Par S. Schneidmann*

Une campagne lancée en Cisjordanie il y a plusieurs semaines appelle à lever les sanctions imposées par l’Autorité palestinienne (AP) à la bande de Gaza, y compris la suspension des salaires des fonctionnaires de l’AP et la réduction de ses paiements à Israël pour l’électricité. La décision d’imposer les sanctions a été prise par le président palestinien Mahmoud Abbas il y a plus d’un an, en avril 2017, en réaction à la création par le Hamas d’un Comité administratif pour gérer les affaires de Gaza, au motif que l’AP ne respectait pas ses obligations à cet égard.[1]

Les sanctions ont constitué un tournant significatif dans la politique de l’AP envers Gaza. Elles visaient à faire pression sur le Hamas pour qu’il lui cède le pouvoir à Gaza ou,  éventuellement, à y provoquer des manifestations populaires contre le Hamas. Même après le coup d’Etat du Hamas à Gaza en 2007, l’AP a continué de transférer des fonds à Gaza, et de payer les salaires de ses fonctionnaires, alors même que depuis lors, l’AP leur avait demandé de cesser leur travail et de boycotter les autorités du Hamas. Toutefois, dans le cadre de ses sanctions, en sus de réduire ses paiements pour l’électricité à Gaza, l’AP a également diminué de moitié les salaires de ces employés – dont certains sont des membres du Fatah qui soutiennent le rival d’Abbas, Mohammed Dahlan – et contraint des milliers d’entre eux à prendre leur retraite.[2]

Les sanctions ont incité le Hamas, le 17 septembre 2017, à dissoudre Comité administratif et à annoncer le début des négociations de réconciliation, sous le patronage de l’Egypte, avec le Fatah et l’AP.[3] Mais depuis l’impasse des pourparlers,[4] l’AP s’est abstenue de lever les sanctions, et les a même renforcées après la tentative d’assassinat manquée du 13 mars 2018 contre le Premier ministre de l’AP Rami Al-Hamdallah et le chef de ses renseignements généraux à Gaza, Majed Faraj.[5]

L’AP a donné diverses explications et excuses pour justifier la réduction des salaires de ses employés à Gaza. A l’issue de la réunion du Conseil national palestinien (CNP), au début du mois de mai 2018, Abbas a affirmé que le paiement des salaires avait été retardé pour des « raisons techniques » et qu’ils seraient versés sous peu.[6] Toutefois, en dépit de cette promesse, et sur ses ordres, le ministère des Finances de l’AP n’a payé aux employés que la moitié des salaires d’avril.[7] Des officiels du Fatah et de l’OLP ont protesté contre cette décision, affirmant que le gouvernement de l’AP était responsable, et ont annoncé qu’ils tiendraient des « réunions urgentes » pour résoudre le problème.[8]

Les difficultés financières causées par les sanctions contre les employés de l’AP à Gaza, dont certains sont membres du Fatah, ont suscité des protestations au sein de ce mouvement dans la bande de Gaza, la démission collective de ses fonctionnaires, ainsi que des annonces de la part de plusieurs branches du mouvement à Gaza, selon lesquelles elles suspendraient leur activité jusqu’à la levée des sanctions.[9]

Le 31 mai 2018, les protestations ont gagné la Cisjordanie, avec le lancement de la campagne « Levez les sanctions », appelant à mettre fin à la « punition collective » contre les résidents de Gaza. La campagne a donné lieu à des manifestations de masse à Ramallah et à Naplouse contre la politique d’Abbas, et a annoncé la poursuite de ses activités. Ses demandes ont été relayées par des journalistes palestiniens, qui ont eux aussi protesté contre les sanctions de l’AP.[10]

Les manifestations en Cisjordanie ont suscité un débat dans les médias sur les sanctions imposées par l’AP à Gaza. Alors que des articles du quotidien de l’AP Al-Hayat Al-Jadida défendaient les décisions d’Abbas, en faisant porter la pleine responsabilité de la situation à Gaza au Hamas, motivé selon eux par des considérations étrangères, des articles d’autres quotidiens de l’AP, comme Al-Ayyam et Al-Quds, appelaient à la levée des sanctions. Selon eux, ces décisions sont inefficaces, ne font qu’entériner la séparation entre Gaza, sous la coupe du Hamas, et la Cisjordanie, dirigée par l’AP, et violent ainsi la souveraineté de l’AP dans la bande de Gaza, dans le cadre de « l’Accord du siècle » élaboré par le président américain Donald Trump.

Le présent rapport examine les activités de la campagne « Levez les sanctions » en Cisjordanie, les réactions au sein de l’AP et le débat qu’elle a suscité dans les médias palestiniens.

Lire le rapport dans son intégralité en anglais

*S. Schneidmann est chargé de recherche à MEMRI.

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