Suite à la récente annonce des Etats-Unis de l’ouverture de leur nouvelle ambassade à Jérusalem en mai 2018, pour coïncider avec le 70e anniversaire d’Israël,[1] le journaliste palestinien chevronné Abd Al-Bari Atwan, rédacteur en chef du quotidien en ligne Rai Al-Yawm, a écrit que cette décision était la conséquence des faibles réactions arabes aux précédentes mesures de l’administration américaine. Le président des Etats-Unis Donald Trump, affirme-t-il, avait raison d’estimer que la colère arabe suivant la décision de transférer l’ambassade serait de courte durée. Fustigeant l’Autorité palestinienne (AP) et les pays arabes, qui ont poursuivi leur politique de normalisation avec Israël et l’ont même récemment accélérée, Atwan appelle les Palestiniens à renforcer leur résistance contre Israël et à dissoudre l’AP. Il conclut que les événements actuels sont une « honte arabe » et que la période actuelle est « la période la pire et la plus humiliante [pour les Arabes], faisant [même] pâlir la perte de l’Andalousie en comparaison ». Extraits : [2]
Au lieu d’interrompre la coordination sécuritaire, l’AP l’a renforcée
Le président américain Donald Trump avait raison lorsqu’il a affirmé que la colère arabe et musulmane concernant sa décision de transférer l’ambassade américaine dans la Jérusalem occupée ne durerait que quelques jours et se dissiperait bien vite, et que la vie reviendrait à la normale. Et aujourd’hui, plusieurs mois plus tard, il a pourtant donné une nouvelle gifle au visage et fait une provocation encore plus audacieuse, avec son annonce du fait que le transfert [de l’ambassade américaine] serait accéléré, de sorte qu’elle ouvrirait en mai prochain, à l’occasion du 70e anniversaire de la création de l’Etat d’occupation israélien.
Les Palestiniens ont réagi en convoquant une session urgente du Comité central de [l’OLP], au cours de laquelle le président Abbas a prononcé un discours brillant, et la décision a été prise de cesser tout type de coordination sécuritaire et de poursuivre les criminels de guerre israéliens devant la Cour pénale internationale. Toutefois, ce que [l’AP] a fait était exactement le contraire, car les forces de sécurité palestiniennes n’ont pas interrompu leur coordination sécuritaire [avec Israël], mais l’ont en réalité renforcée et ont joué un rôle central dans la dispense d’informations à leurs homologues israéliens, ce qui a sensiblement contribué à l’assassinat du martyr Ahmed Nassar Jarrar, commandant de la cellule qui avait tué le rabbin israélien dans la colonie proche de Naplouse.
La décision du mouvement du Hamas et du Djihad [islamique palestinien] de ne pas participer à la réunion du Comité [central] était juste et a reflété une lecture précise de la position de l’AP. Toutefois, [leur décision] n’était pas efficace, car elle n’était pas accompagnée de mesures pratiques et dissuasives, comme d’abord et avant tout l’interruption de la diffusion de mensonges réciproques [vantant] la soi-disant « réconciliation », la multiplication des manifestations populaires contre l’AP et Israël, et la compréhension des dangers qui gagnent du terrain.
La normalisation des relations avec Israël est une honte pour les Arabes
La réaction arabe à cette gifle fut [la suivante] : l’Egypte a signé l’accord gazier du siècle avec l’Etat d’occupation, à hauteur de 15 millions de dollars, pour une décennie. [Cet accord] a fait danser de joie le Premier ministre israélien Binyamin Netanyahou, non seulement en raison de son immense valeur [monétaire] et de son importance en termes de normalisation [entre Israël et les pays arabes], mais aussi parce que le régime égyptien s’est chargé de commercialiser l’excédent de gaz israélien, volé [aux Palestiniens], dans [d’autres] pays arabes et en Europe. C’est le plus grave péché de tous.
Quant à la Jordanie – dont on aurait pu attendre de la famille hachémite au pouvoir qu’elle assume la tutelle religieuse sur la Jérusalem occupée et les lieux saints musulmans et chrétiens qui s’y trouvent – son gouvernement a rouvert l’ambassade israélienne [à Amman], sous prétexte qu’il avait reçu des excuses israéliennes pour la mort de trois citoyens jordaniens et un engagement [d’Israël] de traduire [les responsables] en justice. Toutefois, il s’est avéré par la suite qu’il n’y avait pas eu d’excuses et que les assassins israéliens sont toujours en fuite.
Les expressions de normalisation entre les pays arabes et Israël ne cessent de se multiplier. Ainsi, le parlement tunisien a rejeté un projet de loi définissant la normalisation avec un Etat criminel comme un acte criminel, et le porte-parole militaire [israélien] Avichay Adraï est apparu maintes fois sur Al-Jazira pour menacer les Arabes et défendre la position d’Israël. En outre, M. Adel Al-Jubeir, ministre des Affaires étrangères saoudien, souligne le fait que l’Iran, et non Israël, est l’ennemi le plus dangereux, qui menace la stabilité régionale et le monde entier. Et il y a encore d’autres exemples nombreux de cette honte arabe.
Les Palestiniens doivent intensifier la résistance et dissoudre l’AP
Les réactions honteuses et gênantes de l’AP, au lendemain de la décision [de Trump] de transférer l’ambassade [des Etats-Unis à Jérusalem], sont le principal facteur [qui a conduit] aux mesures provocatrices et humiliantes qui ont suivi, dont la dernière était un énorme prix pour l’Etat d’occupation, [à savoir l’annonce] de l’inauguration de l’ambassade américaine [à Jérusalem] dans trois mois, soit le jour marquant la nakba palestinienne.
Que fera le président Abbas et comment réagira l’AP à cette gifle au visage, à part [en faisant] de nouvelles déclarations et [en prononçant] de nouvelles condamnations, dont on connaît déjà par cœur les termes ? Va-t-il dissoudre l’AP ? Cela semble improbable. Va-t-il annoncer la dissolution des services de sécurité palestiniens et la cessation de la coordination sécuritaire [avec Israël] ? Il n’en a pas le courage. Va-t-il allumer l’étincelle de la deuxième Intifada armée ? C’est une décision impossible pour un homme qui a toujours parié sur les négociations, et qui a [à présent] commencé à jouer le rôle d’un agent de voyages, exhortant les Arabes et les musulmans à normaliser [leurs relations avec Israël] et à visiter la Jérusalem occupée.
[Il est temps pour] les Palestiniens de regagner leur prestige et le prestige de leur cause, d’intensifier leur résistance à l’occupation, [lui] faisant payer plus cher en argent et en vies, et de commencer leur résistance en se débarrassant de l’AP et de son idéologie de capitulation. Alors seulement, Trump et ses alliés israéliens comprendront leur erreur et regretteront leur politique provocatrice et scandaleuse.
Nous vivons la période la pire et la plus humiliante de l’histoire arabe, si mauvaise que même la perte de l’Andalousie pâlit en comparaison. Nous qui avons connu l’Âge d’or de la résistance et du rejet de la défaite de 1967 n’aurions jamais imaginé que nous assisterions à ce moment…
Lien vers le rapport en anglais
Notes :
[1] Il.usembassy.gov, 23 février 2018.
[2] Raialyoum.com, 25 février 2018.