La poétesse palestinienne Jadal Al-Qassem, née en Bulgarie en 1983 d’un père palestinien et d’une mère syrienne, et résidant actuellement à Ramallah, consacre une partie de ses écrits à la condition de la femme dans la société arabe et musulmane. En 2015, son anthologie Du blé dans du coton a remporté le premier prix ex-aequo de la compétition annuelle des Jeunes écrivains organisée par la Fondation palestinienne A. M. Al-Qattan [1]. Le comité du prix l’a qualifiée de « voix féminine stimulante », qui offre « une perspective nouvelle et parfois surprenante », ajoutant que sa poésie décrit les hommes avec une sensibilité et un courage inspirés de son expérience personnelle, et reflète la nature de la femme dans la société arabe musulmane. [2] Al-Qassem a lancé la diffusion de son anthologie le 17 avril 2017 au musée Mahmoud Darwish à Ramallah, où elle a lu plusieurs de ses poèmes. [3]
Dans une interview télévisée accordée à l’agence de presse palestinienne Maan le 3 mars 2017, Al-Qassem a déclaré que chaque individu avait le droit de « s’auto-définir » et que les femmes devaient se battre pour actualiser ce droit dans leur vie quotidienne, dans les domaines de la finance, de la réflexion, de la poésie, etc., car « nous [les femmes] sommes des êtres humains à part entière et devrions jouir de nos pleins droits ». Elle a considéré que « le courage est une composante naturelle de la femme » et qu’une vraie femme doit être courageuse dans tout ce qu’elle entreprend. [4]
Le 25 avril 2017, le quotidien de l’Autorité palestinienne Al-Hayat Al-Jadida a publié un poème d’Al-Qassem intitulé « Je suis la cicatrice sur votre bras », au sujet d’une femme opprimée qui vit au service des autres et se conforme à leurs attentes, sans pour autant obtenir la moindre reconnaissance ou appréciation de leur part. Cette femme, à travers le poème, exprime sa haine envers tous ceux qui l’entourent – son mari et sa belle-famille ainsi que sa propre famille, lesquels ont permis sa souffrance et y ont contribué. Elle se décrit comme une « marionnette » et une « femme morte », et enfin comme une femme condamnée à être tuée par son mari. Traduction du poème :
Je hais mon mari
Et je hais aussi sa mère
Et s’il n’y avait pas ce feu qui brûle dans le monde à venir
Je dirais que je hais aussi ma mère
J’ai sept enfants
Je les aime et je hais le fait d’être leur mère
Je n’ai jamais reçu aucun prix
Même si je mérite le prix de femme satisfaisante
Je me suis mariée pour faire plaisir à ma mère (ma honte a été découverte et ma mère m’a couverte)
J’ai effectué un travail méprisable pour faire plaisir à mon mari
J’ai porté des enfants pour faire plaisir à la mère de mon mari
J’ai recouvert ma fille du hijab pour faire plaisir à mon frère (c’est par crainte je ne vous ai pas précisé au début que je le hais)
Aujourd’hui, j’ai reçu un prix merveilleux
Le prix de la meilleure femme morte, quand j’ai trouvé mon âme flottant au-dessus de mon corps
Avec des policiers affairés autour de moi
occupés à réconforter mon meurtrier de mari !
2
Le grain de beauté ! Oui, ce grain de beauté
Sous mon pied
Celui qui, chaque fois que tu l’embrassais,
Montait un peu plus haut,
A déjà gagné le bas de mon dos.
3
J’ai épousé un homme que je n’aimais pas
Et ai porté une fille qui ressemble à un homme que j’aime
Mais je n’ai pu inscrire mon propre nom de famille après son nom
Sur l’acte de naissance
Mon mari l’a fait
Et donc, ma fille a un nom sans père
Et mon bien-aimé a une fille sans nom
Et mon mari a un mensonge sans fille
J’ai obtenu le texte et en ai perdu le sens
4
Je suis la cicatrice sur ton bras
La cicatrice qui n’a jamais été
Car j’ignore où je suis lorsque je ne suis pas
La cicatrice qui n’a jamais été !
5
A mon retour le soir
J’étais amputée d’un bras
Mais je me suis souvenue que je ne suis qu’une marionnette !
Je n’ai rien regretté.
Lien vers le rapport en anglais
Notes :
[1] La Fondation A.M. Qattan est une organisation de développement à but non lucratif oeuvrant dans les domaines de la culture et de l’éducation, se focalisant sur les enfants, les enseignants et les jeunes artistes. Elle a été fondée en 1993 au Royaume-Uni et a inauguré une filiale en Palestine en 1998. La Fondation opère principalement en Palestine, et intervient parfois au Liban et au Royaume-Uni (qattanfoundation.org/en/about-en).
[2] Wafa.ps, 25 avril 2017.
[3] Wafa.ps, 17 avril 2017.
[4] MaanNews.net, 3 mars 2017.