qu’ils devaient détruire la réputation d’une personne audible en Occident, en France, en Europe, sur le fait d’être musulman. Donc l’essence même de mon message disant « nous sommes des musulmans occidentaux, nous sommes des musulmans américains, des musulmans européens, des musulmans français et nous sommes une valeur ajoutée dans la société, il n’y a pas de contradiction entre nous et la société » – c’était lui la cible. C’est ce qu’ils refusent d’entendre. Ils refusent d’écouter ce message. Et j’étais aux premières lignes de ce message. Détruire ma réputation et faire comprendre qu’il ne faut pas m’écouter, tel était le principal objectif de toute cette affaire. […]
A présent pour en venir à l’affaire, à la manière dont j’ai été mis en prison, la manière dont j’ai été traité. Aujourd’hui, je me fais entendre. Je suis capable de m’exprimer et de dire que ce qui m’est arrivé arrive à tant d’Arabes et de musulmans dans les prisons européennes et dans les prisons françaises, ainsi qu’à des Noirs et à des musulmans dans les prisons américaines. C’est la situation. Et nous devons être clairs sur le fait qu’on a affaire à de la discrimination, de la stigmatisation, du racisme dans toute cette affaire. Et j’ai été un symbole. Me détruire revenait à faire comprendre que si vous voulez vous exprimer, vous devez affronter la réalité. C’est arrivé à Tariq Ramadan aujourd’hui, cela pourrait arriver à n’importe qui demain. A quiconque se fait entendre. Homme et femme, sachez que cela peut arriver. […]
C’était un complot. C’était un coup monté politique. Et cela peut arriver à n’importe qui. Donc le fait que les médias parlent de l’aspect moral, simplement pour neutraliser les musulmans, incapables qu’ils sont de comprendre – car impliqués dans une « évaluation morale » – la dimension politique de tout cela, est doublement dangereux.
Voir les extraits vidéo sur MEMRI TV