Par A. Savyon et Yigal Carmon*

On assiste dernièrement à une évolution du conflit entre l’Arabie saoudite et l’axe sunnite d’une part – l’Iran et l’axe de la résistance de l’autre. Ces développements concernent non seulement les forces régionales, mais aussi les Etats-Unis et la Russie.

En effet, ces deux axes rivalisent pour obtenir le soutien des Etats-Unis, qui s’efforcent à ce stade de parvenir à des arrangements et à des négociations avec l’Iran et qui, selon des sources iraniennes, ont déjà établi des contacts secrets. Ce faisant, les Etats-Unis semblent avoir accepté, à ce stade, l’expansion régionale de l’Iran.

Ces développements influent sur le remodelage du Moyen-Orient ainsi que sur les rapports de pouvoir entre les principaux acteurs régionaux. La crise actuelle au Qatar est une nouvelle manifestation du conflit générationnel, géopolitique, sunnite-chiite et saoudo-iranien, et résulte de la politique de l’administration américaine, au sein de laquelle deux camps sont discernables : le premier est celui du président Trump et de ses proches conseillers, qui soutiennent l’Arabie saoudite et l’axe sunnite, et le second est celui du Secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson et du Secrétaire à la Défense James Mattis, qui se montrent réceptifs au Qatar et tentent de préserver le statu quo pro-iranien de l’ère Obama. (…)

Lire le développement de l’analyse en anglais ici.

Conclusion

Si la crise du Qatar a pu faire croire à une affaire saoudo-qatarie interne au camp sunnite, c’est une méprise, car le conflit qui occupe l’ensemble du camp sunnite l’oppose à l’Iran et à son axe de résistance.

L’Iran, au moyen de ses déclarations relatives aux objectifs des négociations, a trompé les Etats-Unis dans un but stratégique, leur faisant croire qu’ils pourraient atteindre leurs objectifs par les négociations et la diplomatie. Ainsi, l’Iran fait hésiter l’administration américaine quant à la réaction appropriée face à l’expansion régionale de l’Iran.

Le dialogue entre les Etats-Unis et l’Iran se poursuivra tant par des messages diplomatiques que par des décisions militaires destinées à renforcer ces messages. Les bombardements américains en Syrie ou les tirs de missiles iraniens ne doivent pas être perçus comme un signe que les Etats-Unis et l’Iran cherchent la confrontation. Au contraire, les deux parties utilisent ces mesures militaires pour exercer des pressions sur le camp adverse, dans le cadre plus large des négociations bilatérales.

L’Iran a entraîné les Etats-Unis dans un dilemme délicat : soit se laisser embourber dans une guerre contre l’Iran et contre l’axe de la résistance, soutenu par la Russie, soit continuer de négocier avec lui, tout en composant avec le JCPOA et avec la poursuite de l’expansion iranienne et ses violences au Moyen-Orient. Comme l’a précisé le 14 juin 2017 le haut conseiller de Khamenei, Yahyah Ramin Safavi, “si l’Amérique veut entamer une guerre contre l’Iran, toutes ses bases militaires dans la région seront en danger ; l’Iran peut couvrir 2000 km de distance depuis ses frontières avec ses missiles ».

Il convient de préciser qu’à ce stade, les Etats-Unis ne sont pas préparés militairement à un affrontement sur le terrain avec les forces iraniennes soutenues par la Russie. Des informations ont fait état de renforts américains attendus et d’opérations d’espionnage intensives en Syrie, mais la politique américaine elle-même n’est pas encore claire.

On peut supposer que dans ce conflit, la partie la plus déterminée (l’Iran) atteindra ses objectifs et l’emportera sur la partie la moins intéressée par un conflit (les Etats-Unis). Cela est d’autant plus probable que les alliés des Etats-Unis, l’Arabie saoudite et Israël, savent qu’ils ne peuvent faire confiance a leur allié américain, du fait que les Etats-Unis sont apparemment enclins à trouver des accords avec l’Iran, et non à aller vers un affrontement.

A ce stade, l’administration américaine refuse de payer le prix d’un changement de situation héritée de l’administration précédente, et préfère ignorer, non seulement le rôle du Qatar comme facteur de radicalisation et d’encouragement du terrorisme islamiste, mais aussi la situation en Syrie et au Yémen, le fait que l’Irak se comporte comme un agent iranien, et enfin le positionnement de l’Iran comme une puissance nucléaire et balistique mondiale. Ainsi, les Etats-Unis préfèrent ne pas affronter l’Iran, soutenu par la Russie.

L’Arabie saoudite, ses alliés sunnites et Israël devront donc relever seuls le défi iranien chiite dans la région. La crise du Qatar est un premier pas prudent pour le camp saoudien sunnite contre l’Iran et l’axe de la résistance. Dans une telle situation, un nouveau rapprochement entre l’Arabie saoudite, le camp sunnite et Israël peut être escompté .

* A. Savyon est Directrice du Projet de veille des média ioraniens  ; Y. Carmon est Président de MEMRI.

Lire le rapport intégral en anglais

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