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Dans une interview sur Al-Jazeera le 10 février 2017, l’ancien président tunisien Moncef Marzouki a abordé les causes profondes de l’arriération de la société arabe, affirmant qu’une « révolution idéologique » était nécessaire « avant [une révolution] politique » , afin d’abandonner la mentalité tribale, qui perçoit le pouvoir comme un butin de guerre, au profit de la notion que l’Etat est destiné à servir le public. Nous devons adopter l’hétérogénéité comme un atout et établir un régime démocratique, a-t-il déclaré. Extraits :
Journaliste : Vous avez une expérience considérable. Quelle est votre réponse à la question : Pourquoi sommes-nous arriérés ?
Moncef Marzouki : C’est peut-être la question la plus difficile que je me suis jamais posée. Jusqu’à ce jour, je me pose cette question. Il existe certaines causes dont nous sommes responsables, et certaines dont nous ne sommes pas responsables. Nous sommes en retard car…
Journaliste : Hormis les facteurs structurels, historiques et environnementaux, quels sont les facteurs dont nous portons la responsabilité ?
Moncef Marzouki : Nous sommes responsables du fait qu’à ce jour, nous n’avons pas été capables d’établir une structure politique effective au sein de laquelle nous pouvons coexister. Nous n’acceptons pas le fait que nous sommes constitués de populations hétérogènes. Tous les peuples arabes sont hétérogènes, et notre nation dans son ensemble est hétérogène. Lorsque les Arabes accepteront qu’ils peuvent être chrétiens, blancs, noirs…
Journaliste : Amazighs, arabes, kurdes…
Moncef Marzouki : Oui. Lorsque nous parviendrons à comprendre que cette hétérogénéité est un atout, et non un handicap, nous pourrons progresser. En outre, nous n’avons pas encore accepté que nous devons gérer notre hétérogénéité de manière pacifique, que notre système politique doit être démocratique, que le dirigeant est… Nous adhérons toujours à la notion de tribalisme, selon laquelle le pouvoir constitue un butin de guerre, auquel le dirigeant et sa famille se cramponnent. Cela devient leur butin, et ils le partagent comme bon leur semble. C’est cette mentalité tribale, que nous maintenons depuis des temps révolus, qui a détruit nos sociétés. L’Occident a abandonné cette mentalité de tribalisme, selon laquelle l’Etat est un butin de guerre appartenant à quelques individus ou à un groupe, au profit de la notion selon laquelle l’Etat est destiné à servir le public. Ainsi nous avons besoin d’une révolution idéologique avant [une révolution] politique. Qu’est-ce qui pourra sortir de bon d’une révolution politique, si nous ne faisons que reproduire le même schéma ?