Dans le contexte des préoccupations que suscite la présence de forces chiites pro-iraniennes à la frontière entre la Jordanie et la Syrie, [1] et suite à la déclaration de la Ligue arabe du 19 novembre 2017 qualifiant le Hezbollah d’organisation « qui soutient les groupes terroristes dans le monde arabe », Fahd Al-Fanek, éminent éditorialiste du quotidien gouvernemental jordanien Al-Rai, a signé un article faisant valoir que la possession d’armes par le Hezbollah n’était nullement justifiée. L’argument qui veut que le Hezbollah ait besoin de ces armes pour s’opposer à Israël est sans fondement, estime-t-il, car cette organisation n’a pas combattu Israël depuis la guerre de 2006, et car les fermes de Chebaa – mentionnées par le Hezbollah comme l’une des raisons de son hostilité continue envers Israël – se trouvaient en territoire syrien, et non libanais, lorsqu’Israël les a occupées en 1967. Al-Fanek précise que, au lieu de combattre Israël, le Hezbollah sert l’Iran en entraînant le Liban dans des conflits qui ne le concernent pas, en Syrie et ailleurs. En outre, selon lui, ses activités militaires nuisent à la sécurité du Liban et à son économie basée sur le tourisme, et empêchent le pays de fonctionner comme une démocratie. Extraits : [2]
Le secrétaire-général du Hezbollah libanais [Hassan Nasrallah] a confirmé à plusieurs occasions que son parti détenait des armes en raison de l’incapacité de l’armée libanaise à affronter Israël. Le président libanais Michel Aoun l’a redit, voilà un certain temps, lorsqu’il a justifié le [statut] armé du Hezbollah, ajoutant que ce parti armé n’aurait plus de raison de conserver son arsenal une fois que l’armée libanaise serait en mesure d’affronter Israël.
Il s’agit d’un argument sans fondement, pour la simple raison qu’aucune armée arabe existante n’a la capacité de vaincre l’armée israélienne. Cela est vrai de [tous] les pays arabes, grands et petits. Alors comment peut-on attendre du plus petit pays arabe [le Liban] qu’il dépasse Israël sur le plan militaire ? Dans ce contexte, rappelons-nous de l’engagement des présidents américains à maintenir l’avantage d’Israël sur les armées arabes, séparément ou conjointement. C’est pourquoi je me demande quand l’armée libanaise pourra, seule, devenir un rival égal à l’armée israélienne…
« Résistance » est un mot magique qui légitimerait toute action armée. Mais la résistance [contre Israël], si elle existe, ne s’est pas produite depuis 2006, c’est-à-dire depuis 11 ans – et cela car Israël a réussi à rétablir la sécurité au Sud-Liban et a repoussé le Hezbollah vers Beyrouth, où ce dernier a érigé [un nouveau bastion], au sud de Dahia. Une fois établi là-bas, [le Hezbollah] a consacré son énergie à son rôle politique armé, non seulement au Liban mais en Syrie, en Irak et au Yémen, de sorte que l’Iran puisse l’appeler à accomplir des tâches pour son compte.
Le Liban est un petit pays dont l’économie dépend du tourisme et des services, et ses intérêts nécessitent des liens étroits avec les [autres] Etats arabes. Mais le Hezbollah a privé le Liban de sa sécurité et l’a attiré dans les conflits interarabes qui ne servent que les plans iraniens pour la région. Certains disent que les fermes de Chebaa sont un territoire iranien, toujours sous occupation israélienne ; pourtant le Hezbollah n’a rien fait pour les libérer. [Les fermes de Chebaa] auraient certes pu être un territoire libanais, mais la Syrie les a annexées. Lors de la guerre de juin 1967, Israël les a prises à la Syrie, et non du Liban, et [Israël] dit qu’il les restituera à la Syrie une fois que la paix sera établie entre eux.
Dans tous les cas, il n’en demeure pas moins que :
Le Hezbollah est une force militaire subordonnée à un pays étranger.
C’est une organisation communautaire dont les membres sont chiites.
La direction du Hezbollah est une direction religieuse, comme l’atteste le fait que son dirigeant [Nasrallah] est un chef religieux et qu’il est soumis au gouvernement du Juriste-théologien de Qom.
Le Hezbollah est le seul parti armé [au Liban] ; aussi comment les différentes parties peuvent-elles entretenir des [relations] démocratiques alors qu’une [seule] d’entre elles est armée [?]
Le Hezbollah est le véritable dirigeant du Liban. Il contrôle son gouvernement, ses aéroports et ses ports…
Notes :
[1] A ce sujet, voir Enquête et analyse de MEMRI n°1359, Concern In Jordan Over Pro-Iranian Forces On Border.
[2] Al-Rai (Jordanie), 30 novembre 2017.