Le 25 mars 2018, alors que l’envoyé spécial des Nations unies pour le Yémen Martin Griffiths était en visite au Yémen et deux jours avant la rencontre entre le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman et le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres à New York, des forces houthies au Yémen ont tiré sept missiles balistiques contre l’Arabie saoudite, dont trois visaient la capitale Riyad. Selon des informations saoudiennes, tous les missiles ont été interceptés. Un ressortissant égyptien présent dans le pays à ce moment-là a toutefois été tué par des éclats et plusieurs autres blessés.

Les Saoudiens blâment l’Iran pour cette attaque, l’accusant de fournir des missiles aux Houthis. Lors d’une conférence de presse donnée au lendemain de l’attaque, Turki Al-Malki, porte-parole de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite soutenant le régime légitime au Yémen, a affirmé qu’à ce jour, 104 missiles balistiques ont été tirés contre l’Arabie saoudite. Il a également apporté des preuves selon lesquelles l’Iran fournit aux Houthis des missiles balistiques et d’autres armes avancées. Il a averti que procurer de telles capacités aux Houthis menace gravement la sécurité régionale et internationale et souligné que l’Arabie saoudite se « réserve le droit de répondre à l’Iran au moment et de la manière appropriés, conformément au droit international, et qu’elle [se réserve] le droit de défendre son pays, sa population et ses intérêts conformément aux traités internationaux ».

Le 27 mars, avant la rencontre à New York entre le prince héritier ben Salman et le secrétaire-général des Nations unies Guterres, l’Arabie saoudite a appelé l’ONU et le Conseil de Sécurité à faire leur devoir et à demander des comptes à l’Iran pour ses actions. Dans une lettre adressée au Conseil de sécurité, il a demandé que celui-ci soit responsable de maintenir la sécurité et la stabilité internationale et qu’il poursuive l’Iran pour avoir armé les Houthis de missiles balistiques.[2] L’ambassadeur saoudien à Washington, le prince Khaled ben Salman, a écrit dans une série de tweets que « le régime iranien continue de violer le droit international », ajoutant que « la seule manière d’empêcher un nouveau conflit dans la région est de tenir l’Iran responsable de ses violations de toutes les lois internationales. Les amis et les ennemis regardent la réaction du monde ; celle-ci déterminera le comportement des pays de la région à long-terme. » [3]

Les tweets de l’ambassadeur saoudien à Washington Khalid ben Salman (Source : Twitter.com/kbsalsaud, 26-27 mars, 2018)

Le quotidien gouvernemental saoudien Okaz s’est montré plus virulent à l’encontre de l’ONU et du Conseil de sécurité pour leur attitude dans la crise saoudienne, critiquant leur incapacité à faire appliquer leurs résolutions. Un article publié le 27 mars 2018, avant la rencontre de New York, disait : « Ben Salman sera face-à-face avec Guterres et lui expliquera la nature de l’intervention de l’Iran au Yémen et le soutien [de l’Iran] aux milices houthies, en leur fournissant des missiles balistiques qui sont tirés contre l’Arabie saoudite et menacent sa sécurité et ses citoyens. Guterres doit choisir : soit l’ONU soutiendra la lutte contre le terrorisme des mollahs iraniens, soit elle s’y oppose. Il n’existe pas de voie médiane. » [4]

Dans un éditorial percutant publié le même jour dans Okaz, Hamud Abou Talb a critiqué l’ONU pour sa défaillance à affronter la crise au Yémen et précisé que l’Arabie saoudite ne pouvait plus compter sur l’ONU ou sur le Conseil de sécurité et devait se défendre elle-même en éradiquant la menace des Houthis. Extraits :

Le soir du jour où le nouvel envoyé spécial des Nations Unies [pour le Yémen Martin Griffiths] a entrepris sa mission [en vue de résoudre la crise au Yémen], les milices houthies ont tiré sept missiles balistiques sur diverses zones en Arabie saoudite. Tous les missiles ont été interceptés et détruits, sans causer de dommage.[5] A suivi l’intervention télévisée du [dirigeant houthi] Abdul-Malik Al-Houthi et ses menaces de lancer de nouveaux missiles plus sophistiqués. L’Iran, qui fournit des missiles et des hommes à cette milice, niera, comme à l’habitude, toute implication dans cette affaire.

