Dans un article publié dans le journal des Emirats arabes unis (EAU) Al-Bayan, Ahmad Barqawi, philosophe d’origine syro-palestinienne et ancien directeur du département de Philosophie de l’université de Damas résidant actuellement à Dubaï, a pris position contre l’Iran, le Hezbollah et le Hamas. Selon lui, ceux-ci exploitent le slogan de la résistance contre Israël afin d’obtenir le soutien des Arabes et justifier des agissements préjudiciables aux sunnites et aux pays arabes en général. En outre, il critique les Arabes qui se laissent convaincre, tout en observant que la plupart n’est pas dupe. Et d’ajouter que cette exploitation de la résistance contre Israël ne fait que nuire à la cause palestinienne, car elle a pour conséquence de susciter le dégoût vis-à-vis des discours sur la Palestine. Extraits : [1]
Ahmad Barqawi
Il est bien naturel que les Arabes, en tant qu’individus et que collectivité, adoptent une position hostile envers Israël et soutiennent les Palestiniens dans leur combat pour la liberté et l’honneur, et pour la libération de leur pays. Cette position ne confère de privilège à personne [car elle est parfaitement évidente]. C’est la position inverse [à savoir, le soutien arabe à Israël] qui suscite perplexité et condamnations… [Mais] l’hostilité envers Israël n’octroie le droit à personne de faire du tort à autrui, et il n’est ni raisonnable, ni nécessaire, réaliste ou moral [de considérer] l’hostilité envers Israël comme un certificat de bonne moralité, qui conférerait le droit à qui que ce soit d’attaquer les sociétés, les nations ou les gens [en général].
A chaque fois que quelqu’un critique le Hezbollah – l’un des partis communautaristes au Liban – certains auteurs bondissent et déclarent : « Mais le Hezbollah est un ennemi d’Israël et un emblème de la résistance. » Ceux qui emploient cet argument épousent indubitablement une manière de penser instinctive, car ils recourent à un critère unique pour évaluer et comprendre différents phénomènes et se forger une opinion. Même en supposant, à titre d’exemple, que cet argument [que le Hezbollah s’oppose à Israël] comprend une part de vérité, ces gens pensent-ils que l’hostilité envers Israël est un motif suffisant pour soutenir [le Hezbollah] ?
Un habitant de la ville d’Al-Qusayr [à l’ouest de la Syrie] qui a été expulsé de la ville après sa conquête par le Hezbollah haïra le Hezbollah, même s’il libère la Palestine. Il fondera son opinion sur sa propre tragédie, causée par le Hezbollah, et considérera à juste titre le Hezbollah comme responsable d’un acte criminel. [De même], le Hezbollah, qui a soutenu le régime [syrien] tyrannique qui a exécuté 60 000 prisonniers,[2] ne recevra rien d’autre que le mépris absolu des familles de ces victimes. Les Sud-Libanais assassinés par le Hezbollah – ce même Hezbollah qui a assassiné [l’ancien Premier ministre libanais Rafiq] Al-Hariri, le [journaliste progressiste et universitaire] Samir Kassir et d’autres au Liban – ne défendront jamais le Hezbollah devant les sunnites libanais. Et le Hezbollah, qui a pris le contrôle de Beyrouth comme le feraient des envahisseurs, ne gagnera jamais la sympathie des habitants de Beyrouth-Ouest avec des slogans de résistance. Etc., etc.
Un Houthi [au Yémen] colle une affiche disant « Mort à Israël » puis s’en va occuper les villes d’Al-Hudayda, Aden et Sanaa. Quelle est donc la signification du slogan « Mort à Israël » si, en pratique, [ce Houthi ne fait que] semer la destruction au Yémen ? Et quel est le sens des déclarations d’hostilité envers Israël du Hamas et de son soutien à la libération totale de la [Palestine] si, en pratique, il ne fait [que] rendre la vie impossible aux habitants de Gaza ? Quel est le sens pour un pays comme l’Iran de déclarer son hostilité envers Israël et d’adopter ensuite une politique de déstabilisation de ses voisins arabes en utilisant des milices qui s’opposent à la notion [même] d’Etat et en exportant sa fausse révolution ?
Les principes de liberté, de libération, de stabilité et de justice ne peuvent être divisés, pas plus que le principe selon lequel un homme a le droit de vivre dans l’honneur. Si vous soutenez le peuple palestinien et sa liberté, cela signifie que vous devez soutenir le noble combat du peuple syrien pour la liberté, la libération et l’honneur. Si vous êtes hostile à Israël, cela signifie que vous devez soutenir le Yémen, l’Irak et la Syrie contre les forces militantes communautaristes et leurs alliés [à savoir l’Iran, le Hezbollah, Al-Hashd Al-Shabi et les Houthis]. Si vous êtes contre Israël, vous ne pouvez pas soutenir le terrorisme dans un autre pays.
En fait, transformer l’hostilité envers Israël en un slogan pour porter préjudice à des tiers est une attitude répréhensible, et pas seulement du point de vue politique. C’est une attitude manifestement immorale. En outre, l’effet d’une telle attitude sur la cause palestinienne est très négatif, car cette [approche] moralement contestable crée une sorte de dégoût envers tout discours lié à la Palestine, et peut faire perdre [à la cause palestinienne] son sérieux et sa place dans la conscience [de l’opinion].
Lien vers le rapport en anglais
Notes :
[1] Albayan.ae, 9 août 2017.
[2] Selon un rapport de mai 2016 publié par l’Observatoire syrien des Droits de l’Homme, plus de 60 000 prisonniers sont décédés dans les prisons du régime depuis le début de la guerre civile. (Voir Reuters.com, 22 mai 2017).