Dans une émission diffusée le 8 décembre 2019 sur la chaîne Al-Arabiya (Dubaï/Arabie saoudite) depuis Beyrouth, un manifestant chiite de Baalbek-Hermel du nom de Hussein Ali Matar a demandé à être interviewé par la journaliste.

Matar a déclaré qu’il était impossible de trouver un emploi dans sa région si l’on n’avait pas de lien avec le Hezbollah ou le mouvement Amal et que les chiites du Liban mouraient de faim et faisaient les poubelles pour trouver à manger. Il a appelé les responsables de ces mouvements à démissionner s’ils étaient incapables d’aider la population. Il a fait valoir que les détracteurs du Hezbollah étaient systématiquement accusés de trahison et de collaboration avec Israël. Assumant de devoir désormais être considéré comme un traître, il a détruit, devant la caméra, sa carte de membre du Hezbollah qui ne l’avait pas aidé à trouver du travail. Extraits :

Hussein Ali Matar : J’ai demandé à parler au réseau Al-Arabiya pour transmettre mon message. Je suis un chiite de Baalbek-Hermel. En bref, je meurs de faim. Nous mourons tous de faim là-bas. Nous sommes prêts à faire n’importe quel travail. Je vous le dis, j’ai postulé à l’hôpital Dar Al-Amal, mais il faut être lié au Mouvement Amal. J’ai postulé pour travailler dans une usine, mais encore une fois, il faut avoir des connections au mouvement Amal. Pour tout emploi auquel je postule, il faut des liens avec le Hezbollah ou le Amal.

Je suis chiite et j’ai une dette de 2 millions de livres libanaises à cause du loyer. Je subviens aux besoins de quatre sœurs et d’un frère, et je n’ai pas travaillé depuis six ou sept mois. Je vais partout, mais personne ne m’aide. Ils disent qu’ils ne peuvent rien faire.

Je travaillais pour le Hezbollah et ils m’ont renvoyé. Et maintenant quoi ? Voici ma carte de membre du parti. Cette carte montre que je suis bénévole pour l’organisation de santé islamique du Hezbollah. Moi – un fils du Hezbollah – je meurs de faim. Les autres n’arrêtent pas de parler des armes de la résistance. Personne ne touche aux armes de la résistance. Nous soutenons tous la résistance contre Israël, mais nous mourons de faim. Il faut manger pour se battre. […]

Vous pensez que je suis bien nourri juste parce que je suis du Hezbollah ? Je suis dans la même situation que n’importe qui. […]

Pendant les élections, le Conseil pour le développement et la reconstruction nous a fait des promesses pour Baalbek-Hermel. Ils devraient aller à Baalbek-Hermel pour voir que des gens y meurent de faim. De mes propres yeux, j’ai vu des gens manger dans les poubelles. Il y a des gens à Baalbek-Hermel qui mangent ce qu’ils trouvent dans les poubelles. Je l’ai vu de mes propres yeux. Les gens en ont plus que marre d’avoir faim. […]

Journaliste : Vous êtes bénévole pour le Hezbollah. Pourquoi ne vous ont-ils pas aidé ?

Hussein Ali Matar : Je ne sais pas, demandez-leur ! J’ai frappé à leur porte 100 fois. Je vous le dis, je suis allé au bureau de Hashim [Safi Al-Din – haut responsable du Hezbollah] dans la banlieue de Dahieh. Il n’a pas voulu me voir. Il a envoyé son assistant. Je lui ai dit que je voulais travailler et il m’a dit : « Que veux-tu que je fasse ? Il n’y a pas de travail dans le pays. »

Comment cela, il n’y a pas de travail ? Quand vous m’avez dit de voter pour vous, je l’ai fait. Pourquoi n’y a-t-il pas de travail dans le pays ? Maintenant, ils demandent aux gens d’abandonner [les manifestations]. Pourquoi le feraient-ils ? Chacun [au pouvoir] reçoit 1 000 à 1 500 dollars, tandis que moi, je ne reçois rien, pas une seule livre libanaise par mois. […]

S’ils ne peuvent pas nous aider, ils devraient démissionner et laisser les autres nous aider. Si quelqu’un qui n’appartient pas au Hezbollah ou au mouvement Amal veut nous aider, ils le font passer pour un collaborateur d’Israël. Là je vous parle, et demain ils diront que je suis un traître, qui a trahi la résistance et est devenu un allié d’Israël. […]

Journaliste : Que faites-vous ? 

Matar montre sa carte d’identité du Hezbollah à la caméra. 

Hussein Ali Matar : Je vais déchirer cette carte en morceaux. Je n’en veux pas. […] Et voilà. Je suis un traître…

Matar détruit sa carte d’identité du Hezbollah.

Qu’ils me traitent de traître, je m’en moque, tant que je vis dignement au lieu de frapper à la porte des gens, à la recherche d’un morceau de pain. Les responsables hauts placés devraient comprendre. Monsieur le président du parlement, Nabih Berri, je vais être honnête avec vous : Berri, vous êtes président du parlement depuis 30 ans. Vous avez des millions de dollars et vos enfants vivent en Amérique. Comment se fait-il que vos enfants s’en vont en Amérique et que cela ne pose aucun problème, tandis que si nous ouvrons la bouche, nous devenons des collaborateurs ? Ceux qui se trouvent en Amérique sont honorables, mais quand nous, au Liban, cherchons notre pain quotidien, nous sommes décrétés collaborateurs de l’Amérique et Israël ?

Ca suffit. Nous en avons assez d’entendre que quelqu’un qui cherche son pain quotidien est un collaborateur d’Israël. Personne ne collabore avec Israël. Tous les Libanais sont contre Israël. Le peuple libanais tout entier a combattu Israël, pas seulement les chiites.

Voir les extraits vidéo sur MEMRI TV

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