Les deux envoyés de l’ONU qui étaient censés résoudre la crise au Yémen ont d’ores et déjà échoué, en raison de l’obstination du gang houthi et de son refus de respecter les initiatives proposées. Une autre raison de leur échec, et la plus importante, est la tolérance du Conseil de sécurité envers les milices rebelles et son incapacité à faire respecter la Résolution 2216 [du Conseil de sécurité] adoptée en vertu de l’Article 7, affirmant que si nécessaire, la force serait employée [contre les milices]. Toutefois, rien de tout cela n’est arrivé, et cela a encouragé les Houthis à continuer de jouer avec le destin du Yémen et de sa malheureuse population, et à continuer de menacer de tirer des missiles contre l’Arabie saoudite.

Lors de l’arrivée du troisième envoyé spécial de l’ONU [pour le Yémen, Griffiths], les milices houthies ont proclamé au monde entier leur réponse à l’ONU, au Conseil de sécurité et à la communauté internationale, ainsi que leur position concernant les initiatives politiques pour une solution [à la crise au Yémen], en tirant des missiles contre l’Arabie saoudite au moment où l’envoyé spécial des Nations unies se trouvait encore au Yémen…

Il est parfaitement clair que [l’ONU] n’a pas réellement l’intention de résoudre la crise et de mettre fin à la rébellion des Houthis. Nous pouvons l’affirmer avec certitude, au vu de la gestion de la crise par le précédent envoyé, et du refus de l’ONU de prendre les décisions importantes requises par la Coalition [dirigée par l’Arabie saoudite soutenant le régime légitime du Yémen], qui empêcheraient les Houthis d’être équipés d’armes menaçant la sécurité de l’Arabie saoudite, et leur [éviteraient] de nuire à la population du Yémen. Une longue période s’est écoulée depuis l’adoption de la Résolution du Conseil de sécurité [2216], durant laquelle les Houthis ont continué d’envenimer la situation, et pas une mesure sérieuse n’a été prise pour appliquer la résolution, ou même laisser entendre qu’elle serait appliquée. Après tout cela, et au vu de ces faits, pouvons-nous compter sur une solution de l’ONU, ou nous en remettre au Conseil de sécurité ?

Les fragments de missiles tirés [contre l’Arabie saoudite] par les Houthis ont été exposés au siège des Nations unies. Nous avons entendu les représentants de la communauté internationale condamnant les milices qui les avaient tirés, mais cela n’a pas amené l’Assemblée [générale de l’ONU] ni le Conseil de sécurité à prendre une seule mesure sérieuse et concrète. Certains ont même imputé la responsabilité de la crise humanitaire affectant le peuple yéménite à l’Arabie saoudite et à la coalition [qu’elle dirige], malgré l’assistance considérable que les Saoudiens fournissent [au Yémen]…

Au vu de tous les événements passés, et des tirs sans précédent du dimanche [25 mars 2018] ciblant l’Arabie saoudite au moyen des missiles, coïncidant avec le début du mandat du nouvel envoyé spécial de l’ONU, notre demande n’est pas seulement de rétablir le régime légitime au Yémen, mais également de supprimer la menace houthie contre l’Arabie saoudite et de garantir sa sécurité… Il n’est pas raisonnable que [la partie houthie] persiste dans son comportement sauvage envers nous, car nous ne l’anéantissons pas totalement, mais attendons plutôt le résultat des visites des envoyés de l’ONU, qui n’ont fait que galvaniser la prétention et l’arrogance [des Houthis] à notre égard.

Tant que la communauté internationale, ses institutions, ses organisations et le Conseil de sécurité continueront d’adopter une position aussi faible contre l’Iran – qui est la source du terrorisme et du chaos dans notre région – chaque pays directement atteint par lui et par ses agents, comme le gang houthi et autres, a le droit de se défendre par des moyens appropriés. Et au diable les promesses de solutions de l’ONU, qui n’aboutiront à rien.[6]

Lien vers le rapport en anglais

Notes :
[1] Al-Madina (Arabie saoudite), 27 mars 2018.

[2] Alarabiya.net, 27 mars 2018.

[3] Twitter.com/kbsalsaud, 26-27 mars, 2018.

[4] Okaz (Arabie saoudite), 27 mars 2018.

[5] Comme indiqué, un ressortissant égyptien a été tué par des éclats de missiles, et plusieurs autres blessés.

[6] Okaz (Arabie saoudite), 27 mars 2018.

 

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