Dans sa chronique du quotidien saoudien Al-Jazira, Jasser Al-Harbash dénonce le boycott économique et diplomatique imposé au Qatar ces dernières semaines par l’Arabie saoudite, l’Égypte, Bahreïn, les Emirats arabes unis (EAU) et d’autres États arabes. Le boycott entend faire payer au Qatar son soutien à l’Iran et à diverses organisations terroristes, et ses tentatives de déstabilisation des États arabes. Les mesures de ces Etats incluent la rupture de tout lien diplomatique avec le Qatar, la fermeture de leurs frontières aériennes, maritimes et terrestres à son trafic et l’expulsion des citoyens qatariens de leurs territoires. [1]
Al-Harbash soutient que le boycott est inefficace car il nuit à la population et non au gouvernement qui, à l’instar de nombreux gouvernements dans le monde et de ceux de la région, ne se soucie pas de la souffrance de son peuple. Il a donc appelé à limiter le boycott aux officiels qatariens et à les « prendre personnellement pour cibles, en tout lieu ».
Il convient de noter que les critiques d’Al-Harbash sont surprenantes en ce qu’elles paraissent dans un média officiel saoudien ; or les médias officiels ont apporté leur plein soutien aux mesures anti-Qatar. Extraits : [2]
Quel est, dans la pratique, l’objectif d’un boycott total imposé en réaction à l’action agressive d’un gouvernement ? Le but est d’inciter à faire pression sur le gouvernement pour qu’il corrige ses relations avec la partie [boycottée] et lui présente des excuses. Cela peut fonctionner avec les quelques gouvernements qui sont à l’écoute de l’opinion, à condition qu’il y ait des mesures et des mécanismes populaires ou légaux permettant d’exercer des pressions. [Mais] combien de gouvernements dans notre monde actuel sont-ils dans ce cas ? Je pense que l’on peut les compter sur les doigts d’une main, et dans le monde arabe et musulman, il n’y en a aucun.
Le boycott total imposé à l’Irak après la deuxième guerre du Golfe [en 1990-1991] n’a eu aucun impact sur l’élite dirigeante de Baghdad – [qui n’a pas eu à se rationner en] boisson, denrées alimentaires, vêtements ou soins de santé. [Le boycott] n’a pas donné aux Irakiens le courage de descendre dans la rue pour faire pression sur leur gouvernement. Au contraire, il n’a fait qu’entraîner la mort de milliers et de milliers d’enfants irakiens pour cause de malnutrition, et les malades et les personnes âgées ont également péri suite à l’effondrement des services de santé. Seul le peuple irakien, dans son ensemble, a souffert…
Aujourd’hui, les citoyens arabes du Golfe voient un certain gouvernement – et non un peuple – ignorer et menacer la sécurité de la région, y compris de son propre peuple, à savoir le peuple qatarien, qui est notre chair et notre sang dans tous les sens du terme. Le Qatar est aujourd’hui sous siège économique et médiatique, afin de sensibiliser ses citoyens au danger posé par leur gouvernement, qui joue avec le feu. Cela, dans l’espoir que [le gouvernement] les écoute, corrige le tir, s’excuse et promette [de veiller aux] intérêts et à la sécurité de tous dans la région. [Mais] cela a-t-il des chances de se produire ? Je pense que non. Les citoyens qatariens ont commencé à souffrir tangiblement, alors que leur gouvernement devient de plus en plus rigide et têtu et ouvre de plus en plus grand la porte aux ennemis historiques de la région [l’Iran].
Alors, quelle est la bonne solution ? La solution est de veiller à limiter les mouvements – aériens, martitimes et terrestres – des officiels du gouvernement qatarien et de leurs associés, qui gagnent leur vie en [exploitant] la religion et le terrorisme – et de les prendre personnellement pour cibles, en tout lieu. Le citoyen qatarien n’est nullement responsable des crimes de son gouvernement et de ses agents et n’a aucun moyen de les corriger.
Lien vers le rapport en anglais
Notes :
[1] Sur les événements ayant conduit à la rupture des liens, voir MEMRI en français, Tollé dans les pays du Golfe suite aux déclarations attribuées à l’émir du Qatar louant l’Iran, le Hezbollah, les Frères musulmans et le Hamas, le 28 mai 2017.
[2] Al-Jazira (Arabie saoudite), 12 juin 2017.