Par A. Savyon*
A mesure que l’impact des sanctions américaines sur l’économie iranienne s’accroît, alors que même les pays opposés à la politique américaine s’y conforment, l’importance de l’Irak pour la survie du régime iranien et son économie grandit aussi.
Soulignant l’importance de l’Irak pour l’Iran, Sadollah Zarei, membre du conseil de rédaction de l’organe de presse du régime Kayhan, écrit dans un article daté du 23 janvier 2019 :
L’Amérique s’imagine qu’elle affaiblira le gouvernement irakien, notamment la situation du [Premier ministre] Adil Abdul-Mahdi, en exerçant des pressions militaires au nord et au sud de l’Irak, à tel point que [l’Irak] ne sera pas en mesure de supporter le fardeau des relations intenses et chaleureuses entre Bagdad et Téhéran. D’autre part, [les Etats-Unis] vont [aussi] créer de l’insécurité pour le régime iranien, dans deux domaines de l’investissement iranien. L’Amérique sait que l’Iran a effectué d’importants investissements au cours des 15 dernières années, dans les provinces [irakiennes] de Sulaymaniyah, Erbil, Basra, Nasiriyah, et autres, et que [l’Iran] est devenu un partenaire important de l’Irak, notamment dans le secteur de l’énergie.
Du point de vue des Américains, si l’Iran concluait des accords énergétiques avec un ou deux de ses voisins, les sanctions américaines ne seraient plus en mesure de bloquer le couloir [d’exportation] énergétique de l’Iran. Par conséquent, rompre les relations entre l’Irak et l’Iran est une nécessité stratégique pour Washington. [1]
Il semblerait que le régime iranien s’engage sur cette voie, car l’hégémonie iranienne en Irak permettra à l’Iran d’exporter du pétrole par le biais de l’Irak, et d’obtenir des marchandises en échange, sans avoir besoin de recourir aux banques ou aux dollars, en échappant ainsi aux sanctions américaines. De la sorte, le régime iranien pourrait continuer d’exister, et son expansion dans la région se poursuivrait. C’est le contexte dans lequel la visite du ministre iranien des Affaires étrangères Javad Zarif en Irak doit être comprise.
Intégrer l’Irak dans l’axe de résistance chiite dirigé par l’Iran est un objectif politique et économique important pour le régime iranien, comme l’a observé Sayed Hadi Afaqhi, expert iranien de la région, qui écrit des commentaires et des analyses sur des sites Internet affiliés au Corps des gardiens de la Révolution islamique de l’Iran (CGRI).
Dans une interview datée du 18 janvier 2019 accordée à l’agence de presse Mehr, Afaqui a analysé la visite de Zarif en Irak :
L’Irak, considéré comme un pays très important pour l’Iran dans de nombreux domaines, peut renforcer le front de la résistance dans la région. C’est pourquoi nous sommes sensibles à l’égard de l’Irak, et par conséquent, nous ne devons pas laisser le contrôle de ce pays tomber aux mains de l’Amérique, du régime sioniste et de certains des [Etats] arabes réactionnaires de la région [allusion à l’Arabie saoudite].
Malheureusement, notre activité économique en Irak est faible, mais l’activité de conseil de l’Iran, [dans le cadre de laquelle] nous nous sommes empressés d’aider les forces militaires irakiennes, afin qu’elles puissent combattre les terroristes, à l’heure où des groupes terroristes étaient présents sur le sol irakien, était positive. Afin de conclure des accords commerciaux stratégiques avec l’Irak, nous devons tout d’abord définir un plan et des documents stratégiques. L’Iran devrait être [le pays qui occupera] au moins la deuxième place, après la Russie, dans la reconstruction de la Syrie, en particulier au vu de la situation actuelle de Irak, à mesure qu’il progressera dans sa propre réhabilitation vers la stabilité et la sécurité. Mais pour nous, l’Irak est [encore] plus important que la Syrie, et cela en raison de la longue frontière Iran-Irak. [2] [3]
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* Ayelet Savyon est directrice du Projet des médias iraniens de MEMRI.
Notes :
[1] Kayhan (Iran), 23 janvier 2019.
[2] Mehrnews.com, 18 janvier 2019.
[3] Inquiry & Analysis Series No. 1434