Dans une chronique parue dans le quotidien égyptien Al-Masri Al-Yawm, le ministre de la Culture Helmy Al-Namnam a réagi aux événements violents qui ont secoué Charlottesville, en Virginie, le samedi 12 août 2017, au cours desquels James Fields, un admirateur d’Hitler d’une vingtaine d’années aux « opinions suprématistes sur la race blanche », [1] a lancé son véhicule sur des contre-manifestants. Al-Namnam établit un lien entre l’idéologie nazie et celle de l’islam extrémiste, écrivant que le village qu’est devenu le monde actuel souffre de terrorisme et d’idéologies racistes – qu’elles soient le fait de djihadistes qui accusent les autres d’hérésie ou de nostalgiques du nazisme. Par conséquent, une position internationale unifiée devrait être adoptée pour contrer ces idées, estime-t-il. Extraits : [2]

Le samedi [12 août 2017], des événements violents à caractère raciste se sont déroulés en Virginie, aux États-Unis, faisant des morts et des blessés. L’état d’urgence a été déclaré dans l’Etat. Cette année, des événements similaires ont pris pour cibles des Noirs, mais cette fois, des cris contre les musulmans et les juifs se sont fait entendre à plusieurs reprises. Une attaque à la voiture bélier a également été menée par un jeune homme qui, après enquête, s’est révélé être… un admirateur du dirigeant nazi Adolf Hitler. Ce jeune homme, produit de la société américaine, ne souffrait nullement de difficultés économiques ou de quelque problème [lié à] l’éducation ou la culture, et il est probable que toutes les voies lui étaient ouvertes. Mais il s’est trouvé confronté à une personnalité et à des idées obsolètes – les idées du nazisme et du racisme, que beaucoup dans le monde croyaient disparues pour toujours – et a été séduit.

Les principes et les idées du nazisme et du racisme à caractère ethnique, ou de la suprématie de la race blanche sur les autres races, sont similaires aux idées de takfir [accusation d’hérésie] et de hakimiyya [souveraineté d’Allah] dans nos sociétés qui, dans notre génération, ont été étayées par Sayyid Qutb. [3] Ce type d’idées abominables se nichent dans les livres, et puis à un certain moment de l’histoire, certaines personnes en détresse profonde, émotionnelle ou intellectuelle, émergent et [étudient ces textes] assidûment, les diffusent et les présentent à la société – ou [plus précisément] à certains secteurs de la société – comme le remède contre tout ce qui les afflige, ce qui engendre feu et sang.

Puisque nous vivons dans un monde devenu en pratique un petit village, il n’est plus possible pour les esprits maléfiques de se confiner à un pays ou une zone géographique spécifique. Il n’y a plus [de séparation entre] l’est et l’ouest, le nord et le sud. Le mouvement des Frères musulmans, les idées et les terroristes [qu’il a engendrés], tels que l’État islamique [EI] et autres, errent à travers le monde et perpètrent des attentats à Paris, Londres, au Luxembourg et des lieux toujours plus nombreux, exactement comme en Syrie, en Irak, en Libye et à Rafah dans le Sinaï. La seule différence est le nombre d’attentats. De même, les idées d’Hitler se déplacent d’un endroit à l’autre. Quiconque s’intéresse au parcours de son livre, Mein Kampf, découvre qu’il a été publié dans de nombreux pays et traduit en plusieurs langues… Le résultat en est ces actes de violence et manifestations racistes.

Si les idées d’Hitler comportent un racisme direct, les idées incarnées par le takfir représentent un autre genre de racisme du type le plus répugnant, permettant à certaines personnes de se comporter comme si elles détenaient le monopole de la vérité et le droit d’exproprier la foi de ceux qu’elles n’aiment pas. Le résultat de ce takfir est le meurtre et la destruction de tous ceux qui ne sont pas d’accord avec elles, qu’il s’agisse d’individus ou de groupes ethniques, et parfois [même] de toute une société ou de tout un pays.

La crise est devenue universelle et touche toute l’humanité, de sorte qu’aucune société n’est plus protégée du vent de racisme qui souffle au-dessus d’elle et la prend à la gorge. Ainsi, nous voyons de jeunes hommes et femmes foncièrement européens rejoindre l’EI, l’organisation terroriste la plus vicieuse à ce jour. C’est pourquoi les membres d’une société donnée auraient tort de croire que la crise ne touche qu’eux, ou que l’échec éducatif, économique et culturel est leur lot uniquement – puisque chaque société a ses crises et ses préoccupations. Certaines de ces crises ont atteint le niveau du racisme et du takfir, et ont au bout du compte [mené à] la violence et au terrorisme qui découlent [du racisme et du takfir].

Il est vrai que, dans chaque pays, ce problème a ses propres caractéristiques et doit être traité conformément à sa situation propre. Le caractère global de la diffusion de ces idées, ces actes violents et ce terrorisme nous contraignent à prendre position et à [formuler] une approche internationale pour les affronter, aux côtés d’approches locales et régionales. Si nous ne le faisons pas, le monde se réveillera un jour pour découvrir que [l’idée de] takfir nous a tous encerclés et que le racisme étouffe chacun d’entre nous.

Lien vers le rapport en anglais

Notes :

[1] Fields, qui s’est rendu en Virginie depuis l’Ohio, a épousé des idéaux extrémistes au lycée, selon son professeur d’histoire Derek Weimer. Weimer a déclaré avoir été le professeur de Fields au lycée Randall K. Cooper, dans le Kentucky. « Il était manifeste qu’il avait cette fascination pour le nazisme et qu’il cultivait une grande idolâtrie d’Adolf Hitler », a déclaré le professeur. « Il avait des opinions suprématistes sur la race blanche. Il croyait réellement à ces histoires. » Washingtonpost.com, le 14 août 2017.

[2] Al-Masri Al-Yawm (Egypte), le 16 août 2017.

[3] Sayyid Qutb (1906-1966), auteur, éducateur, théoricien islamique et poète égyptien, était une figure dominante des Frères musulmans en Egypte. Ses écrits ont influé sur le développement de l’islam radical.

 

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