Le 12 mars 2017, seulement quatre jours après la Journée internationale de la femme, la députée sunnite irakienne Jamila Al-Obaidi, appartenant à la Coalition nationale, a convoqué une conférence de presse appelant à défendre la polygamie et à résilier des restrictions qui lui sont imposées par la loi irakienne. [1] La polygamie, dit-elle, est autorisée dans le Coran, qui permet à un homme d’épouser jusqu’à quatre femmes [2]. Et d’ajouter que l’objectif d’une telle initiative est d’ « endiguer le phénomène de la multiplication des veuves âgées, femmes divorcées et célibataires dans la société irakienne, qui en compte actuellement plus de quatre millions. » Selon Al-Obaidi, les femmes devraient encourager les hommes à prendre plus d’une épouse et dénoncer la culture de la monogamie qui, selon elle, est pratiquée « au détriment des autres sœurs » et bafoue l’honneur de la femme. Elle a même suggéré l’adoption de lois prévoyant des « incitations financières visant à encourager les hommes et les aider à épouser plus d’une femme et à doubler ces incitations pour ceux qui épousent une veuve ou une divorcée ». [3]
La proposition de la députée Al-Obaidi a provoqué un tollé au parlement. Une collègue l’a même attaquée, lui a lancé une chaussure et l’a giflée. [4] D’autres députées se sont vigoureusement opposées à la reconnaissance juridique de la polygamie, affirmant qu’au lieu de renforcer le statut de la femme, Al-Obaidi contribuait à l’affaiblir, à rabaisser les femmes et même à en faire commerce. Des militants des droits de la femme ont menacé de lui intenter un procès, prévenant que sa proposition entraînerait la désintégration du noyau familial et déclarant que la polygamie nuit tant aux femmes qu’aux hommes.
La proposition a également soulevé le débat dans la presse irakienne. Certains journalistes irakiens ont raillé Al-Obaidi et sa « compassion » à l’égard des hommes mariés à une seule femme, quand elle ferait mieux d’œuvrer à la protection des femmes et à la défense de leurs droits. D’autres au contraire ont justifié sa démarche, avançant que la polygamie est un droit accordé aux hommes dans le Coran, qui ne doit par conséquent pas être remis en question. Ils ont même accusé les adversaires d’Al-Obaidi et les pays musulmans ayant adopté des lois laïques restreignant la polygamie de miner l’unité familiale et de pousser les femmes à la prostitution, à la débauche et à la décadence. Certains ont en outre considéré que le refus des femmes mariées de voir leur époux se prendre une seconde épouse était mu par l’égoïsme et le manque de considération à l’égard des veuves et les divorcées.
D’autres journalistes ont adopté une position neutre, alléguant que la polygamie comporte des avantages et des inconvénients. L’un d’eux a principalement dénoncé la grossièreté d’un tel débat au sein du parlement irakien, qualifiant les réactions et la violence à l’encontre d’ Al-Obaidi de « dégoûtantes ».
Dans ce contexte, il convient de noter que ces dernières années, la polygamie en Irak a considérablement augmenté. A titre d’exemple, le 25 mars 2015, le journal londonien Al-Arabi Al-Jadid a fait état d’une hausse importante des cas de polygamie enregistrée dans les tribunaux d’état civil irakiens, majoritairement pratiquée de manière illégale et sans l’autorisation d’un cadi [juge dans les pays musulmans]. Selon l’article, le juge d’état civil irakien Majabal Hussein a souligné que l’islam autorise la polygamie, non pas pour que l’homme puisse s’en enorgueillir ou pour des raisons telles que l’amour, mais parce que « la polygamie est permise pour un objectif élevé, celui d’adorer Allah en prenant à sa charge des veuves, des divorcées et des célibataires âgées en les épousant, en pourvoyant à leurs besoins financiers et les protégeant ». [5]
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