Un article paru le 25 janvier 2019 dans le quotidien libanais Al-Akhbar, proche du Hezbollah, a protesté contre ce qu’il a qualifié de coopération sécuritaire naissante entre la France et Israël en Syrie. Citant des sources françaises « bien informées », l’article affirme que lors de sa récente visite en France, le président d’Israël Reuven Rivlin aurait évoqué avec son homologue français, le président Emmanuel Macron, l’éventualité d’une coopération militaire entre les deux pays sur le terrain en Syrie. L’article indiquait qu’une telle démarche franchirait les lignes rouges fixées par le gouvernement français lui-même, et s’interrogeait sur la justification d’une présence française maintenue en Syrie, alors que l’Etat islamique a été vaincu. Il a spéculé sur une tentative du président français d’améliorer sa cote de popularité, au vu de ses problèmes intérieurs, et de persuader le président des Etats-Unis Donald Trump de ne pas retirer ses forces de Syrie. Enfin, l’article a mis en garde contre les graves conséquences que pourrait avoir un affrontement avec l’axe de la résistance sur le rôle et les intérêts de la France dans la région. Extraits :
Selon des informations parvenues à Al-Akhbar, la France ne se contente plus du rôle du facteur, qui transmet les menaces d’Israël au Liban. Lors de leur rencontre, à l’occasion de la récente visite du président d’Israël en France, ce dernier et son homologue français [ont discuté] d’une éventuelle coopération entre les deux pays sur le terrain en Syrie, aux niveaux du renseignement et de la logistique, suite au retrait américain [de ce pays]. Si le contexte de cette décision fait l’objet de nombreuses spéculations, les graves implications pour l’avenir du rôle de la France dans la région ne sont pas contestées.
Selon les informations parvenues à Al-Akhbar depuis Paris, durant la rencontre entre Macron et le [président] israélien Rivlin, qui était accompagné durant sa visite par le commandant de l’armée de l’air israélienne, Amikam Norkin, des plaintes ont été exprimées sur le développement par le Hezbollah de missiles de haute précision au Liban, et [les deux présidents] ont également abordé la coopération entre [Israël et la France] en Syrie. Le fait qu’Israël tente d’utiliser la France comme facteur pour transmettre ses menaces au Liban n’a rien de nouveau. Des officiels de sécurité français ont transmis de telles menaces à plusieurs reprises au cours des deux années écoulées. Le nouvel élément est la discussion sur une possible coopération sur le terrain en Syrie, aux niveaux de l’information et de la logistique. Selon une source française bien informée sur ce dossier, « cela franchirait les lignes rouges que le gouvernement français a lui-même fixées, en raison des possibles conséquences politiques et sécuritaires qui en découleraient ». Les appareils de sécurité français et israéliens ont coopéré dans le passé, en partageant des renseignements… mais s’il existe [déjà] une coopération [effective] sur le terrain en Syrie, cela constituerait un tournant significatif dans le processus de rapprochement franco-israélien… Macron prendra-t-il cette [mesure] significative, en dépit des conséquences qu’elle aura pour les intérêts de son pays et pour sa présence militaire et son rôle dans la région ?
L’objection de la France et d’Israël au retrait américain de Syrie était véhémente. Les considérations d’Israël sont bien connues… mais la position de la France est surprenante, au vu du fait qu’elle a justifié son ingérence militaire en Syrie et en Irak par la nécessité de prendre part à la guerre contre l’EI, jusqu’à son élimination définitive. Cet objectif a été atteint. Il ne reste plus de cette organisation que [quelques] petits groupes et cellules qui, tout au plus, sont capables de mener des attaques locales d’impact limité, qui peuvent être contrées par les forces locales. Alors pourquoi [la France] tient-elle à rester ?…
Certains experts et responsables français estiment que le manque d’expérience politique [de Macron], qui est apparu clairement dans sa gestion arrogante et obstinée des manifestations populaires des Gilets jaunes, se reflète également dans sa politique étrangère. Peut-être le président français pense-t-il que son « noble » refus de retirer ses forces de Syrie, conjointement avec les forces américaines, au prétexte qu’il ne souhaite pas abandonner « nos alliés kurdes qui ont combattu l’EI à nos côtés et consenti de nombreux sacrifices », sauvera sa popularité, qui est en chute libre en raison de sa mauvaise gestion des défis sociaux et politiques intérieurs. [Ce sont de telles] considérations personnelles, notamment électorales, qui dictent dans une large mesure les positions et les décisions de la nouvelle génération de dirigeants des « démocraties anciennes » [d’Europe]…
L’objection française au retrait américain, et les informations subséquentes sur une éventuelle coopération avec Israël, font partie de tentatives qui visent à faire pression sur le président américain, lequel – depuis l’annonce de sa décision [de se retirer de la Syrie] a fait l’objet d’une campagne de pressions à l’intérieur et à l’extérieur de son administration – et de la part de certains de ses alliés [internationaux], notamment l’Arabie saoudite. Cela pourrait aussi constituer une tentative de la France d’intervenir dans la lutte qui se déroule actuellement au sein de l’administration [américaine] et entre Trump et l’ « Etat profond » [1], en vue de le contraindre à annuler le retrait, ou du moins à le retarder autant que possible…
Le président français et ses conseillers sont-ils conscients du fait que la Syrie est le terrain d’une guerre entre Israël et l’axe de la résistance ? Si l’information en provenance de Paris s’avère, le président français et ses conseillers devraient considérer les éventuelles conséquences d’un affrontement avec la force victorieuse et grandissante dans la région [à savoir, l’axe de la résistance] et se souvenir de l’histoire récente et de certains de ses souvenirs douloureux. [2]
Notes :
[1] Deep State ou Etat profond : Etat dans l’Etat. Concept politique apparu en Turquie durant les années 1990, en lien avec l’affaire de Susurluk. Groupe de personnes au sein d’une entité informelle qui détient secrètement le pouvoir décisionnel de l’État, au-delà du pouvoir légal. C’est la composante la plus restreinte, la plus agissante et la plus secrète de l’establishment.
[2] Special Dispatch No. 7863